Ces dernières années, le Record Store Day s’impose comme un événement majeur. La version américaine en tous cas permet quelques sorties plus « légères » et tout à fait réjouissantes. En plus d’un best-of sur vinyle agrémenté d’une compilation de raretés (notamment de fameuses reprises tordues), Xiu Xiu en profite pour sortir un album de reprises un peu particulier. Enregistrées en une seule journée dans les studios de Sigur Ros, ces versions de morceaux composés entre 1850 et 1920 sont accompagnées d’une seule guitare (un modèle de 1953 offert par son producteur de père).
James Stewart, qui s’est déjà lancé dans des reprises mais de façon plus personnelle (ce qui est presque inévitable vu son indéniable originalité), a manifestement un grand respect pour ces œuvres interprétées de façon très simple, lesquelles chansons m’étaient totalement inconnues, à l’exception de Wreck on The Highway qui a été enregistrée par Bruce Springsteen (sur The River), mais qui date de bien plus tôt. On sent tout de suite à la simplicité de ces chansons que ce sont des classiques, des incunables attachés à la culture des USA. Au contraire de Moriarty qui s’est aussi frotté récemment à ce répertoire de façon plaisante, mais scolaire et littérale, il apporte sa patte à toutes ces versions.
Non, on ne s’attendait pas nécessairement à ce qu’il sorte des morceaux aussi dépouillés. Pour ceux qui en doutaient encore, voici la brillante affirmation de sa singularité en tant que chanteur. Les arrangements sont finalement très minimalistes ; une guitare qui martèle deux notes et c’est à peu près tout pour Blood of the Lamb qui dégage pourtant une grosse intensité. Des bruits d’animaux et d’eau enregistrés dans la jungle de Guyane constituent non seulement les morceaux de transition, mais viennent habiller les « vrais » morceaux chantés. Et entendre un singe en fond, c’est finalement tout ce qu’il faut pour rendre I’ll Fly Away intéressant.
Oui, on aurait pu retrouver All Fo’ You sur un de ses albums récents. Il faut dire que les paroles « You took the hammer you knocked my head, you took the razor cut my throat, all fo’ you baby, all fo’ you » semblent aller très bien à l’univers plutôt noir de Xiu Xiu. Mais qui trouve ici des accents plus apaisés. Sa voix de tête sur le très joli Church In The Wild Woods n’est pas sans rappeler un Perfume Genius qui serait passé du côté trouble de la force.
Les exercices de Xiu Xiu en marge de la discographie plus régulière sont une inépuisable source de curiosité. S’il arrive qu’ils se révèlent un peu rudes comme quand il se frotte à Nina Simone ou bidouille avec Eugene Robinson, il peut aussi mettre sa personnalité d’interprète au service de chansons hors d’âge et s’en sortir avec les honneurs, montrant qu’il peut tout simplement être touchant avec une guitare et sa voix (et un peu de sons de jungle). Plus facile d’accès, ce qui n’est finalement qu’une escapade se révèle un bien bel album qui montre une nouvelle facette du talent de James Stewart.