Jau Jau, de Tototomas. Y’a de la joie
On attend quantité de musiques des pays d’Amérique Latine, des plus traditionnelles aux plus modernes, mais la pop et le folk en font rarement partie. On entend peu parler de groupes d’Amérique du sud. C’est encore plus vrai pour ceux qui ne flirtent pas avec l’électro ou le rap, autrement dit pas en phase avec le clubbing européen, comme ont pu l’être le baile funk ou la cumbia nueva.
Dans la grande richesse pop et rock du continent, un groupe argentin creuse peu à peu son trou. Tototomas, on dirait un nom de pokemon, leur musique est aussi fraiche et marrante que le nom. Et surtout, c’est de la belle ouvrage.
Jau Jau, leur troisième disque en trois ans, est une réussite joyeuse et une vraie pochette-surprise. On est mis à contribution dès le début de l’album, par le shunt abrupt du premier morceau, en plein refrain. Les surprises continuent, avec un mélange mambo/cha-cha soutenu par une trompette aussi bien bouchée que leurs compositeurs ne le sont pas.
Dans la pop mondialisée, on chante souvent en anglais, en France, en Espagne, au Costa Rica (Las Robertas)… Et il y a les artistes qui écrivent dans leur langue maternelle. S’il y a une surprise avec Tototomas, en dehors de l’issue toujours incertaine des morceaux, c’est celle de la langue. Ils puisent dans beaucoup de marmites, anglo-saxonnes comme latines, on s’attendrait du coup à les voir choisir la lingua franca musicale, l’anglais. C’est d’ailleurs un choix trompeur, car du coup on identifie bien un accent, une langue, qui soulignent la partie hispano-lusitanienne de leur répertoire. Alors qu’à bien les écouter, la partie rock et pop est loin d’être minoritaire.
Tototomas, c’est une invitation au voyage. Une pincée de guitare classique espagnole et de phrasé flamenco. Une dose de rythmes latino caribéens, mambo par exemple. Un soupçon de bossa nova brésilienne, sur le merveilleux Gan gan guen gon. De la folk latino à la Calexico. De la pop (Fugaz). Sur Di que te encanta, le mélange prend si parfaitement qu’on ne sait plus en isoler les ingrédients. Il va être difficile de résister à celui-ci, ne vous inquiétez pas si votre voisin de bureau entame une danse de Saint-Gui dès les premières mesures.
Tototomas joue sur les contrastes. Casado les accentue à l’extrême, d’un morceau à l’autre et parfois dans une même chanson. Dans Desde el borde, la voix débute seule avec un banjo tout doux et tout folk, avant que les chœurs s’en mêlent et que guitares et batterie ne l’emmènent vers une marche rock à la limite de la démonstration de force.
C’est peut-être le plus important chez Tototomas, ce sens des nuances et cette capacité à occuper l’espace sonore dans tous ses recoins. Le côté Lonely planet de leur répertoire, si séduisant quand on est attaché à des valeurs cosmopolites, en laissera d’autres indifférents. Mais ces mélodies, ces choeurs enveloppants, la justesse des arrangements, voilà qui mettra les premiers d’accord avec les seconds.