01. New Order – Blue Monday (Lucile Bellan)
Extrait de “Blue Monday” – 1983 – Synthpop
Un air de bravoure, c’est ça qu’il faut. Quand le quotidien est gris, étouffant de moiteur et d’angoisse, quand les visages autour sont laids, il faut Blue Monday pour trouver et garder la force de garder la tête haute et marcher sur les pavés comme sur un podium. les talons qui claquent sur le sol avec insolence, les yeux vers l’avenir. S’attarder sur ce qui ne marche pas, sur ce qui fait souffrir, pourquoi faire ? Quand je suis étouffée, j’installe mes écouteurs dans mes oreilles et je mets fort, si fort, New Order et son Blue Monday. Un pas devant l’autre avec fierté, je ne vous écoute plus, je m’écoute moi.
02. Erma Franklin – Piece Of My Heart (Christophe Gauthier)
Extrait de “Piece Of Her Heart – The Epic & Shout Years” – 1967 – Soul sister
On vit une époque formidable. Une époque où, pour entendre du rock ou de la soul à la télé, il vaut mieux attendre les pages de pub. Une époque où Janis Joplin passe comme cela sur des millions d’écrans, débitée en tranches de 30 secondes, en fond sonore pour une pub pour du sent-bon. Une époque où, en quelques instants, on redécouvre que son “Piece Of My Heart” est une reprise, que l’original était chanté par la soeur d’Aretha Franklin, et qu’elle est aussi puissante – tout en étant différente – de celle de Pearl. Merci la pub pour cette (re)découverte.
03. Ghostface Killah & BadBadNotGood – Gunshowers (Benjamin Fogel)
Extrait de “Sour Soul“ – 2015 – Hip hop
Ce début d’année 2015 ne manque pas d’événements hip hop. Entre les sorties des albums de Drake, Cannibal Ox, Earl Sweatshirt, et, malgré les réserves que je peux avoir dessus, celui de Kendrick Lamar, le rap US se porte bien, à la fois très ancré dans son passé, et complètement en phase avec son présent. Dans la continuité de cette idée, je suis, sans surprise, particulièrement convaincu par Sour Soul, l’album de Ghostface Killah réalisé avec les jeunots de BadBadNotGood. D’un côté l’ex Wu-Tang Clan, généreux sans sombrer dans l’auto-parodie, de l’autre le trio jazz de Toronto qui n’en finit pas de me surprendre.
04. Missy Elliott – Get Ur Freak On (Isabelle Chelley)
Extrait de “Miss E… So Addictive” – 2001 – Rap fort en gueule
Je n’aime pas le rap. Sauf le rap old school. Et Missy Elliott. Dans un milieu de gros bras et de testostérone, elle s’est affranchie des mecs et les a battus sur leur terrain de jeu, en tant qu’artiste complète, rappeuse, productrice et grande gueule. Elle m’a toujours donné l’impression de se soucier plus de sa musique que de passer pour la pire des thugs et ça s’entend sur ses morceaux, souvent acrobatiques, bourrés d’idées et de gimmicks, garantis sans plans faciles et samples racoleurs. Ce Get Ur Freak On, je l’écoute comme un hymne de guerrière, un concentré de sons puissant, sexy, musclé. Qui rend presque invincible. Ou permet d’achever dignement son jogging quand il est dans sa playlist…
05. Les Innocents – Les Philarmonies martiennes (Thomas Messias
Extrait de “Mandarine” – 2015 – Long, long, long
Quinze ans que j’attendais ça. Quinze ans à espérer que le groupe qui berça toute mon adolescence et alimenta mes envies d’écriture finisse un jour ou l’autre par se reformer. C’est sous le signe du “geste frère” que Jean-Christophe Urbain et Jean-Philippe Nataf (et merde, Jean-Chri et Jipé) font un retour discret, pudique mais si bouleversant. Orchestrations travaillées et voix qui se complètent et s’accordent : loin des dissensions passées, les Innos semblent enfin s’être trouvés. Que c’est long, long, long d’attendre jusqu’au 1er juin, date de sortie de l’album.
06. Jessica93 – Asylum (Jean-Sébastien Zanchi)
Extrait de “Rise” – 2014 – Citroën Visa Rock
Jessica93, c’est l’histoire d’un mec qui fait de la musique tout seul dans son coin et qui galère depuis pas mal de temps. Après avoir écumé les salles les plus obscures avec des pseudos tels que Jean Chie et Alpha Bondy, ce natif de Gagny en Seine-Saint-Denis commence a obtenir la reconnaissance du public et de ses pairs grâce à ce projet qu’il mène tout seul comme un grand depuis 2010 ; aussi bien en studio que sur scène. En découlent forcément des compositions qui font la part belle aux boucles de guitare et de basse pleines de disto, une boîte à rythme saturée et une voix d’outre-tombe. Entre shoegaze, cold-wave et grosse claque dans la gueule.
07. Soko – Peter Pan Syndrome (Anthony)
Extrait de “My Dreams Dictate My Reality” – 2015 – Tristesse contemporaine
On n’en finit pas de refuser d’enterrer la new wave et le post-punk. Soko, 28 ans, née grosso modo au moment où The Cure découvrait un très grand succès en France, a repris à la bande de Robert Smith sa section basse-batterie (avec le son d’origine) et adopte des postures de diva gothique qui parviennent à éviter le pastiche lourdaud. Malgré une pochette indéfendable comme il pouvait en circuler dans les 80’s, “My Dreams Dictate My Reality” parvient à synthétiser la marque sonore de cette époque de référence pour la mettre au service de l’habillage de chansons à la belle facture mélodique. A défaut d’inventer dans la période contemporaine de nouvelles formes musicales d’expression de leur mal-être, les jeunes artistes piochent dans les recettes des vieux corbeaux. Ça marche toujours(et pourvu que ça dure).
08. Dominique A – Eléor (Marc Mineur)
Extrait de “Eléor” – 2015 – Dominique A
On a sans doute tout dit sur le dernier album de Dominique. Tout le monde a dit pourquoi et comment il est magnifique, compact et réussi, impeccable et immense. On peut donc se consacrer à l’essentiel, à écouter encore et encore ce futur classique. Eléor n’existe pas ou existe si peu. C’est l’endroit rêvé d’un repos qu’on espère réparateur, c’est le climax du dixième album du meilleur chanteur français vivant.
09. Puerta Fácil – Buenos Aires (Arbobo)
Extrait de “Puerta Fácil” – 2014 – Pop latine
Inutile de chercher sur quel rayon classer exactement ce délicat collectif argentin. Ils ont picoré à pas mal d’endroit, en Europe en Amériques, y compris dans la bossa nova de leurs voisins brésiliens. Dans ce délicat album languide, la voix de Juan Isola est souvent doublée par le choeur, donnant une force tranquille et un souffle à ce chant auquel je n’entrave pas le moindre mot. Peu importe, à la guitare ou au violon, avec ou sans cuivres ou percussions, le dosage est toujours juste, les arrangements soignés, et l’envie d’y retourner un peu plus grande à chaque écoute. Embarquement porte F, comme “facile”.
10. Carte blanche featuring Kid Sister – Do! Do! Do! (Marc di Rosa)
Extrait de “Black Billionaires EP” – 2010 – House
En 2010, le regretté producteur français de rap DJ Mehdi et son homologue anglais Riton s’amusent le temps d’un projet hommage à la house de Chicago, appelé Carte blanche. De maxis en mixtapes, ils se prennent au jeu et leur collaboration éphémère prend de l’ampleur… jusqu’à la tragique disparition de DJ Mehdi. Témoignage de leur alchimie musicale, Do! Do! Do! est un morceau de house funky, joyeux et sautillant, poli par la voix suave de la chanteuse américaine Kid Sister (qui se fait appeler Jane Jupiter désormais).
11. Kimya Dawson –Every Rose Has Its Thorn (Thierry Chatain)
Maquette Soundcloud – 2015 – Anti-folk
Le vieux cliché de la chanteuse qui pourrait vous briser le cœur en chantant le Bottin se révèle parfois vrai. Comme avec Kimya Dawson. Le Bottin de l’ancienne moitié des Moldy Peaches est ici la reprise au débotté d’une power ballad de Poison, groupe de hair metal insignifiant des années 80. Kimya, c’est l’exact opposé de Poison : rien à foutre du look, de la carrière, du fric, tout pour la sincérité, la spontanéité. Quelques accords de guitare acoustique presque malhabiles (on entend les cordes friser), une voix un peu voilée qui garde la fraîcheur de l’enfance et semble ne chanter que pour vous, et s’exclame « J’ai merdé ! » à la fin : je fonds…
12. Sviatoslav Richter – Les tableaux d’une exposition de Modest Moussorgski, Prague, 1956 (Nathan)
Extrait de “Sviatoslav Richter à Prague” – 2002 – Piano
Dans mon petit panthéon du piano, il y a l’élégance presque insolente d’Arthur Rubinstein et la grâce hantée Vladimir Horowitz. Leurs interprétations diffèrent. Par exemple, je préfère Rubinstein sur Chopin et Horowitz sur Scriabine ou Schumann. Puis il y a Sviatoslav Richter… Richter et ses mains gigantesques apportent une physicalité impressionnante aux œuvres. Il en fait une bataille, il pousse les œuvres sur les bords des falaises, sans jamais perdre équilibre, élégance et précision. Cet enregistrement des fantastiques Tableaux de Moussorgski résume parfaitement le caractère unique de son touché, entre force titanesque et douceur. À lire aussi, ce fort bel article sur le site de la NPR sur le monsieur.