Voilà un artiste qui ne nous a jamais laissé indifférents, et qu’on a appris à apprivoiser album après album. On a toujours envie de voir où il va nous emmener, quelles seront ses envies et ses orientations. On l’avait laissé sur un Break It Yourself de très bonne facture mais un peu moins flamboyant, puis en reprises de ses amis de The Handsome Family (Things Are Really Great Here, Sort Of…) et enfin sur un EP instrumental enregistré au fond d’un Canyon et servant d’illustration sonore à une installation au “Boston Institute of Contemporary Art”. Le revoici de retour en mode majeur avec un Are You Serious qui le voit plus facile d’accès que jamais.
On parle rarement de la vie privée des artistes sauf si cela a une influence sur leur œuvre. Et il semble que son mariage récent et la paternité qui a suivi a libéré Andrew. Non, il ne cède pas au poncif de la berceuse toujours ratée mais il avoue que ces événements ont rendu son écriture plus directe. C’est simplement une déclaration d’intention, on est d’accord, mais force est de constater que les effets sont patents.
Déjà sur “Capsized”, on sent ce côté franc et direct qui ne veut pas dire plus fruste. Le violon se fait plus souple, plus fluide. Le revirement de style n’est pas pour tout de suite mais l’abord de cet album en est grandement facilité. “Roma Fade” est sans doute son morceau le plus immédiat après l’insurpassable “Fake Palindromes“. Il y convoque beaucoup, des chœurs presque invisibles, un riff de violon irrésistible, du pizzicato. On sait qu’on tient un morceau qu’on réécoutera cent fois comme son fameux prédécesseur.
Si “Puma” est un morceau presque pop sixties, il n’en reste pas moins typique de son style. Il fait partie de ces morceaux qui ne sont pas flashy de prime abord et constituent la colonne vertébrale de son style et de cet album. “Truth Lies Low” aurait ainsi pu se trouver sur n’importe lequel de ses albums, surtout quand il pratique ce qu’on appelle souvent “fiddle” (un emploi du violon utilisant des changements rapides très usité en musique traditionnelle) pour en faire un usage qui confine au jazz. Il a un talent suffisant pour cacher sa virtuosité sous une légèreté fondante. La fin de ce morceau est assez exemplaire à ce propos.
“Saints Preservus” en profite pour changer souvent de climat, une caractéristique qu’on apprécie toujours chez lui, assez habile pour faire coexister plusieurs morceaux en un. Moins classiques en son chef sont les mélodies vraiment directes et immédiatement mémorables comme sur “Are You Serious”. “Valleys of The Young” est plus rock, ramenant à ce qu’il nous proposait sur “Armchair Apocrypha”, album plus direct souvent décrié par ses fans hardcore. Fort heureusement, il garde sa grande voix et sa syncope bien particulière, polie, album après album par son épatante section rythmique.
On entend Fiona Apple sur “Left-Handed Kisses”. Une belle alliance de deux talents certains de ces dernières années. Pourtant, je mentirais si j’affirmais que ce morceau est le plus marquant de l’album. A tout prendre, la collaboration de St Vincent sur l’album précédent était plus pertinente.
Il fallait du temps pour faire le tour d’un album d’Andrew, ce n’est pas le cas ici. Certes, les richesses se dévoilent petit à petit, mais l’approche est plus immédiate. A un tel point qu’on se dit qu’Are You Serious est peut-être le point d’entrée idéal pour le profane.