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lond01. Frank Ocean – Seigfried (Lucile Bellan)

Extrait de “Blond” – 2016 – R’n’b /Psychedelic pop (d’après Wikipedia)
Je ne suis pas mélomane dans le sens où, pour moi, la musique est indissociable de moments, de scènes, de sentiments et d’émotions à un instant T. Elle n’existe pas pour elle-même, elle accompagne, parfois parfaitement, le moment. La scène se passe ici entre 4 et 6h du matin. Un bus de nuit. Une solitude sereine, bienvenue après un trop-plein. Ce morceau, cet album même, c’est cette nuit là. Rien que la musique pour se tenir éveillé. Les bonbons aux fruits qui fondent dans ma bouche et dont le sucre se mélange au sel des larmes qui coulent jusqu’à mes lèvres. Et Frank Ocean.

talk_talk02. Talk Talk – New grass (Anthony)
Extrait de “Laughing Stock” – 1991 – Post-rock atmosphérique pionnier intemporel de type chef d’oeuvre
J’ai mis un temps infini à apprécier ce disque, difficile d’accès, déroutant pour qui avait apprécié la beauté plus accessible de “The Colour Of Spring” en 1986. Mais il se passe peu de semaines sans que j’écoute les 6 plages sublimes de ce disque hors du temps, mélancolique, suave et raffiné. Mark Hollis et ses comparses avaient décidé de n’en faire qu’à leur tête avec leur maison de disques précédente (EMI), peu encline à les laisser libres de fureter vers le jazz, l’ambient et les longues improvisations… Ce dernier album de Talk Talk sort chez Verve en 1991, sur lequel figurent notamment 2 longs morceaux sublimes : After the Flood et ce New Grass qui fleure bon la contemplation et la sensibilité.

innocence-reaches03. Of Montreal – Let’s relate (Alexandre Mathis)
Extrait de “Innocence Reaches” – 2016 – Electro d’été
Cet été, je me suis trémoussé sur le nouveau Of Montreal. Une chouette production, des beats entêtants et des ruptures de ryrhmes bien trouvées. Pour autant, rien de prétentieux dans sa globalité. Un vrai plaisir d’écoute légère. On peut faire le ménage, cuisiner, traîner au lit, se balader avec, tout passe. Ma préférée : Let’s relate qui ouvre l’album. Mais j’aurais tout aussi bien pu vous faire vous trémousser sur Ambassador Bridge, It’s different for girl ou A sport and a pastime. Essayez, ça fait du bien et c’est mieux que la cure de vitamines dégueulasses que file le médecin à l’entrée de l’hiver.

3rdBass-Derelicts04. 3rd Bass – Derelicts of dialect (Arbobo)
Extrait de “Derelicts of dialect” – 1991 – hip hop
Encore gamin, entre la première et la terminale, je vais pour la première fois aux United States of America, sans papa ni maman (cerise sur le gâteau). Petit blanc bourgeois, je découvre à Philadelphie des quartiers 100% noirs, qui n’existaient pas dans ma petite ville de province, et j’y fais quelques emplettes auprès de vendeurs à la sauvette dans la rue. C’est l’occasion, après des années à n’écouter que de la brit-pop et du rock indé, de renouer avec le rap, que j’avais découvert 10 ans plus tôt sur les cassettes de mon frangin. Je n’ai pas beaucoup usé premier album de NWA, mais je n’ai jamais cessé d’écouter le deuxième de 3rd Bass, Derelicts of dialect, sorti 1 mois avant mon arrivée. Morceau incroyable sur un excellent album du même nom. Inventivité musicale, rapport riche à la langue, contrairement au titre à ne pas prendre au pied de la lettre, ceux-là savaient tailler les rimes comme des orfèvres.

ShapeOfJazzToCome (1)05. Ornette Coleman – Focus on Sanity (Nathan)
Extrait de “The Shape of Jazz to Come” – 1959 – Jazz
Le titre d’album le plus équivoque de l’histoire du jazz. L’année de Kind of Blue, de Mingus Ah Um, de Giant Steps, Coleman sort le disque le plus révolutionnaire, brillant, radical, libre. Dans son format, ses changements de rythme permanents et ses dissonances dansantes, Ornette définit le jazz des 50 ans qui le suivront. Et ce solo de contrebasse de Focus on Sanity est prodigieux.

far06. Regina Spektor – Laughting with (Esther Buitekant)
Extrait de “Far” – 2009 – anti-folk
Souvent, je découvre une chanson non pas en l’entendant à la radio mais plutôt dans un film. Elle est là, comme un autre personnage. Et il arrive parfois qu’elle colle si parfaitement à la scène qu’elle accompagne qu’on pourrait la croire spécialement écrite pour ça. Les pas, les regards, les mouvements des personnages épousent parfaitement les paroles et le rythme de la musique. C’est le cas de cette chanson de Regina Spektor que j’ai découverte dans un épisode de la saison 2 de The Leftovers. Un épisode centré sur la spiritualité et la foi où il est question, comme dans la chanson, de Dieu et des tours qu’ils jouent aux humains, que l’on croit ou non en son existence. J’ai aimé la voix de cette chanteuse dont je ne savais rien et elle a accompagné mon été, comme une balade à la fois douce et ironique.

Matching_Mole07. Matching Mole – O’Caroline (Thierry Chatain)
Extrait de “Matching Mole” – 1972 – comptine amoureuse
Va savoir pourquoi, alors que je n’ai pas dû écouter cette chanson depuis 40 ans, elle s’impose à moi. En rupture de Soft Machine, Robert Wyatt, qui n’est pas encore en fauteuil roulant, oublie un instant l’ivresse du jazz libre et du prog rock pataphysique typique de l’école de Canterbury pour ces cinq minutes de beauté mélancolique (il y est question d’une rupture fraîche et regrettée). Si, apparemment, cette digne supplique n’eut pas l’heur de ramener son inspiratrice (Caroline Coon, pour l’anecdote, artiste, journaliste et agitatrice de l’underground anglais depuis un demi-siècle) dans les bras de Wyatt, l’auditeur, lui, ne peut que succomber au charme défait de sa voix écorchée et à la limpidité de la mélodie et des arrangements – un doigt de piano, une pincée de Mellotron et une batterie comme une caresse.

goldlink-after-that-we-didnt-talk-the-remixes-album-stream08. GoldLink – Dark Skin Women (Chris McClenney Remix) (Christophe Gauthier)
Extrait de “And After That, We Didn’t Talk – The Remixes” – 2016 – Hip hop croisé à la deep house
Voici un cas à part, celui où un remix est supérieur au morceau original. Dark Skin Women, dans sa version de base, n’était pas trop mal avec son rap en mode stop and start, même si l’ensemble sonnait un peu bancal. Repatouillé par le producteur américain Chris McClenney, qui pose les vocaux de GoldLink sur un beat deep house joliment filtré, ce Dark Skin Women se met à groover furieusement. Le refrain est imparable, les choeurs soul irrésistibles. On frôle la perfection en trois minutes chrono.

09. Okkervil River – Okkervil River R.I.P. (Marc Mineur)
Extrait de “Away” – 2016 – Indie sensiblePrint
Il a beau avoir viré presque tous ses musiciens, être moins flamboyant que sur son album précédent, se faire bien plus discret que le side-project sensé être plus calme et qui va vers les stades (Shearwater), Will Sheff ne change pas vraiment et c’est aussi ce qu’on aime chez lui. L’intensité est une vertu cardinale, l’engagement une obligation, l’excellence une habitude. On n’a pas encore fait le tour de cet Away qui deviendra sans doute un indispensable de l’année et au-delà…

10. Vince Staples – Loco (Benjamin Fogel)Vince-Staples-Prima-Donna1-compressed
Extrait de “Prima Donna” – 2016 – Hip Hop
Avec son EP Prima Donna, Vince Staples, qui était déjà au centre de toutes les attentions, a frappé un grand coup, faisant de lui un disciple de Kanye West. Il n’est plus question de rap game. Il n’est plus question de se comparer aux autres (ou du moins pas sur des critères qui sortiraient du cadre de la musique). Tout ce qui compte, ce sont les chansons et la recherche d’un équilibre de vie. Vince Staples a 23 ans et se fout de la culture hip hop et des postures. La street credibility, il la laisse aux autres ; lui est trop occupé à écrire des chansons folles comme ce Loco.

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11. The Stone Roses – Waterfall (Marc di Rosa)
Extrait de l’album “The Stone Roses” – 1989 – rock indé
Cette année, les Stone Roses, groupe anglais phare de la scène « Madchester », est revenu aux affaires, avec deux nouveaux titres. Il n’est pas certain qu’ils provoquent le même émoi que leurs premiers morceaux. En 1989, quelques mois avant que le mur de Berlin ne s’écroule, les Stone Roses abattent les frontières entre des styles musicaux qui s’ignorent à cette époque. Par la grâce de titres étincelants, le quartet de Manchester fusionne le rock et la pop indé avec du funk et des rythmes dansants, sur fond d’atmosphères psychédéliques comme dans l’excellent Waterfall, paru sur le premier album du groupe.

12. Travis Scott — 90210 (Guillaume Augias)TRAVIS-SCOTT-90210.
Extrait de “Rodeo” — 2015 — hip-hop en rupture de ban
Entre Beverly Hills et Lake Tahoe, le Texan en goguette hypnotise par cette complainte de jeune trublion sûr de lui, porté par un accord de Fender aux cahots de moteur nonchalant. C’est ici du “rap de Ctrl Z”, tant chaque rime semble vouloir réécrire la précédente. On peut inscrire Scott dans la longue histoire du hip-hop de Houston, mais il est pourtant net qu’il a quelque chose de jamais vu ni chez les Geto Boys déchaînés de Scarface ni chez Paul Wall le prolixe, et pas non plus du côté du Devin The Dude chamaniquement perché de Hope I Don’t Get Sick-A-This ou d’un DJ Screw fédérateur. La mesure semble sans cesse rappelée par trois pressions sur un clavier récalcitrant, comme pour inviter à faire de ce morceau l’ultime repeat one. Et ce peut-être d’autant plus qu’il restera sans doute son superbe feu de paille, tant cette flamme ne se retrouve pas, ou beaucoup moins, au long du tout récent Birds In The Trap Sing McKnight, successeur de Rodeo.

unkle_where_did_the_night_fall13. Suede – He’s gone (Thomas Messias)
Extrait de “Head Music” – 1999 – Glam-rock
He’s gone, c’est la chanson que j’ai écouté le jour où je suis parti de mon existence d’avant pour aller vivre quelque chose de moins confortable, de plus risqué, mais de tellement plus beau. C’est la bande originale du moment où je suis devenu un autre, lequel s’est avéré être le vrai moi. Ce n’est pas vraiment de cela que parle la chanson de Brett Anderson, mais peu importe. C’est tout de même le morceau que je réécoute, toujours très fort au casque, pour célébrer mon bonheur d’être devenu ce que je suis devenu, d’avoir rencontré celle qu’il fallait que je rencontre, et de pouvoir écrire des paragraphes inintéressants à propos de tout ça.

SomethingElseKinksCover14. The Kinks – Waterloo Sunset (Isabelle Chelley)
Extrait de “Something Else By The Kinks” – 1967 – Pop lumineuse
A la question tarte à la crème Beatles ou Stones, j’ai toujours envie de répondre : Kinks. Parce qu’il s’agit sans doute du groupe pop anglais le plus inventif, le plus influent qui soit, celui dont David Bowie disait qu’il n’avait jamais entendu une chanson d’eux qu’il n’aimait pas. Désormais, Waterloo Sunset restera pour moi le titre sur lequel deux amies ont dansé pour ouvrir le bal lors de leur soirée de mariage. Je ne suis pas douée pour les platitudes sur le bonheur et l’amour, je ne sais plus s’il y avait des étoiles dans le ciel ce soir-là, ni à quoi ressemblait le coucher de soleil. Je me souviens juste d’elles deux, les yeux dans les yeux dansant comme si elles étaient seules au monde, à l’image du couple de la chanson, isolé dans sa bulle… Je sais maintenant quelle est ma chanson préférée des Kinks, celle qui me mettra la larme à l’œil à chaque fois.