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The Get Down (5): Un mélange des genres mal maitrisé

Par Arbobo, le 23-09-2016
Cinéma et Séries
Cet article fait partie de la série 'The Get Down : le hip hop dans les séries' composée de 6 articles. La sortie de la série The Get Down sur Netflix a été placée sous le signe du retour aux sources du hip-hop. L'occasion pour Playlist Society et Arbobo de plonger dans celle-ci tout au long d'un dossier en six parties abordant aussi bien la série que le New York de 1977 et les débuts de la culture hip-hop. Voir le sommaire de la série.

Partir dans tous les sens

La série The Get Down ne choisit pas son registre et les mélange trop. Ce qu’on expliquait précédemment, ce mélange de culture hip-hop, rock et pop, le mélange de musiques récentes et d’époque, européennes et américaines, est une des facettes de cette absence de choix.
(NB : cet article révèle des éléments du récit des épisodes 1 à 6).

Olivier Joyard, dans sa dithyrambe consacrée à The Get Down, rappelle le calvaire que fut le production et l’écriture de la série.Les showrunners chevronnés, Shawn Ryan en tête (The Shield), ont même quitté le navire en cours de route. Blaxploitation, récit social de ghetto, film musical, roman d’apprentissage, polar, comédie romantique, les styles et références s’accumulent en pagaille. Le côté gangster, dont on connait quantité de réussites à l’écran, est traité ici par-dessus la jambe. Les morceaux de bravoure de certains dialogues ne font pas totalement oublier certaines facilités, et des clins d’oeils trop nombreux.

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Mylene et Ezekiel, l’idylle fil-rouge de la série

Le pilote et le fil rouge de la série rappellent West Side Story, qui est avant tout une histoire d’amour contrariée sur fond de gangs rivaux, version moderne de Roméo et Juliette, déjà mis en scène à l’écran par Luhrmann. La romance est le pilier du récit. On a donc affaire à une de ces séries hybrides entre soap et drama, comme Grey’s Anatomy ou Empire. Au final, Glee, pour rester dans les exemples récents, est une série beaucoup plus musicale que The Get Down.
Pris séparément, les passages musicaux du récit sont assez bien traités et font preuve de pédagogie. Les ados d’aujourd’hui apprendront donc (enfin… vaguement) comment on fait un enregistrement multipiste, comment on orchestre une mélodie de piano pour la rendre disco, ou encore comment on produit des boucles (loop) sur un vinyl avec deux platines, une table de mixage et un crayon. Mais dans l’ensemble cet apprentissage de leurs mondes musicaux respectifs par Zeke, Shao et Mylene, est noyé dans un océan d’options narratives. L’épisode 2 est le pire de tous de ce point de vue. Il introduit des traitements à la sauce comic book et super-héros qui risquent de faire tourner le tout au mélange indigeste. On ne sait jamais non plus quelle utilisation sera faite de la musique quand un épisode débute : passages clippés, musique ambiante ou ajoutée sur les images, chorégraphies ou non, là aussi l’hésitation règne.

Une utilisation hasardeuse des références chronologiques

L’utilisation d’images d’archives dans les épisodes (émeutes, trains taggués, incendies…) entretient le problème. Ces images -dont certains trailers sont remplis à 99%!- apportent une touche d’authenticité et tirent la série vers une dimension historique. Or cette dimension, on l’a dit, n’est pas si importante que cela dans The Get Down. Du coup, à quoi bon utiliser un procédé aussi marqué ? Les scènes reconstituées suffisaient amplement, par exemple celle du fameux black out (25 heures sans électricité où les magasins ont été pillés), ou des meetings avec le futur maire Ed Koch. On a l’impression que Luhrmann ne s’est pas demandé à quoi serviraient ces images. Il avait l’argent pour les utiliser alors il l’a fait. Le budget pharaonique a facilité le mélange des genres mal maîtrisé au détriment de la cohérence.

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Pendant le blackout du 13 juillet 1977, les boutiques de la ville sont pillées

Au mélange des genres, s’ajoute le choix hasardeux de situer l’histoire à cheval sur 2 époques, à 20 ans d’intervalle. Si l’action est partagée entre 1977 et 1996, la bande son, elle, est soit antérieure à 1978, soit actuelle (mais jamais issue de la période 1990-96). Pour reprendre la comparaison, Halt & catch fire a le mérite de ne pas mélanger les styles et les époques..
Dans The Get Down l’année 1996 ne sert à rien. Le lettrage du générique ne correspond pas du tout aux graphs de 1977, mais plutôt à un style apparu dans les années 1990, mais cela tombe comme un cheveu sur la soupe. La suite à venir suffira-t-elle à rattraper le coup ?

The get down est un conte de fées, où tout tombe tout cru dans les bras des héros
L’enjeu affiché du récit, le désir de Zeke de devenir un grand rappeur, est dégonflé dès les premières images. On sait qu’il est bel et bien devenu en 1996 une star qui remplit les salles. Le suspense est tué avant même d’avoir été amorcé. L’autre ressort classique de la dramaturgie est de devoir affronter des obstacles, d’avoir des choix difficiles à faire, d’être pris dans des conflits. Cela pourrait être un substitut au suspense. Zeke aurait pu avoir éprouvé les plus grandes difficultés pour accomplir son rêve après avoir failli y renoncer (motif classique, mais efficace). Rien de tout cela n’arrive ici. Les dilemmes n’en sont pas puisqu’il n’y a pas besoin de choisir, et les orages sont de courte durée. Pour Mylene, le conflit avec son père est vite réglé (à son bénéfice, qui plus est), tandis que la catastrophe de son premier enregistrement se transforme rapidement en un miracle. Pour Zeke, c’est encore plus magique. Son amour soi-disant impossible devient une romance parfaite. On pourrait croire qu’il devra choisir entre son crew hip hop et sa bienaimée, mais il n’en est rien  ; ce suspense romantique éventé étant pourtant ce qui ressemblait le plus à un fil rouge pour la série. Il n’a pas non plus à choisir entre la voie de la réussite scolaire dans le monde des riches blancs, et le hip hop. Les micro-suspenses durent à peine assez pour qu’on les remarque. The Get Down est un conte de fées, avec en toile de fond une misère et une violence qui est finalement traitée à la rigolade, puisque tout finit par tomber tout cru dans les bras des héros.

Du coup, la série hip hop ancrée dans le réel n’est pas si hip hop que cela, ni franchement réaliste. Le récit habituel du rappeur qui a dû suer sang et eau, et faire des sacrifices pour réussir, n’aura pas lieu. On est à l’opposé de la légende rap. Des ingrédients important, spécifiques de la réalité du Bronx des 70s et de la culture hip hop, sont affadis, vidés de leur substance. Tout ceci fait de The Get Down une de ces series maintream, très middle-of-the-road, où les frayeurs sont de courtes durée et où le fantasme de la réussite facile joue à plein régime. Si Netflix s’est taillé une réputation d’excellence avec ses séries originales (House of cards, Orange is the new black, Jessica Jones, Bojack Horseman), The Get Down se situe un cran en-dessous à cause de son écriture brouillonne et de ses hésitations qui ont handicapé sa création.

La principale réussite est dans le casting

À force de dire que The Get Down est une teen-serie, il faut parler de son casting, très jeune lui aussi. Et pour le coup, c’est une vraie réussite, les qualités des acteurs nous font tenir. Hormis l’excellent Jimmy Smits, l’un des aînés, les gamins ont la part belle et s’en tirent dans l’ensemble très joliment. Autre nom connu, malgré son jeune âge, l’enfant de stars Jaden Smith, fils de qui-vous-savez. Assez touchant par son rôle et son interprétation, il est l’une des valeurs sûres de la série. Les deux rôles principaux ne sont pas en reste : Herizen Guardiola en jeune naïve et Justice Smith (aucun rapport cette fois ci avec qui-vous-savez) dans un registre moins nuancé, mais globalement convainquant. Et puis il y a les rôles secondaires, dont Skylan Brooks, en gamin mi-trouillard mi-valeureux, et Shyrley Rodriguez en bombe sexuelle dure à cuire, parfaits chacun dans son registre.

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Jimmy Smits et Herizen Guardiola

Évidemment c’est très bien de prendre la culture des ados et des jeunes au sérieux. Mais du coup, fallait-il s’adresser à des cinquantenaires comme Luhrmann et Ryan pour mener à bien ce projet ? Visiblement, le choix de ces signatures hyper expérimentées n’a pas empêché les sorties de route. Du coup on aurait pu faire le pari d’un showrunner unique et plus directement concerné par son sujet. Il n’y aurait pas eu 120 millions de dollars de budget, mais franchement personne ne s’en serait aperçu.

Et puis à quoi bon mettre Ryan dans le coup, dont la série The Shield sentait le soufre avec ses héros cruels et sans morale, si c’est pour aboutir à un produit très moralement correct ?
(réponse à suivre)