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Islam pour mémoire : les deux sens du mot partage

Sortie : 22 mars 2017. Durée : 1h42.

Par Thomas Messias, le 22-03-2017
Cinéma et Séries
Cet article fait partie de la série 'Écoutons les femmes' composée de 26 articles. Voir le sommaire de la série.

C’est d’abord une voix qui a conquis Bénédicte Pagnot. Celle d’Abdelwahab Meddeb, présentateur de l’émission Culture d’Islam sur France Culture. Également poète et essayiste, ce penseur donnait à entendre la profondeur d’une religion souvent mise sur le devant de la scène pour de mauvaises raisons. Explorer ses superbes recoins, « reconnaître la complexité de l’islam et ses apports à l’universalité » (c’est lui qui le dit). Bénédicte Pagnot dit avoir réalisé grâce à Meddeb la polysémie contradictoire du mot partage : il y a celui qui fédère en aidant chacun à mieux comprendre l’autre et sa spiritualité, et il y a hélas celui qui divise, qui stigmatise, qui étiquette les gens comme on étiquette le bétail. Il est ici question du premier sens de ce mot. Sans idéalisme aucun, Islam pour mémoire entend en effet décrire la spiritualité de l’Islam, religion complexe dont les textes nécessitent une fine analyse littéraire.

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La quête est empreinte d’une jolie naïveté, comme si l’exploratrice en herbe souffrait de l’absence de son guide.

Bénédicte Pagnot a entrepris une série de voyages avec Abdelwahab Meddeb, à commencer par une visite de Jérusalem, où ce dernier se rendait pour présenter un livre. Ce qui fait la tristesse du film et la beauté du genre documentaire, c’est que l’imprévu peut parfois être fatal. Le décès inattendu du penseur en 2014 a poussé Bénédicte Pagnot à réinventer son projet. Certains voyages se sont faits en solitaire, d’autres n’avaient plus de raison d’être. C’est une impression de désorientation qui domine. Celle d’une réalisatrice qui s’adresse à Meddeb en employant le “vous”, puis qui manie le “je”, puis qui digresse aussi. Au cours de ses rencontres, elle tente de montrer du doigt la beauté de l’Islam en tentant d’appliquer ce qui l’a séduite chez l’auteur : ne pas le réduire à son expression politique et guerrière, mais l’envisager à travers les aspects religieux et civilisationnels. La quête est empreinte d’une jolie naïveté, comme si l’exploratrice en herbe souffrait de l’absence de son guide. C’est à la fois la limite et le charme de ce documentaire traversé par une fragilité de tous les instants.

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L’impression d’un film-bulle qui peinerait à s’ouvrir au monde

Le film aurait sans doute été plus fort si la réalisatrice avait davantage cherché le contre-pied. Malgré les kilomètres parcourus, d’Ispahan à Dubaï en passant par Sidi Bouzid, Islam pour mémoire donne parfois l’impression d’un film-bulle qui peinerait à s’ouvrir au monde. Un comble pour un documentaire dont l’un des objectifs est de montrer que l’Islam n’est pas une religion fermée aux autres cultures et aux autres spiritualités. On reste lové dans une zone de confort certes apaisante, mais sans doute pas assez riche en poil à gratter. Il reste à se laisser guider par les voix de Bénédicte Pagnot et Abdelwahab Meddeb, qui donnent au film une beauté littéraire franchement stimulante. Islam pour mémoire peut quasiment se consommer les yeux fermés, comme un reportage radiophonique, tant ce qu’il nous dit est généralement plus fort que ce qu’il nous montre.

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