Joey Starr – Éloquence à l’assemblée : L’Académie sans muselière
Éloquence à l’Assemblée, mise en scène Jérémie Lipmann, Théâtre de l’Atelier, du 6 mars au 28 avril.
Le rappeur et comédien Joey Starr s’empare des discours les plus célèbres de l’Assemblée Nationale, et les électrise.
Il fallait oser : Joey Starr, le furieux bondissant du rap hardcore français, objet de scandales judiciaires, plusieurs fois condamné pour violences, outrages et agressions, pilier du groupe de rap Suprême NTM, déclamant les plus beaux discours prononcés à l’Académie Française. L’idée (géniale) est du metteur en scène Jérémie Lippmann et du parolier d’Alain Bashung, Pierre Grillet. Tout de noir vêtu, le rappeur se tient droit et scande Victor Hugo, Lamartine, Simone Veil…
Les mots habillent la scène, s’illuminent en arrière-plan, défilent sur un prompteur pour Joey Starr. Par la voix grave de l’acteur, gutturale, ventrale, à la lisière de l’anormalité, ils saturent l’espace minimaliste, habillé d’un fauteuil en cuir où le grand fauve s’étend pour feuler les passages les plus calmes, trouvent un nouveau souffle, un nouveau sens. Toute la conviction du monde habite ce corps, ce ton, cette gestuelle nerveuse où dominent le point serré, le doigt vengeur. Animal politique au sens propre, libérant la bête sauvage qu’il est, Joey Starr réveille la colère, la foi et l’espérance de ces discours fondamentaux que guettait la poussière. Entre deux vociférations nous cueille une espèce de douceur qu’il provoque dans un murmure. Le frisson nous grimpe à l’échine. L’esprit de sérieux est là, Joey l’indomptable l’accueille puis le chasse d’un mot bien à lui, provoc’. Sa prestation s’achève sur les mots d’André Malraux, « qui n’obtint jamais son baccalauréat », rappelle Joey Starr. Que serait la culture sans les bad boys ?