Wonder Woman 2017 : la morale de l’histoire
Après un Batman contre Superman qui avait introduit le personnage, Wonder Woman constitue un succès surprise au sein de l’adaptation de l’univers DC Comics au cinéma. On passera rapidement sur les facilités scénaristiques – comment passer de la mer Égée à Londres en une nuit sur un voilier minuscule ? – pour se concentrer sur ce qui fait débat et nourrit la réflexion, à savoir le positionnement du film par rapport au féminisme.
Des nichons en acier trempé : un féminisme wonder-bra ?
Une question entoure le film : est-il féministe? Elle occupe une place considérable dans les articles et commentaires. Ce ne serait pas si important en soi –un film pouvant posséder des qualités intrinsèques, sans avoir besoin de se positionner par rapport au féminisme –, s’il n’y avait pas eu trois éléments de contexte, qui sont apparus à différentes étapes de la sortie du film.
D’abord, le personnage de Wonder Woman a une image ambiguë, pas dénuée de sexisme. Toute une génération (la mienne) se souvient de la série télévisée avec les transformations ridicules en mode danse rythmique et les scènes de baston trop molles pour être complètement valorisantes.
Cette planche d’un épisode de comics où Wonder Woman côtoie Superman l’illustre à merveille : lorsque les balles de fusil ricochent sur l’armure de Wonder Woman, elles font balancer ses seins. Le genre d’image qu’on voit plutôt dans Alerte à Malibu. À l’époque de la série, dans les années70, on appelait à Hollywood « jiggle TV » les programmes s’appuyant délibérément sur la plastique féminine. Parmi les différentes versions de la BD, certaines parmi les plus récentes poussent très loin ce côté sexy.
Ensuite, les semaines précédant la sortie du film ont été riches en polémiques. La presse spécialisée s’étonnait elle-même du peu de promotion autour du film, alors que son budget important et le fait qu’il s’agisse d’un film de super-héros avaient tout pour en faire un des mastodontes de l’année. Des critiques ont pointé que Warner rechignerait à faire la promo d’un film centré sur un personnage féminin (d’ailleurs le film n’est pas tant que ça centrée sur elle, soit dit en passant).
Enfin, le démarrage impressionnant du film, l’un des plus rentable d’Hollywood (malgré le peu de promo, comme quoi), transforme ce succès en objet de convoitise. Les féministes peuvent-elles se laisser déposséder d’un tel succès, qui valorise un modèle féminin puissant ?
Comme souvent dans la culture de masse, les choses ne sont pas clairement tranchées. Gal Gadot, qui incarne la fille de Zeus et de la reine des Amazones Hippolyta, est aussi mannequin, métier où la plastique est plus valorisée que l’esprit. Comme actrice, on l’a découverte dans la franchise Fast & furious, qui n’est pas particulièrement une porte-parole du féminisme (même si des femmes fortes y sont présentes depuis le début, et que Michelle Rodriguez n’est pas n’importe qui de ce point de vue).
Depuis la sortie du film, Gadot n’a été vue qu’en chaussure sans talon, ce qui alimente une impressionnante liste d’articles people et fashion sur le sujet, comme s’il y avait un problème. On lui demande même de s’expliquer sur ce choix : « c’est simple : c’est plus confortable » répond-elle. Non seulement c’est plus confortable, mais il est impossible de combattre avec des talons hauts, or Wonder Woman porte de hauts talons compensés, concession évidente aux canons de la mode.
Toute la deuxième partie du film confirme les doutes qu’on peut avoir sur les enjeux féminismes du scénario. Le personnage a été créé dans le monde contemporain. Si l’action se déroulait en 2017, le film aurait permis de montrer, du côté des « gentils » comme dans celui des « méchants », des aviatrices, des cheffes d’entreprises, des femmes politiques, des tireuses d’élite… Or l’action se déroule en 1918, ce qui a pour effet qu’aucune femme n’est en position de pouvoir, aucune femme ne combat non plus. Plus gênant, malgré quelques remarques acerbes, la courageuse amazone obéit quasi systématiquement à l’agent secret à qui elle a sauvé la vie et qui n’est, en dépit de sa bravoure, qu’un officier de second rang. Non seulement elle partage le premier rôle avec cet officier, et dans un bon tiers du film avec une bande de bras cassés plein de bonne volonté, mais pas très bandants, mais surtout elle n’a pas souvent voix au chapitre. Elle proteste pour la forme, mais se plie chaque fois sagement aux ordres de l’agent secret, alors-même qu’elle ne comprend pas ses motivations et n’adhère pas à ses explications. Si elle n’est pas passive, elle reste effacée.
La relation avec sa reine-mère va dans le même sens. La mère est obsédée par la crainte qu’Arès découvre l’identité de Diana et la tue. Alors que sa fille est une demi-déesse, elle ne voit dans ce pouvoir qu’une vulnérabilité ! Durant toute l’enfance de Diana, elle n’a de cesse de vouloir la protéger, en l’empêchant de développer ses capacités. On dirait la métaphore de la société pré-1968 où une mère pouvait craindre que sa fille ne soit trop intelligente ou trop forte, de peur qu’elle ne trouve jamais de mari. Hippolyta vit dans le passé et défend l’ordre ancien.
Situer l’action dans le passé est un moyen comme un autre de limiter la liberté d’action des personnages féminins. Or ici c’est d’une super-héroïne que l’on parle, la fille de Zeus, rien de moins. C’est un procédé qui revient régulièrement dans les fictions audiovisuelles, confer Agent Carter, Life on Mars, WPC 56. Par petites touches, mais pas trop nombreuses non plus, ces fictions pointent du doigt le sexisme de la société. Comme si c’était une injustice ancienne, dont il faudrait parler au passé en se réjouissant qu’aujourd’hui tout va bien désormais.
Ce choix scénaristique est troublant, d’autant que le film est un flashback. Il s’ouvre et se referme dans le Paris 2017, où Diana exerce un métier de l’ombre : conservatrice au musée du Louvre. Le trouble a une autre cause. Toute la première partie du film regorge de scènes d’action montrant des femmes à l’habileté incroyable, capables de toutes les prouesses, des guerrières puissantes et surentrainées. À l’exception du duel final entre Wonder Woman et son demi-frère Arès, toutes les images de combattantes sont sur l’île des Amazones, Themyscira, c’est-à-dire un monde mythique extérieur à celui des hommes, et des femmes réelles.
Les critiques envers le sexisme du film ne sont donc pas dénuées de fondement, tant la puissance des personnages féminins est tempérée et le monde qui nous est montré reste un monde d’hommes. Les deux autres personnages féminins humains sont d’ailleurs une secrétaire (rôle qui offre peu d’autonomie et de pouvoir) et une ordure de la pire espèce, sorte de docteur Mengele avant l’heure. Pour les modèles féminins, on n’est donc pas gâtés, et le choix de situer l’action en 1918 n’y est pas pour rien.
Féministes quand-même, avec des héroïnes sur lesquelles l’âge n’a pas de prise
Malgré ces réserves, il y a des vraies pépites de féminismes dans ce cookie industriel. Dans le livre Inside prime time, le producteur de Drôles de dames, Aaron Spelling confiait à Todd Gitlin qu’avec cette série il s’adressait à la fois aux machos qui veulent mater des filles en petite tenue, et aux femmes qui ont envie de voir des débrouillardes courageuses qui savent se tirer de mauvais pas par elles-mêmes. Le mélange ne prend pas toujours, mais il semble que Wonder Woman parvienne elle-aussi à concilier ces contraires.
Car c’est bien Wonder Woman le rôle-titre, et c’est elle qui gagne à la fin. Elle est plus puissante que le terrible Dieu Arès ! Certes, Gal Gadot est mannequin, et Connie Nielsen et Robin Wright sont vantées mondialement pour leur grande beauté. Mais il est remarquable d’avoir confié aux deux dernières des rôles d’amazones que l’on voit combattre avec une maestria impressionnante. Déjà, il est rare d’avoir une femme de plus de 50 ans dans un rôle majeur au cinéma, de nombreux articles s’en sont fait l’écho depuis deux ou trois ans. Or ces deux actrices ont franchi le cap des 50 ans. Non seulement leurs rôles sont valorisants, mais ce sont des rôles d’action, ce qui est encore plus hors du commun. Ne boudons pas notre plaisir de souligner un fait aussi rare. Même dans le quatrième épisode d’Alien, Sigourney Weaver, alors âgée de 48 ans, n’a pas encore franchi cette barre symbolique. On peut émettre des critiques esthétiques envers le slow-motion, mais il faut reconnaître que ni Nielsen ni Wright n’étant expertes en arts martiaux, c’était le meilleur moyen de les magnifier en combattantes intrépides. Le personnage de la cheffe des armées Antiope, et toutes les scènes où elle est présente, constituent l’une des grandes réussites du film, et une étape réjouissante dans la carrière de Robin Wright.
Le film conserve un trait de la Wonder Woman originale et de la série : son regard de « persane » posé sur notre monde et ses bizarreries. Lorsqu’elle découvre pour la première fois un homme nu, et lui demande « qu’est-ce que c’est ? », ce dernier réalise, après un instant de gêne, qu’elle l’interroge sur son bracelet-montre et son utilité. La métaphore sur le phallocentrisme se prolonge lorsqu’elle exprime son incrédulité, « et vous laissez une si petite chose vous dicter ce que vous devez faire !? » La salle rit de bon cœur, pas dupe. Si amusante et bien écrite soit cette scène, elle est représentative de la place parfois envahissante des clichés dans le film.
L’humour est une des qualités du film, et le personnage de Diana/Wonder Woman n’en manque pas. Les premières scènes entre elle et le premier individu masculin qu’elle ait jamais vu, sont hilarantes, subtiles, féministes. Étant un être au-dessus du commun, sa tendance à considérer son interlocuteur comme un homme lambda est dépourvue de malice, mais très révélatrice des hiérarchies inconscientes dans lesquelles nous baignons. Le dialogue sur la sexualité féminine est lui aussi si bien écrit qu’il devient désarmant sans cesser d’être comique. La rencontre avec la secrétaire de l’agent-secret, l’essayage de costumes, ou la séance du conseil militaire, sont autant de passages où éclatent la violence de l’arrogant « chauvinisme mâle ».
Plus largement, il y a quelque chose de féministe dans le rapport à la violence et aux valeurs qui sous-tendent l’ensemble du film. Les femmes ne sont pas représentées comme intrinsèquement faibles ou attentionnées. Elles peuvent être de redoutables guerrières, ou encore des artisanes du mal. Plus profondément, on peut voir dans Diana une incarnation d’une éthique féministe « de la sollicitude ». Le souci d’autrui y est une valeur cardinale, ce qui n’implique pas l’oubli de soi. Wonder Woman valorise la paix et cherche à mettre définitivement un terme à la guerre (espoir finalement douché). Elle met sa puissance inégalée au service de cet objectif.
C’est là que résonne la phrase de la reine des Amazones: « le monde des Hommes ne te mérite pas ». Tout en ayant réalisé à quel point cette prédiction était juste, Diana fait néanmoins un choix moral fort. S’appropriant les propos du capitaine Trevor, elle décide que malgré les défauts des humains elle continuera de les défendre, en faisant abstraction du fait qu’ils le méritent ou non. Elle le fait, parce que c’est ce que ses valeurs lui dictent, et qu’elle estime que cela doit être fait. Le message d’amour porté en conclusion par Wonder Woman n’a rien de niais, et ne doit pas être interprété comme typiquement féminin (pensez à Emmanuel Lévinas). C’est encore moins un abandon à la facilité, car elle sait mieux que personne que les humains sont capables du pire. Or elle-même n’est pas humaine et pourrait choisir de se retirer du jeu. Elle fait le choix, malgré tout, de l’amour des humains.
Pour comprendre la portée de ce choix, on peut le comparer à Il faut sauver le Soldat Ryan, dans lequel Spielberg faisait à l’inverse reposer le « droit » d’être sauvé sur le mérite. Morale terrifiante –quand il s’agit de stopper l’extermination dans les camps de la mort, peut-on décemment se demander si les personnes sauvées l’ont « mérité » ?
La première guerre mondiale : un cadre incompréhensible
Puisque l’on parle de la deuxième guerre mondiale, un point sur le sujet s’impose. Filmiquement, le choix de 1918 est à double tranchant. Riche en costumes, en pittoresque, cette période, où prédomine le front des tranchées, offre des images fortes. Mais Wonder Woman est un film de super-héros, où prévaut le versant le plus pétaradant des films d’action. D’où des anachronismes, comme des bombes minuscules qui ravagent tout un pâté de maisons, alors qu’à l’époque les projectiles avaient des charges très limitées. Ce sont les canons de gros calibre – pas si nombreux – et le gaz moutarde, qui provoquaient le plus de dégâts, le nombre de tués et blessés étant en grande partie dû à la durée extrêmement prolongée des affrontements et au nombre faramineux de combattants. Si le but est d’avoir des fusils plus bruyants, des bombes plus ravageuses que dans les films précédents, le choix de l’année 1918 est une curieuse idée.
Cette idée a beaucoup en commun avec le premier Captain America, situé dans une deuxième guerre mondiale très fortement romancée. Dans les deux films, la toile de fond historique flirte avec la dystopie. Rien d’étonnant finalement, car ces versions alternatives de l’histoire ne sont plus réservées à une niche. Occupied, The man in the high castle, des séries actuelles ont également fait ce choix. A certains égards c’est aussi le cas de Gotham. Tout de même, ce choix chronologique intrigue ; le comic original débutant, lui, durant la guerre 39-45. L’action y est contemporaine puisque le personnage est créé en 1940. La première saison de la série de 1975 se déroule aussi en 39-45, puis devient contemporaine du tournage pour les deux autres saisons. Curieux rapport à l’Histoire que celui de ce film.
Le rapport au passé est néanmoins traité intelligemment s’agissant de l’île des Amazones, ce monde figé dans la période antique. Même le bouclier défensif de Themyscira est dépassé : dans la Grèce antique, un épais brouillard suffisait à faire se dérouter des esquifs mal équipés pour le gros temps. Avec les avions et cuirassés modernes, ce n’est évidemment plus le cas et les bâtiments de guerre moderne ne s’arrêtent pas pour si peu.
Paradoxalement, toute la société des Amazones vit par l’art de la guerre et se prépare au combat, mais reste consciencieusement à l’écart du monde et de ses batailles depuis des siècles. Ce paradoxe n’en est pas totalement un, si l’on aborde Wonder Woman sous un nouvel angle, celui des morales qu’il met en scène. C’est sans doute la dimension la plus riche du film.
Être responsable, c’est choisir sa morale
Il y a, dans cette manière divine de défendre l’Humanité (contre elle-même, contre ses propres failles), un interventionnisme qui tranche résolument avec les trois « religions du Livre », dont le Dieu reste muet et remet à notre fin dans ce monde le jugement de nos vies. Ce besoin de protection, on en avait parlé ici au sujet de la série Person of Interest, dont la « machine » est quasi-divine mais dont les héros sont humain.e.s. Les scènes qui entourent le récit du film sèment le trouble. Wonder Woman travaille au Louvre, parmi les humains. Elle est en contact avec Batman, un homme exceptionnel mais – comme Iron Man chez Marvel – pas un mutant ou un Dieu.
Super héros n’est donc pas un destin biologique (créature extraterrestre comme Superman, mutant comme Wolverine, produit de la science comme Hulk, Dieu ou Déesse comme Thor et Wonder Woman-Diana), mais bel et bien un parcours moral. Un parcours que résume la célèbre phrase de l’oncle de Spider Man : « with great power comes great responsability ».
Dans les histoires de super-héros, il y a d’ailleurs une trame classique : les humains déclarent un ou tous les super-héros hors-la-loi et les bannissent. Spider man, X-men, Superman, ont subi ce rejet (par peur, par conséquence de machinations, ou encore parce que leurs affrontements avec les super-vilains causent des dégâts trop considérables). Dans l’ensemble, leur réaction est d’estimer que leur responsabilité envers l’humanité est trop grande, et qu’il.le.s doivent continuer à la protéger, même dans l’incompréhension et au risque d’être emprisonnés.
C’est cette ligne morale que suit Wonder Woman. Plusieurs discours de la responsabilité traversent ce film. Celui de Diana-Wonder Woman. Celui d’Arès, Dieu de la guerre qui se prétend « Dieu de la vérité », pousse-au-crime qui attise les haines et rejette la responsabilité des conséquences sur les humains. Arès se défausse de sa propre responsabilité, mais pousse aussi le cynisme très loin : après avoir incité au désastre, il conclut que les humains qui l’ont écouté ne méritent pas qu’on les sauve. Le troisième positionnement est celui de la reine des Amazones Hippolyta : les humains ne méritent pas leur aide, les êtres d’élite ne doivent assister les être normaux que si ces derniers acceptent de leur obéir et suivre leurs préceptes.
Il n’est pas interdit de faire une lecture politique de ces postures. Arès, c’est la National Rifle Association qui milite pour la vente d’armes à feu la plus libre, au motif que « ce ne sont pas les armes qui tuent, ce sont les gens ». L’élitisme d’Hippolyta a bien des incarnations, des plus réactionnaires aux plus libérales.
Concernant Diana-Wonder Woman, il y a en réalité un basculement profond en cours d’histoire. Son engagement semble constant, mais il prend un sens radicalement différent au début du film et à la fin. Tout du long, elle est obnubilée par Arès (à raison, puisque finalement il existe bel et bien), persuadée que si ce dernier meurt, l’humanité toute entière connaîtra la paix, et reviendra à un état de pureté originelle (comme au jardin d’Éden). Las, trois fois hélas, Arès expire mais le MAL ne disparaît pas comme par enchantement. Elle fait alors l’apprentissage de la complexité : les salauds puissants ont une responsabilité, mais les gens ordinaires conservent aussi une capacité d’agir et une marge de liberté qui leur confèrent une part de responsabilité. Au début, tout est simple pour Diana : elle a une puissance incroyable et une mission. La puissante doit terrasser le puissant, c’est entre dominants que tout cela va se passer, pour le bien de tout le monde. Et tout sera réglé ! Malheureusement tout s’avère plus compliqué. Et défendre la paix, protéger les humains, demande de prendre sur soi, car il y a des gens qu’on a moins envie de sauver que d’autres. Diana réalise que malgré sa déité elle ne peut pas tout. Malgré sa supériorité, sa droiture, sa pureté, elle ne peut pas tout résoudre parce que les humains sont des créatures étranges qui n’en font qu’à leur tête et que la réalité est complexe. L’idée qu’elle se faisait de son destin a été contredite par les faits, tout ce dans quoi elle a été élevée s’effondre (souvent d’ailleurs, le meilleur des histoires de super-héros tient à cette allégorie du devenir adulte).
C’est là que le plus beau survient. Elle s’approprie le discours du capitaine Trevor. Non par amour ou par admiration béate (apparemment ils ont couché ensemble, ils s’estiment, mais ne sont pas amoureux). Mais parce qu’elle pense qu’il a raison. Elle avait un destin, désormais elle a une morale qu’elle a choisie librement.
Renoncer à la tragédie
La mythologie grecque va de pair avec la tragédie athénienne : tout est destin et ne peut être délié. Le film prend ce substrat et le transforme en une ode à son contraire : une éthique de la liberté. Diana a découvert tardivement qu’elle est une déesse, et pourtant c’est à peu près en même temps qu’elle renonce à un destin et se comporte en humaine, en choisissant ses valeurs.
C’est un grand paradoxe. Le pari de ce film est de tenir ensemble un élitisme évident (par définition une déesse est supérieure à un.e humain.e), et une forme de démocratie (il faut reconnaître à chacun.e sa liberté et sa capacité d’agir). L’idée de supériorité n’a pas disparu. Elle est déplacée. Ce n’est plus la nature d’un être, sa naissance, qui fait sa supériorité, mais les idées qu’il ou elle défend. La philosophie surgit parfois où on ne l’attend pas.