Climax : perdre de sa superbe
Présenté le dimanche 13 mai à la Quinzaine des Réalisateurs. Sortie : 19 septembre 2018. Durée : 1h35.
Si Love consistait en une prise de conscience du temps passé, Gaspar Noé confirme avec Climax vouloir tenir ses positions et moi les miennes. Malin, moqueur, grandiloquent, brillant, concupiscent, le réalisateur livre avec son nouvel opus, filmé en seulement 15 jours, une réflexion sur les mouvements de groupes et les situations qui basculent. Chez Noé évidemment, elle bascule dans une violence démesurée et absurde qui ne cache pas le manque de foi du réalisateur en ses congénères. À moins que ce ne soit un aveu de sa propre médiocrité ?
Climax raconte la nuit infernale d’un groupe de danseurs et de leur chorégraphe qui, à l’issue de quelques jours de répétition d’un nouveau spectacle, font la fête dans un lieu reculé. Après avoir fait un clin d’œil à Irréversible en présentant le générique de fin dès les premières minutes du métrage, le cinéaste dresse les portraits des protagonistes grâce à un judicieux procédé, qui n’est pas sans rappeler Sexy Dance 3 : le casting vidéo. En quelques questions, on sait qui est qui.
Sans surprise, pour tout ce qui relève de la technique pure et simple, Noé excelle. Mais ses obsessions et ses tics visuels semblent tout de même relever de l’auto-parodie. Gaspar Noé ne se renouvelle pas, écrivant encore et toujours la même histoire : celle d’une humanité sale et égoïste, jouisseuse et destructrice. Les fans apprécieront donc le retour de l’inceste, des propos politiques douteux (notamment anti-avortement), des mères incompétentes, et des hommes qui souffrent d’être rejetés par des femmes trop occupées à se donner du plaisir toutes seules. Les égoïstes.
Plus que jamais, Gaspar Noé est comme un membre de la famille. Le cousin qu’on a longtemps admiré aux fêtes de famille et qui, une poignée d’années plus tard, a perdu de sa superbe au point de ne plus susciter qu’une mansuétude teintée de pitié. Dans Climax, j’ai vu ce qui aurait peut-être pu me réjouir il y a quelques décennies : un nihilisme branché baigné de musiques et de danses hypnotisantes, un propos faussement profond mais facile à retenir (« La mort est une expérience extraordinaire »), une technique de cinéma qui reste aboutie et une vision unique. Mais Climax est à l’image des drogues qu’il dépeint, faciles à consommer et finalement assez vite évacuées par notre système. La descente c’est un goût amer dans la bouche… tout ça pour ça.
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