01. Eurythmics & Aretha Franklin – « Sisters Are Doin’ It For Themselves » (Isabelle Chelley)
Extrait de Be Yourself Tonight et Who’s Zoomin’ Who ? – 1985 – duo féministe
A l’origine, la Queen of soul n’était pas le premier choix du duo anglais pour venir donner de la voix sur ce morceau – c’était Tina Turner, nettement plus en vue en 1985 après son comeback fracassant. La chanson est imparfaite, les paroles souvent maladroites, la production est aussi datée eighties que des épaulettes démesurées, mais l’interprétation fait tout ici. Le duo fonctionne à merveille, sans qu’aucune voix ne tente d’éclipser l’autre et les deux chanteuses cabotinent juste ce qu’il faut pour donner des airs d’hymne à un morceau qui mérite d’être réévalué à la hausse.
02. Aretha Franklin – « Old Landmark » (Erwan)
Extrait de Amazing Grace – 1972 – gospel royal
Pour rendre grâce à la Queen of Soul, tapons dans nos mains, dansons et chantons tous en chœur sur un des morceaux de son merveilleux album gospel Amazing Grace : Old Landsmark (que James Brown reprend dans The Blues Brothers, où Aretha Franklin interprète Think). Tout ce qui faisait de la chanteuse une des plus grandes y est, la présence, l’énergie, la voix, pour rendre encore plus électrisant un standard gospel déjà irrésistible en soi.
03. Tim Hecker – « This Life » (Nathan)
Extrait de Konoyo – 2018 – Ambient
Il est absolument fascinant de suivre Tim Hecker au fil des années et des albums, et de voir sa musique au départ totalement abstraite et ambiante devenir de plus en plus figurative et “musicale” tout en gardant la même densité, identité et beauté. Hecker demeure un créateur d’ambiances et d’atmosphères avant tout, et même quand il ajoute des mélodies simples, comme sur ce “This Life”, extrait de son prochain album Konoyo, on retrouve cette profondeur et ce talent à emmener dans un certain ailleurs. On peut aussi profiter des rééditions de ces deux premiers albums, Haunt Me, Haunt Me Do It Again et Radio Amor, d’ailleurs, en attendant Konoyo.
04. Iggy Azalea – « Kream » (Guillaume Augias)
Extrait de l’EP Survive The Summer – 2018 – osé
Elle est le genre d’artiste prénommée Améthyste par ses parents mais qui préfère se rebaptiser Iggy, tout en traversant la moitié de la terre à 16 ans pour s’éloigner d’eux. Moins Saul Williams qu’Iggy Pop, donc, et pourtant l’Australienne de naissance s’attaque ici en compagnie de Tyga à un monstre sacré s’il en est : le morceau du Wu-Tang Clan “C.R.E.A.M.” (“Cash Rules Everything Around Me / CREAM / Get the money / Dollar dollar bill Yo”). Le résultat est aussi iconoclaste qu’on pouvait espérer et a le mérite de faire sortir Iggy Azalea de la surenchère de prods lourdes dans laquelle avait tendance à s’enfermer son talent brut.
05. Anna Calvi – « Don’t Beat The Girl Out Of My Boy » (Thierry)
Extrait de Hunter – 2018 – pop queer
Anna Calvi a toujours fait partie des artistes que j’aurais voulu aimer, sans y parvenir. Intéressante, assurément, du talent, indéniablement, toutes les références qu’il faut (voir sa palette de reprises ou les hommages auxquels elle est invitée), un agenda queer revendiqué. Tout pour me plaire, et pourtant je restais à la porte, jamais vraiment convaincu, comme s’il y avait quelque chose d’un peu trop calculé chez elle. Et puis, tout a changé quand j’ai entendu ce morceau à la radio (oui, je découvre encore de la musique sur les ondes, mon côté tradi, merci France Inter !), en juin, sans savoir d’abord que c’était elle. Rien de radicalement nouveau par rapport à ses deux premiers albums, sinon, peut-être, un côté un peu plus pop assumé. Et une sensualité qui éclate ici en explosant la notion même de genre, avec des envolées vocales à donner le grand frisson en pleine canicule.
06. Immigration Unit – « Wasting Mornings » (Marc Mineur)
Extrait de Sofa Heroes EP – 2018 – pop balte
Si on aime les découvertes, c’est pour la joie simple de s’emballer, de défricher des terrains vierges. Tant pis si notre soufflé neuronal retombe, il reste toujours un peu de cette ivresse un peu vaine mais salutaire. Dans un été forcément calme, il y eut quelques éclairs. Dont ce petit EP de 5 titres dont un live et deux remixes, donc largement trop peu pour se faire une opinion. Mais ça faisait longtemps qu’on n’avait plus détecté cette vibration, ce mélange d’intensité du son et d’immédiateté. On va donc suivre ces Lettons parce qu’on n’a pas encore fait le tour de ce Wasting Mornings, parce que cette urgence qui prend son temps nous annonce de bien belles choses. On parie?
07. C.A.R– « Source drain gate » (Arbobo)
Extrait de Look behind you– 2018– jazz planant
La première surprise, c’est de tomber non pas sur le projet de l’adorée Chloé Raunet (ex Battant), mais sur un exact homonyme qui n’a rien à voir avec l’électro minimale de cette dernière. La deuxième, c’est que ce groupe qui construit ses châteaux dans le ciel est allemand. Si on s’attache à la connexion avec le krautrock, son versant psychédélique et planant (sur Geez ou Dick Schaffrath, par exemple), on verra une continuité. Mais on entend aussi beaucoup de jazz dans ce groupe. Un jazz d’ambiances très travaillées, qui pourraient illustrer des films contemplatifs tournés dans les grands espaces.
08. Aerosmith – « I don’t want to miss a thing » (Thomas Messias)
Extrait de la bande originale du film Armageddon – 1998 – Hymne spatial
Un peu d’auto-promo, mais faite avec le coeur : tout l’été, sur Slate.fr, j’ai célébré des films sortis en France il y a vingt ans. 1998, c’était l’année de mes 14 ans, celle où ma cinéphilie a réellement commencé à se développer. Cette série d’articles (complétée par celle des potes de Carbone, sur le même thème, parce que les grands esprits se rencontrent) n’avait absolument pas l’ambition d’être exhaustive. Il manque donc de grands titres qui me passionnent mais sur lesquels j’ai estimé ne pas avoir assez à dire (de Jackie Brown à Festen en passant par Bienvenue à Gattaca et Les Idiots). Il manque aussi Armageddon, blockbuster estival beaucoup trop long et un peu idiot, mais traversé par quelques instants de grâce, dus pour la plupart à Liv Tyler. À ce sujet, si je ne devais retenir qu’un extrait musical de cette année 1998, ce serait probablement le morceau enregistré par le groupe d’un autre Tyler, Steven, pour le film de Michael Bay. Un hymne spatial qui m’a souvent fait chavirer et dont j’ai souvent mimé les paroles, seul face au miroir de ma chambre, en me prenant pour le leader d’Aerosmith.
09. ABBA – « The Winner takes it all » (Sarah Arnaud)
Extrait de Super Trouper – 1980 – Divorce pop
Habituellement, ABBA sonne à nos oreilles comme la référence de sons disco et pop. “The winner takes it all” est connue pour décrire la fin d’une relation amoureuse. Pire, elle parle d’un divorce avec mention des “juges qui décideront” et d’un gagnant qui prendra tout ! En 1978, Björn Ulvaeus se sépare de Agnetha Fältskog, après plus 7 ans de mariage. Figures stars du groupe, leur divorce a été médiatiquement couvert. Bien qu’Ulvaeus s’en défende, “The winner takes it all” arrive au même moment que l’officialisation du divorce. Il fait alors chanter à son ex-compagne, la déflagration d’une relation. Non pas seulement comment elle se délite mais bien sa résolution trainante et fatigante. Fältskog chante la douleur de perdre, le manque sans autre conclusion. Ulvaeus précise qu’il s’agit de fiction, qu’il n’y a pas eu de perdant, ni de gagnant. Fältskog précise, elle, que c’est une de ses chansons préférées : elle dépeint un état commun à chaque membre du groupe, une catharsis extraordinaire. Le sentiment que les dés sont pipés, que rien n’est modifiable et qu’on a perdu au jeu de la vie. Le résultat de cette létargie pop est une complainte adulte et propre : sa voix résonne d’une fatalité déceptive… Les paroles de Ulvaeus et Andersson se confondent dans l’interprétation de Fältskog et Lyngstad. Les mettant à l’unisson, la chanson contredit son propre titre : le gagnant devient une force extérieure, presque mystique. Chaque joueur a perdu. Jusqu’au prochain tour.
10. Foxing – «Grand Paradise » (Benjamin Fogel)
Extrait de Nearer My God – 2018 – Indie Pop
Nombre de personnes sont nostalgiques de l’époque de Funeral, le premier album d’Arcade Fire. Pourtant il existe un groupe de St. Louis dans le Missouri qui arrive depuis six ans à procurer son lot d’émotions similaires, ce groupe c’est Foxing. Avec Nearer My God, leur troisième album, ils démontrent plus que jamais leur capacité à écrire des tubes rock puissants, bourrés d’émotions à fleur de peau, mélangeant éléments pop et post-hardore. Magnifique et puissant à l’image de ce « Grand Paradise ».