Au tournant du siècle dernier, Debussy, suite à quelques voyages en Russie puis à la découverte de la musique indonésienne à l’Exposition Universelle de Paris, fît des musiques extra-européennes son principal horizon d’inspiration. Peu après, Stravinsky, avec le Sacre du Printemps, dynamitait les codes symphoniques et déclenchait un vent de panique chez les théoriciens. L’avant-garde prenait alors curieusement les habits de la sauvagerie. Depuis lors, on en a vu du pays. Les musiques latino-américaines, africaines ou “orientales” ont connu leur heure de gloire radiophonique. L’exotica ou le phénomène world ont digéré pas mal de particularismes. Les échanges culturels divers se sont multipliés et ont assoupli un bon nombre d’oreilles. Il n’empêche, pour de nombreux musiciens actuels ou des dernières décennies, les musiques non-occidentales ont continué à représenter un vaste territoire à explorer. Il s’agit dans ce cas d’exploration, donc, pas d’exploitation. Pour ces musiciens, occidentaux ou dans tous les cas parfaitement intégrés au système occidental, l’influence de ces musiques « d’ailleurs » sert à renouveler les discours établis, à ouvrir des perspectives sonores inenvisagées sans s’approprier pour autant des cultures qui ne sont pas les leurs.
Pour découvrir certains de ces essais, j’ai enregistré deux mixes aux ambiances légèrement différentes. Le premier, ici publié, est influencé par le concept de 4th world intronisé par Jon Hassel. Il présente des ritournelles new-age où les mélodies exotiques sont jouées au synthétiseur et des compositions électroniques rythmiques influencées par le gamelan, les musiques indiennes ou africaines (avec Peder Mannelfelt, par exemple, qui rejoue entièrement en studio un enregistrement ethnographique congolais des années 30). On y trouve aussi des métissages avec le jazz et la musique contemporaine et des morceaux post-modernes, syncopés ou faits en collages, dont certains ne sont pas à prendre tout à fait au sérieux. Pour finir cette sélection, j’ai choisi Alessandro Bosetti qui s’inspire de la musicalité de la langue basque – qu’il ne comprend pas – pour bâtir son arrangement. Comme quoi l’ailleurs n’est pas si loin.
0m0s Charles Cohen – Blue Krishna (Morphine Records ; 2014)
2m15s X.Y.R. – Middle of Nowhere (Optimo Music ; 2017)
5m12s Andrew Pekler – Humidity Index / Khao Sok (chopped and screwed) (Faitiche ; 2016)
7m12s Burnt Friedmann – Sorcier (Nonplace ; 2017)
9m40s Jon Hassel – Wing Melodies (Ecm Records ; 1986)
12m44s T.A.G.C. – Dog Star (Sweatbox ; 1986)
16m31s Ramzi – Combat (1080p ; 2015)
19m28s Chino Amobi – Antikeimenon (NON ; 2017)
23m15s Tyondai Braxton – Boids (Nonsuch ; 2015)
25m48s Elysia Crampton – Solilunita (Break Word Record ; 2018)
27m23s Peder Mannerfelt – Omande (Archives Intérieures ; 2015)
29m25s Harvey Matusow’s Jews Harp Band – Clootch Hunt (Head ; 1969)
30m16s Ikue Mori – Agat Amulets (Tzadik ; 2015)
31m56s Demdike Stare – Trapped Dervish (Modern Love ; 2009)
32m43s Don’t Dj – Fall (4 Interesting Music) (Berceuse Héroïque ; 2016)
33m36s Mouse On Mars & Errorsmith – Errormom (Monkeytown Recods ; 2014)
35m23s Kilchhofer – Suckfuel (Marionette ; 2017)
37m56s Don’t Dj – Savanna Siesta (Sexes ; 2016)
41m30s Alessandro Bosetti – Laida And Mikel Looking For Rhymes (Sedimental ; 2010)