01. Siobhan Wilson – « Ne dis rien » (Arbobo)
Extrait de The Departure – 2019 – scottish pop
Un délice qui pourrait sortir du catalogue de Celluloïd, au temps où ce petit label français enquillait les pépites de “minimale”. De ses années à Paris où elle publia son premier album, Siobhan Wilson a conservé un goût de la pop française, d’où cette reprise d’un titre de Gainsbourg (pas le plus connu). Plus âpre, plus mature (elle en convient elle-même), comme sur le terrible Little hawk, cet album est bourré de titres à la hauteur de sa voix magnifique. Cristal et papier de verre. L’Écosse n’a pas fini de nous faire plaisir.
02. Silver Jews – « How to Rent a Room » (Nathan)
Extrait de The Natural Bridge – 1996 – Deuil
En mai dernier, dans mes quelques lignes mensuelles ici, j’écrivais cela:
« Je pourrais vous écrire un roman sur mon amour des Silver Jews, l’importance des textes et mots de David Berman dans ma vie […]. Alors entendre sa voix à nouveau, sous le nom de Purple Mountains, réentendre ses associations de mots, me laisse justement sans voix. Mais mon cœur s’emballe dès qu’il murmure une nouvelle rime. »
David Berman s’est donné la mort il y a quelques semaines. Je n’en suis pas encore vraiment remis. Mais ces quelques lignes résonnent bizarrement en moi en ce moment :
No, I didn’t really want to die
I only want to die in your eyes
Grant me one last wish
Life should mean a lot less than this
03. Bon Iver
– « Naeem » (Guillaume Augias)
Extrait de i,i – 2019 – Mot sûr
C’est d’abord une voix de tête qui entête. Celle qu’on entend sur un titre de Yeezus, celle qui entraîne à sa suite une furie sonore inédite. Cette voix c’est celle de Justin Vernon, straight outta Wisconsin. Un gars tellement isolé qu’il crée un groupe à lui tout seul, fait tout lui-même et l’appelle Bon Iver exprès, pour tendre un piège à ceux qui veulent faire une rime avec Bonnie Tyler (car c’est du vieux français). Il ne fait pas de folk puisqu’il utilise de l’autotune. Il ne fait pas du rap puisqu’il accompagne sa voix de contre-ténor de ballades au banjo. En vérité Bon Iver fait ce qu’il veut. De nous, de vous, de tout. Et nous lui en rendons grâce à chaque instant.
04. Thelma – « No Dancing allowed » (Benjamin Fogel)
Extrait de The Only Thing – 2019 – Folk
Natasha Jacobs aka Thelma est une musicienne de Brooklyn qui propose un folk lyrique teinté de rock et d‘incursions électroniques. Atteinte du syndrome d’Ehlers-Danlos qui provoque une hyperlaxité des articulations et des vaisseaux sanguins fragiles, elle ne peut pas pousser sa voix comme elle le souhaiterait et reste contrainte par sa condition. The Only Thing son nouvel album parle conjointement d’interdits et donc des limites causées par la maladie, tout en illustrant la libération de celle-ci. Très beau disque.
05. Sïan Able – « Your Own Shoes » (Marc Mineur)
Extrait de Healing Waves – 2019 – Musique Moderne
Rester ouvert à la surprise. Et si c’était la principale qualité pour cet étrange hobby de veille musicale? 
En tous cas, ces bonnes surprises arrivent toujours, parfois bien proches. Le second EP de la Bruxelloise Sïan Able est plus qu’une promesse, c’est la preuve d’un talent déjà acéré. D’une forme moderne de soul au piano-voix, elle tente et réussit beaucoup de choses, à la manoeuvre comme souvent chez ces femmes qui prennent définitivement les choses en main pour un avenir qui devrait être radieux..
06. Africa Express – « Johannesburg » (Christophe Gauthier)
Extrait de Egoli – 2019 – Brassage
Damon Albarn est peut-être une tête à claques, mais il ne manque ni de talent, ni d’idées. Un soir de 2005 dans un pub de Camden, outré du fait que le grand barnum Live 8 n’ait programmé qu’un seul artiste africain, il entreprend de monter le projet Africa Express. Le but : faciliter les rencontres et les créations entre artistes occidentaux et africains, et montrer le bouillonnement des scènes locales. Cette année c’est l’Afrique du Sud qui est mise en avant : Albarn, avec Gruff Rhys (Super Furry Animals), Nick Zinner (Yeah Yeah Yeahs), Ghetts ou Mr. Jukes, a passé une semaine en studio fin 2018 avec les légendaires Mahotella Queens et des artistes locaux émergents comme Radio 123, Zolani Mahola, Muzi ou l’étonnant berger-rappeur Morena Leraba. C’est précisément sa scansion qui rythme le vaporeux Johannesburg, titre qui n’a pas quitté mes oreilles cet été.
07. Raashan Ahmad & Keren Ann – « The Day the Sun Came » (Thomas Messias)
Extrait de The Sun – 2019 – Leto
Musicalement, mon année aura été liée de près à Keren Ann, dont l’album Bleue n’en finit pas de m’accompagner (avec en particulier ce duo si vachard avec David Byrne, « Le goût d’inachevé »). C’est totalement par hasard que je suis tombé sur l’excellent album du MC californien Raashan Ahmad, The Sun, loin de se réduire à un simple rayon de soleil. Au cœur du disque, Ahmad forme un duo inattendu avec Keren Ann dans ce « The day the sun came » triste et entraînant, qui évoque tout autant la disparition de sa mère que l’arrivée de son fils. Une beauté et une grâce totalement à l’image du reste du LP.