Anatomie d’un divorce, en français, et Fleishman Is In Trouble, en anglais, raconte, en 8 épisodes supervisés par Taffy Brodesser-Akner, autrice du roman éponyme (Fleishman a des ennuis, Calmann-Lévy, 2020), le divorce de Toby, hépatologue de 41 ans, juif, qui se retrouve à devoir gérer seul ses deux enfants, quand son ex-femme, Rachel, profil école de commerce et agente dans le show-business, ne donne plus aucune nouvelle à sa famille. L’occasion de multiplier les situations tragicomiques liées au retour sur le « marché » de la drague, la paternité et les réflexions sur la jeunesse qui s’évapore, le temps qui passe et les amitiés qui restent.
Au sein d’un monde post #metoo, Anatomie d’un divorce marche dans un premier temps dans les pas de Philip Roth, Woody Allen et Larry David, modernisés grâce à un personnage masculin, interprété par Jesse Eisenberg, tourné vers les autres, père et ex-mari modèle, défenseur des faibles, qui n’est pas focalisé sur son nombril. Pourtant, très vite, Toby Fleishman s’avère être un vortex qui aspire toute la narration. L’histoire est racontée par Libby Epstein (Lizzy Caplan), la meilleure amie de Toby, qu’il a délaissée pendant des années et sur laquelle il s’appuie depuis la séparation, résumant celle-ci à sa fonction de soutien sans s’inquiéter de comment elle peut bien aller. Tout au long des épisodes, le point de vue de Rachel (Claire Danes) est volontairement ignoré, poussant par des astuces scénaristiques les spectateurs à s’interroger sur cet angle mort.
Sans recourir aux cliffhangers, Anatomie d’un divorce, par de subtils mouvements, modifie alors son regard sur les événements pour révéler combien ses personnages féminins sont soumis à des injonctions contradictoires, des pressions sociales ingérables, des traumatismes physiques et psychologiques (violence gynécologique…), complexifiant sans cesse la quête du bonheur et de la sérénité. Pour autant, les huit épisodes n’assènent aucune vérité définitive sur la condition des femmes, creusent les zones d’ombre et les incompréhensions mutuelles.
Grâce à son scénario malin et ses protagonistes profonds, cette analyse sociétale se glisse dans la narration globale et n’entache jamais l’affection que l’on éprouve pour Toby ou son ami Seth. En dehors de son titre ironique, qui souligne combien Toby Fleishman réclame de l’attention, la série fait fi de tout cynisme et opte sans cesse pour l’espoir et l’amour. Fable passionnante d’un point de vue intellectuel, Anatomie d’un divorce se révèle aussi être l’une des plus belles comédies romantiques vues depuis longtemps.