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Et si la tech pouvait sauver le monde ? de Fatie Toko : le progrès pour toutes et tous

Publié en avril 2024, aux éditions de l'Aube.

Par Benjamin Fogel, le 20-05-2024
Littérature et BD

Des années durant, la dystopie a régné en maître au sein des fictions anticipatoires. Une propension qui tend aujourd’hui à diminuer, compte tenu de notre besoin, non pas d’être averti des dangers du monde moderne, souvent déjà assimilés, mais de concevoir un avenir enviable et imaginer les futurs possibles. La récente maison d’édition La Mer Salée dont le mantra est « Les utopies d’aujourd’hui sont les évidences de demain » illustre bien cette démarche. Une tendance que l’on retrouve aussi dans les essais. Aux côtés des textes nécessaires nous alertant sur les catastrophes à venir, sur la fragilité de nos démocraties, sur les méfaits de l’intelligence artificielle, s’imposent des essais enthousiasmants, qui sans la moindre naïveté, se focalisent sur la capacité des humains à trouver des solutions et à améliorer la marche du monde, à l’image du rassurant Communisme de luxe, un monde d’abondance grâce aux nouvelles technologies d’Aaron Bastani (éditions Diateino, 2021).

Fatie Toko entend sauver le monde, dans le sens de rétablir l’égalité

Avec Et si la tech pouvait sauver le monde ?, publié en avril 2024 aux éditions de l’Aube, Fatie Toko s’inscrit dans cette lignée. Mais là où Aaron Bastani prend au sens large l’idée de sauver le monde – sauver la planète, sauver les hommes, mais aussi nous préserver de la mort, quitte à verser dans le transhumanisme –, Fatie Toko entend sauver le monde, dans le sens de rétablir l’égalité et d’offrir à chacun un niveau de vie acceptable. Ce changement de focale rend son essai précieux et particulièrement stimulant. Sa première force est de ne pas se cantonner à une vision occidentale de la tech, mais bien de réfléchir au niveau international, démontrant d’entrée de jeu que si une technologie peut détruire des emplois dans un pays développé, elle peut également permettre à un pays sous-développé de rattraper son retard et de se projeter directement dans l’avenir. L’autrice illustre son propos avec des exemples qui viennent de France, des États-Unis, ainsi que du Cameroun, du Rwanda, de la Côte d’Ivoire ou encore du Kenya.

Un rétablissement de l’équilibre entre les nations, mais aussi entre les êtres

Par la technologie, elle appelle, non seulement, à un rétablissement de l’équilibre entre les nations, mais aussi entre les êtres, expliquant combien les avancées informatiques peuvent nous aider à combler nos manquements sociologiques (la mauvaise prise en charge des maladies féminines, telle que l’endométriose ; l’inadaptation des villes aux personnes en situation de handicap) ou à réorganiser le territoire, en revalorisant les déserts médicaux. Au confort et à la performance qu’on attend des nouvelles technologies, Fatie Toko préfère s’intéresser aux vertus inclusives des innovations et la manière dont elles peuvent contribuer à prendre soin des personnes vulnérables, ou nous permettre de développer notre empathie pour autrui.

Le message clef du livre est qu’il faut être un privilégié pour s’opposer aux évolutions technologiques et se focaliser sur les risques au détriment des améliorations concrètes pour le monde. L’optimisme de Fatie Toko ne traduit pas une sous-estimation des dangers, mais une confiance salvatrice dans notre capacité à les traiter collectivement, grâce à l’éthique, les lois et les briques de régulation. Un texte aussi sensible que technique, qui réussit son pari de nous faire croire en un futur désirable.