Sortir du rang de Rodolphe Casso : faire bande à part ou sortir du lot
Publié le 7 mars 2025 aux Forges de Vulcain

Ancien leader d’un groupe de new wave en vue, Alex a quitté l’univers de la pop et des concerts, pour se terrer dans un bunker oublié au cœur des mines de la Pinosa, dans la commune de Valmanya, située dans les Pyrénées-Orientales. Un passage de la lumière à l’underground, symbole d’une prise de recul face à un monde en déréliction. Directrice de la communication chez Sierra Vista, une multinationale spécialisée dans l’agro-alimentaire et les pesticides, Almería fuit Paris après la découverte d’un scandale sanitaire, avec à ses trousses trois mercenaires payés pour la faire taire. À l’image d’Alex, elle prend ses distances avec le capitalisme et les paillettes. Si le premier cherche à anticiper la fin du monde, Almería, elle, espère empêcher celle-ci.
Dans ce quatrième roman, Rodolphe Casso suit des personnages qui coupent les racines avec leur ancienne vie par refus ou acceptation de la fatalité, mais avec l’idée dans les deux cas que ça ne peut pas continuer ainsi, que ce n’est pas tolérable. Pour compenser cette perte des attaches chez ses personnages, l’auteur fait rejaillir l’histoire des lieux et la manière dont on peut s’ancrer en eux. Si Almería est le nom d’une ville espagnole, en Andalousie, Alex, lui, fusionne avec le territoire où il a élu domicile et où ont vécu ses aïeuls. Plutôt que de creuser le passé de son personnage principal, Rodolphe Casso explore l’histoire du lieu qu’il habite, la Pinosa, où maquisards et résistants ont siégé durant la Seconde Guerre mondiale.
Par une habile projection littéraire, à travers la mémoire des terres, Rodolphe Casso raconte sa propre histoire. Il en résulte un texte à plusieurs bandes, à la fois roman de traque, polar rural et récit historique, où plane toujours la fin du monde, ou du moins la fin d’un monde. L’auteur lie la noirceur des thèmes par l’humour, avec un trio de mercenaire ubuesque, et par les références à la pop culture – cauchemar avec des zombies, extraits de chansons, irruption dans la narration de Pokemon Go –, créant un télescopage entre les tragédies et la place de nos imaginaires.
Le roman questionne s’il faut « sortir du rang » pour se couper du monde, ou au contraire pour briller au sein de celui-ci et y mener des actions héroïques. Une réflexion qui s’applique aussi, de manière méta, à la littérature elle-même. Sortir du rang se démarque intelligemment en supprimant les barrières entre les genres, tout en cherchant sa propre voie loin des courants habituels. Une approche qui synthétise en filigrane la singularité éditoriale des Forges de Vulcain.