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Il y a deux films dans Sous Surveillance. Le premier est le récit d’une chasse à l’homme politique terriblement chiante : James Grant (Redford), avocat, est contraint de fuir depuis qu’un jeune journaliste (LaBeouf) a découvert sa véritable identité. Il était membre, dans sa jeunesse, d’un mouvement terroriste luttant contre la superpuissance américaine. Pour passer inaperçu durant 40 ans, l’animal a joué de ruse et s’est rasé la moustache.

Ce film-ci ne présente strictement aucun intérêt. Il s’inscrit dans la droite ligne des thrillers honnêtes mais jamais surprenants, réglés comme du papier à musique, implacables, mais franchement barbants. La recette fonctionne, surtout si le tout est agrémenté d’une petite touche libertaire. La preuve récemment avec Argo ou encore Les Marches du Pouvoir, ce profil de films biens sous tous rapports : Ben Affleck, George Clooney et Robert Redford, trois générations, trois icônes qui savent à peu près tout faire, sans jamais quitter leur zone de confort. La prudence comme mot d’ordre. Un comble pour Sous Surveillance, qui s’articule autour de l’idée de prendre des risques, de s’engager, de se remettre en question. Redford prône le danger, le frisson permanent, mais ancre son film dans un carcan bien douillet. Sur les rails, sans dépasser.

Finalement, Redford dépeint le personnage du jeune journaliste comme le feraient nos grands-parents : irrévérencieux, charmeur, tripatouilleur de technologies mais un carnet de notes à la main et une besace en mode Tintin. Tout le film, en un sens, adopte ce regard à la fois dépassé et émouvant. Cette seconde facette qui affleure par instants, bien plus intéressante qu’une enquête absconse, rend la chose attachante. Redford sait qu’il appartient au passé. De temps à autre le film mue, délaisse les luttes de pouvoir pour se recentrer sur l’humain, les doutes et les passions : c’est quand Sous Surveillance touche à l’intime qu’il prend son envol, de manière presque mécanique. On assiste alors à la prise de recul du sage sur sa propre existence, à l’histoire d’un vieil homme qui se retrouve après une vie d’errance. Redford le formalise d’ailleurs clairement au cours d’un dialogue : toutes ces années il n’a pas été lui-même mais un autre personnage, construit de toutes pièces. L’heure est à l’apaisement, et sa fuite ressemble à un dernier baroud d’honneur où il rencontre tous ses anciens camarades de lutte, vieillis, à peine reconnaissables, définitivement rangés.

En point d’orgue du périple, il retrouve son amour de jeunesse, dans un cabanon abandonné, à la frontière canadienne. Ils passent ici une dernière nuit d’amour, comme des adolescents timides ; éclairés par un feu de cheminée, comme en dehors du temps, ils semblent avoir vingt ans. Le film est alors d’une nostalgie intense, pics d’émotion disséminés ça et là, qui permet au titre original de prendre tout son sens : The Company We Keep. Et, sous-entendu, celle que nous avons définitivement perdue.