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Un « This is the Story of Cypress Hill » radiophonique retentit. Rétrospective en forme de dernier chant du cygne ou retour en arrière avant de tourner la page et de débuter une nouvelle ère ? « It ain’t Nothin’ » fait directement pencher la balance du côté de la seconde hypothèse. Sur une boucle aussi old shcool que fédératrice de DJ Muggs, B-Real et son flow canardisé se montre vindicatif comme jamais. La révolution cubaine peut reprendre.

Le son de Cypress Hill s’est toujours défini autour de deux oppositions (qui découlent au fond de la même envie) : D’un côté, le groupe a souvent été sur le fil entre ambiances fumeuses créées de toute pièce et textures plus organiques, de l’autre il a sans cesse cherché depuis 1999 à faire cohabiter hip hop exigeant et grosses guitares en poussant le débat au de là de la fusion de Body Count et des mélanges hasardeux du Néo Métal. Ces deux oppositions se retrouvent d’entrée de jeu représentées respectivement par « Light It Up » et sa chaude basse et par « Rise Up » qui voit Tom Morello lancer des riffs assassins. La présence du guitariste de Rage Against The Machine ici et sur « Shut ‘Em Down » est à la fois naturelle et emblématique de la direction prise par l’album. Naturelle parce que les deux groupes ont toujours été très proches (on se souvient de la version de « How I Could Just Kill A Man » sur « Renegades » et de la participation de Brad Wilk à « Skull & Bones ») ; symbolique parce que cela n’a jamais mieux marché avec un autre que lui. Qu’il s’agisse de Fear Factory ou de Rancid, aucun autre groupe n’aura pu offrir à la voix de Sen Dog une alchimie si implicite.

A la première écoute, on s’imagine qu’un véritable équilibre semble enfin avoir été trouvé entre ces appétences rageuses et l’incroyable flow de ses MC. Cependant il s’agit peut être plus d’une adaptation de l’auditeur que d’une réelle évolution du groupe tant la construction de l’album n’est pas si éloignée de « Stoned Raiders ». Peut-être que l’électricité est tout simplement mieux acceptée des deux cotés et que Cypress Hill peut enfin afficher ses guitares sans avoir besoin de réunir (et de cacher) celles-ci à la fin de l’opus. De plus, aujourd’hui le groupe a compris la nécessité de s’entourer afin de livrer des assauts de guitares qui ne ressemblent pas à des samples comme cela pouvait être le cas sur « Amplified » il y a neuf ans. Ainsi lorsque Daron Malakian débarque sur « Trouble Seeker » avec ses riffs légitimement mais honteusement piqués chez System Of A Down, « Rise up » ne se brise pas mais se renforce.

Plus accessible, plus mélodique, plus mainstream, « Get It Anyway » (si l’on omet ses « lalala lalala » un peu ridicules) s’avère capable de défier en battle Eminem ou 50 cents, tandis que « Bang Bang » se développe comme un vieux titre de RJD2 dans une ambiance plus abstrackt. En fait la complémentarité B-Real / Sen Dog est tellement exemplaire qu’on pourrait tout pardonner au groupe. Même les titres plus anecdotiques comme « Armed & Dangerous » ou légèrement irritant comme « I Unlimited » sont sauvés par la rigueur des vocaux.

Ah ce stade on pourrait s’imaginer que « Rise Up » marque le grand retour de Cypress Hill pourtant comme souvent depuis 15 ans, le gang américain pêche par excès et se laisse corrompre par de flagrantes erreurs de casting. Mike Shinoda de Linkin Park sabote sans vergogne « Carry Me Away » tandis que Marc Anthony & Pitbull cachetonnent sur « Armada Latina », le titre qui clôture l’album et qui prend des formes de graves erreurs stratégiques : finir sur cette note laisse un goût amer. Alors que la rédemption du héros allait être officialisée, un nouveau protagoniste sort de nulle part et met à mal la concrétisation ; on se croirait dans une mauvaise sitcom.

Malgré son lot habituel de titres forts, on se demande vraiment parfois si l’herbe n’aura pas raison de Cypress Hill (« K.U.S.H » pour Kiss Us So High) comme si chaque nouvelle latte tirée l’éloignait un peu plus de la noirceur de « Temple Of Boom ». Plongés dans un état vaporeux, ils en oublient d’écrire des lyrics de qualité et se contentent de ressasser les mêmes thèmes, d’une manière moins pertinente qu’ils ressamplent leurs anciens morceaux. En même temps, on ne sait s’il faut vraiment leur en vouloir lorsqu’on les entend avec une naïveté touchante retrouver l’énergie et l’esprit de leur 20 ans le temps d’un « Get’em Up ».

« Pass The Dutch » s’ouvre sur un « Do You Want To Get High » avec en toile de fond les cris d’un public en forme de sample du fameux « Live at The Filmore ». Le passé s’irrigue dans un présent qui s’appuie lui-même sur le passé. L’influence principale de Cypress Hill reste Cypress Hill et l’air devrait rester enfumé dans les années à venir.

Note : 7/10

>> A lire également, la critique de Tahiti Raph sur Chroniques Electroniques, et la critique de Thibault sur la Quenelle Culturelle