Guerre des Dieux au sommet, la violence et la technique face à la technique et à la violence, les deux minotaures continuent de se battre par albums interposés sans jamais se rencontrer. Si Converge est mon Hadès, The Dillinger Escape Plan pourrait bien être mon Pluton. Deux groupes qui possèdent la même fonction au sein de deux dimensions parallèles.
La version romaine parait toujours plus apaisée, plus apte à la compromission (« Farewell, Mona Lisa ») mais cache en réalité une perturbante folie malsaine : trop apeuré par l’idée que la rumeur de la rédemption circule, le quintet hurle à la mort (« Good Neighbor »). La guerre est déclarée.
Peut être à cause d’un line up qui n’a jamais su être stable plus d’un album, les américains semblent toujours à la recherche de repères, et derrière la modernité, on retrouve encore la volonté d’affirmer l’affiliation avec Mike Patton et Faith No More. L’ironie a encore de beau jour devant elle ! On entrevoie même des influences typiquement année 90 via un « Gold Teeth On A Bum » où les cris de Greg Puciato rappellent parfois les hurlements de Soundgarden de la grande époque. Il y a vraiment un côté grunge dans ces refrains qui prennent de l’espace et de la lourdeur, un peu comme si Shovel renaissait d’entre les morts.
Malheureusement les patonneries ne sont pas toujours du meilleur effet. « Widower » débute sur des accords blancs et noirs, mais au lieu de ressembler à du Faith No More siglé « I Started a Joke », le groupe donne plus l’impression d’avoir invité Elton John en featuring. De même sur « I Wouldn’t If You Didn’t » il essaye de mélanger des envies contraires et l’ultra-violence se frotte à des incursions pianistiques un peu ringardes rendant le titre à la limite de l’indigeste. Rien à faire, je ne comprendrai jamais les velléités des groupes de métal à s’obstiner à fréquenter des terres où ils seront contraints par une malédiction éternelle à croiser le ridicule. Néanmoins cela n’impacte nullement l’effroi que provoque l’écoute des cris des enfers.
C’est évidemment sur les titres courts emplis de la quintessence de la violence que The Dillinger Escape Plan se fait le plus mordant. Les guitares partent dans des solos hallucinés sans même que l’ensemble n’en soit moins hardcore (« Crystal Morning »). Dans ses moments les plus old school, le groupe déploie une infernale vigueur tout en plaçant en plein milieu des breaks jazzy (« Room Full Of Eyes »). Tout ça serait presque sexy et groovy. Les enfers sont trompeurs. Plus vite, plus fort, plus technique, « Endless Endings » impose en plus en background un solo typiquement thrash.
« Option Paralysis » brûle d’une rare incandescence sans pour autant éblouir autant que ses deux prédécesseurs. De retour vers l’esprit de « Miss Machine » sans pour autant retrouver des singles de la carrure de « Highway Robbery », The Dillinger Escape Plan s’écarte surtout du chef d’œuvre « Ire Works » et oublie de creuser la voix des brillantes idées passées comme celles du warpien « Sick On Sunday », de l’interlude « When Acting as a particle », ou encore des drilles de « Nong Eye Gong ».
Pourtant, pas la peine d’essayer de se dérober, on y réchappera pas pour autant. « Chinese Whispers » est un titre diaboliquement rock’n’roll, presque arty qui rappelle par moment le rock barré de Liars et « Option Paralysis » contient sa dose de Devil Inside.
Note : 7,5/10
>> L’album est en écoute intégrale sur Deezer