2013 vu par Arnaud Dudek
Introduction de Catnatt : Arnaud Dudek, c’est tout ce que j’aime dans ce côté si typiquement français – et Dieu seul sait que je me sens si typiquement française – cette attention aux “choses de la vie”, aux détails du quotidien, ceux que l’on sous-estime et qui, en fin de parcours, nous pètent à la figure et finissent par prendre toute la place. Il paraît que “le diable se cache dans les détails”… Découvert lors de la rentrée littéraire grâce à une critique élogieuse de Bernard Pivot, son roman “Les Fuyants” m’a plus marquée que je ne l’aurais pensé. Une phrase en particulier tourne en boucle : « Jacob a mis du temps à réunir assez de courage pour être lâche.» Je n’en finis par de réfléchir au courage des lâches parce que, quelque part, il y a de ça. J’ai aimé qu’Arnaud Dudek se mette à leurs côtés, sa littérature a le charme, l’élégance, l’apparente (et si soutenable pour autrui, n’est-ce pas ?) légèreté de certains blessés… Son texte, tout en joie, lui ressemble et j’ai été sincèrement ravie qu’il accepte de participer.
En 2013, j’ai déménagé. Depuis quelques mois, nous habitons à Paris, onzième arrondissement. Ce n’est pas pour des raisons fiscales, vous vous en doutez. C’est, avant tout, bêtement professionnel. Mais cela ne nous déplaît pas. Au contraire.
En nous installant à Paris, nous allons enfin entrer dans le club des dominants (1). Notre appartement de dominants est beau comme un ventre plat, cela ne vous étonnera pas. Je pourrais m’employer à vous le décrire, du sol au plafond, des produits ménagers de la cuisine aux bibelots de l’entrée, mais l’exercice a déjà fait l’objet d’un excellent livre (sans aucun suspense, mais tout bonnement passionnant)(2).
Nous allons enfin pouvoir abuser, d’une voix grave et assurée, de l’expression « le meilleur (…) de Paris ». Meilleur charcutier, meilleur restaurant argentin, meilleur sculpteur sur savon, nous n’avons pas fini de décerner des chamois et des étoiles. Déjà, nous avons goûté aux meilleures crêpes de Paris (3). Nous n’avons testé qu’une seule crêperie mais c’est amplement suffisant (ma compagne a passé tous ses étés d’enfant et d’adolescente en Bretagne, elle a des goûts très sûrs en la matière).
Nous allons enfin nous rendre à des concerts fabuleux sans devoir poser deux jours de congés. Notre première escale : Les Trois Baudets, et l’univers drôle et sensible d’un chanteur suisse qui a décidé de ne pas prendre de première partie, parce que, confiera-t-il en début de spectacle, il n’a « trouvé personne qui vendait moins de disques que lui » (4).
Nous allons enfin pouvoir nous faire livrer nos courses à vingt-trois heures.
J’adore notre nouvelle vie.
Ce qui est bien, au surplus, c’est que j’ai toujours un pied en province. Comme je suis un dominant excentrique, j’habite à Paris mais je travaille à Dijon. Une heure et demie de TGV par jour, quelle aubaine. J’écris, bien-sûr. Je continue à observer l’absurdité du monde (avant, après, pendant le voyage, diable, il y a de quoi faire). Et puis, de temps à autre, je lis des bijoux. Un premier roman brûlant comme le soleil (comme j’aurais aimé trouver ce titre), édité par un jeune trio de rockeuses (5). Un whodunnit loufoque, doublé d’une habile réflexion sur le langage (6). Ou bien le dernier numéro de la cultissime revue Décapage (7).
Autant vous dire qu’en 2013, je ne me suis pas ennuyé.
[2] Intérieur, Thomas Clerc (Gallimard, L’Arpenteur)
[3] Crêperie bretonne fleurie, 67 rue de Charonne, Paris 11
[4] Tout m’échappe, Jérémie Kisling (Note A Bene)
[5] L’étrangère qui a perdu ses yeux dans le sable, Florence Miroux (Bleu Pétrole éditions)
[6] Le linguiste était presque parfait, David Carkeet (Monsieur Toussaint Louverture).
[7] https://revuedecapage.blogspot.fr/