Si des chansons comme « The Captain » pouvaient laisser supposer des orientations futures déconcertantes, nul doute que les aficionados de « Silent Shout » et titres comme « Neverland » et « Marble House » tomberont des nues à l’écoute du nouvel album de The Knife. Effectivement après l’épisode Fever Ray, Karin et Olof Dreijer ont décidé de radicaliser le propos sur « Tomorrow, In A Year ». Armé d’un concept aussi ambitieux qu’opaque, le duo suédois a décidé de s’entourer de collaborateurs comme Mt. Sims, Planningtorock et la cantatrice Kristina Wahlincafin afin de mettre en œuvre un opéra inspiré de la vie de Charles Darwin et de son ouvrage « L’Origine des espèces ».
Le concept est ardu car il s’agit bien évidemment d’un opéra électronique à fortes connotations expérimentales. Dès « Epochs » et « « Geology », on sait que The Knife ne fera rien pour nous ménager et livrera un album égoïste qui n’aura pour unique objectif que d’assouvir la folie de ses créateurs. Les voix aigues se posent sur des distorsions sonores dénuées de toutes mélodies, tandis que certaines plages se résument à une succession de crissements qui varient sur différentes fréquences (« Variation Of Birds »).
Mon intention première était donc de louer la démarche mais de conspuer ces collages sonores sans queue ni tête que même la Fondation Quartier n’aurait pas accepté pour égayer une exposition post-moderne. Effectivement « Tomorrow, In A Year » est un disque d’une rare prétention qui ne cesse de toiser l’auditeur de haut en le renvoyant à sa propre petitesse d’esprit. Tantôt désagréable, tantôt manipulateur, The Knife s’y perd, comme s’il n’avait pas été en mesure de finaliser leur travail et que tout l’album n’était composé que d’exercices de style de studio (« Letter to Henslow »). C’est cela ! Bien au-delà des inepties expérimentales, c’est surtout cette impression de se retrouver face à des chutes de studio qui agace le plus (« Schoal Swarn Orchestra »). En comparaison de certaines parties de cet album, « Monoliths & Dimensions » de Sunn O))) semble être un modèle d’accessibilité, tant le drone métallique semble plus chaleureux que le drone électronique.
Et pourtant aussi insupportable puisse être ce « Tomorrow, In A Year », une étrange force m’oblige sans cesse à y revenir, comme si l’album recélait un mystérieux trésor et que je refusais de m’enfuir sans me l’être approprié. Une insondable beauté se cache ainsi derrière des chansons comme « Upheaved » et « Annie’s Box », tandis que la fin de l’œuvre révèle de grands frissons psycho-émotionnels avec le shamanique « Colouring Of Pigeons » et le technoïde « Seeds ».
Oubliez l’ennui et plongez dedans sans retenue car rarement un disque aussi peu concerné par le plaisir auditif aura été si intriguant.
Note : 7,5/10