Après avoir inventé la Folktronica (« Pause » et « Rounds ») et tenté d’imposer un krautrock aussi expérimental que dansant (« Everything Ecstatic »), Four Tet, sorti grandi de son travail avec le batteur de jazz Steve Reid, revient avec une œuvre puissamment cohérente qui assume et son intellectualisme et son côté populaire en n’hésitant pas à saupoudrer le tout de house. Un pari ambitieux (tant il pourrait faire fuir les puristes) pour un résultat qui va bien au de là des clivages.
« Love Cry » est aussi bien un brûlot hypnotique fourmillant de références allemandes qu’un hymne pour une génération en mal de sensations nocturnes, tandis que les sonorités bleepiennes de « Sing » font écho à l’âge d’or de l’IDM en appuyant bien fort sur le Dance. Joindre les deux bouts, ne tourner le dos à personne, voilà un défi qui dépasse les lois de la physique. Pourtant à la manière d’un Radiohead (dont Kieran Hebden a toujours été très proche), « There Is Love in You » peut se targuer d’une ambivalence suprême en forme de manifeste pour l’exigence sans le mépris. Four Tet impose une simplicité non simpliste où le moindre beat, aussi évident soit-il, découle d’heures de travail et se drape d’une perfection dans le traitement du son.
A ceux qui reprochent à la musique électronique son aspect répétitif, Kieran Hebden répond par un meting pot d’influences qui permet sur une base ultra cohérente de proposer un panel d’émotions finement varié. On pense évidemment à Boards Of Canada sur l’éthéré « Circling » tandis que les boucles de « Plastic People » se développent à partir de captations sonores originales et raffinées. « Angel Echoes » offre une soul futuriste. La réverbération des voix se fond dans un large spectre sonore céleste.
Ainsi, tout en jouant avec les codes et les passages obligés, Four Tet confère un niveau de lecture supérieur à chacun de ses titres : même les interludes inutiles prennent chez lui une dimension conceptuelle (« Pablo’s Heart ») et on lui pardonne avec une affection non feinte les rares moments plus convenus et anecdotiques (« Reversing »).
Accaparant (« This Unfolds »), possédant des vertus relaxantes tout en stimulant les connexions neuronales (« She Just Likes To Fight »), « There Is Love in You » est un très grand disque de musiques électroniques, la force à un songwriting (oui oui je parle bien de songwriting) qui ne s’essouffle jamais et à des chansons qui jouent toujours la carte de l’unicité et jamais celle du remplissage. Sans même être signé chez Warp, Four Tet semble aujourd’hui en porter l’étendard.
Note : 8,5/10
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