Au début des années 70, alors que lui et sa famille viennent d’emménager à Brea en Californie, le jeune James se retrouve propulsé dans une jungle sociale où l’adolescence a transformé tous ses congénères en êtres dépourvus d’altruisme et de compassion. Rejeté, moqué pour ses passions et ses centres d’intérêt pittoresques, le garçon n’a d’autre solution que de se renfermer un peu plus sur lui-même. Il sait déjà pertinemment que la délicate Jessica finira avec le quaterback de l’équipe de foot mais la frustration ne s’empare pourtant pas de lui. Après tout cette vie n’est qu’une phase de gestation. Un jour il aura sa revanche et ceux qui le méprisent finiront inévitablement par être éblouit par son génie. Le fils de Phillip et Shirley Cameron a d’ailleurs un plan pour arriver à ses fins, un plan qui tient en une douzaine de page, le script d’un film qu’il se jure à lui-même de réaliser coûte que coûte. Rien ne pourra le détourner de cet objectif, quels que soient les obstacles et les barrières. Bref James Cameron vit une adolescence pré-geek des plus classiques. L’histoire de cet enfant empli d’un rêve qui ne se réalisera jamais aurait du en rester là…
En 90 lorsque James Cameron a commencé à parler de ce scénario qu’il aurait écrit mais qu’il n’avait pas encore les moyens de réaliser, quelqu’un aurait du l’arrêter, le prendre dans ses bras et lui dire « C’est bon James ! Terminator, Aliens, Abyss, ils sont tous à tes pieds, tu n’as plus besoin de tenir ta promesse, tu as déjà gagné ! ». Le fameux réalisateur aurait alors chialé un bon coup, aurait constaté le chemin parcouru et se serait rendu à l’évidence : ce serment fait à lui-même 20 ans auparavant n’avait plus de sens. Mais non personne n’a levé le petit doigt, et du coup, que sont-elles devenues ces 12 pages grattés sur un vieux cahier hein ??? Et bien je vous le donne en mille, elles sont devenues le film le plus cher de l’histoire du cinéma !!! Ni plus, ni moins ! Merde avec 500 putain de millions de dollars ils auraient quand même pu faire une coupe de 200 000 dans le budget pub et se payer à minima des dialoguistes.
Balayons d’entrée d’un revers de main l’évidence : « Avatar » est un film à la technicité exemplaire ! Relevant haut la main le défi d’imposer la 3D comme une évolution crédible du cinéma, James Cameron réalise un film visuellement très généreux, où chaque texture, chaque plan est animé par un souci du détail hors pair. Le moindre engin de guerre, la moindre bestiole regorge d’inventivité et d’une volonté de ne pas laisser la technologie mettre des bornes à l’imaginaire. Est-ce que cela suffit pour faire un bon film ? Assurément pas ! Est-ce que cela permet d’offrir un divertissement de qualité ? Probablement que oui. Mais pour ça faudrait-il encore que « Avatar » n’hérisse pas le poil toutes les deux secondes via une idéologie des plus contestables.
Certains chercheront à vous faire croire que « Avatar » est la consécration au près du grand public de tout un pan de la culture geek. C’est on ne peut plus faux ! « Avatar » est juste un gros blockbuster américain dénué d’âme qui est à mille lieux de l’ambition des problématiques récurrentes de la SF et des voyages initiatiques de l’héroic fantasy. Encore une fois, il ne s’agit pas de remettre en cause l’esthétique mais bien un scénario qui empile les poncifs et qui s’avère bien moins fouillé que la majorité des jeux vidéos actuels. Les Final Fantasy, à titre d’exemple, exploitent avec dix fois plus de finesse la mythologie de l’arbre Mana !
Non, sorti en cette fin 2009, « Avatar » se verrait plutôt comme une synthèse écoeurante de deux décennies de cinéma. On y retrouve la bienséance de Danse avec les loups, l’aspect romanantico-féerique de Walt Disney, les grands discours fédérateurs de Roland Emmerich et surtout des dialogues que même Chuck Norris n’oserait plus prononcer ( “- Tu as étudié la biologie Jake Sully ? – Oui j’ai disséqué une grenouille” ; rires gênés dans la salle). Et alors me direz-vous, on s’en fout si le héros a un charisme d’huître et si l’enjeu du film revient à savoir s’il se tapera la défraîchie Sigourney Weaver ou s’il succombera aux charmes d’un Gollum de sexe féminin. C’est tout à fait vrai, l’important n’est pas là, l’important est dans la débilité des messages que véhicule le film .
Parce qu’il faut quand même bien le dire, le scénario du « dernier chef d’œuvre », c’est l’histoire d’une méchante société dirigée par des vilains actionnaires, qui avec l’appui des méchants marines stéréotypés, essaye de déloger des indigènes afin de s’emparer de leur précieux or noir. Avec une finesse à toute épreuve, on ira même jusqu’à vous en remettre une couche avec le concept de guerre préventive, le tout avec une petite dose d’écologie en mode Michael Moore feats Al Gore. Et au cas, où vous seriez bien cons, on vous rappellera en interview que « Avatar » est un film à message et qu’il faut y voir une métaphore de quelque chose de si profond qu’on ose même pas vous le dévoiler ! Ben voyons. Enfin pour l’instant, on ne parle que d’un film qui arrive avec ses gros sabots. Rien de grave en soi, même si en comparaison on se dit que Star Wars est un vrai thriller géopolitique.
Non ce qui est vraiment insupportable dans « Avatar » c’est cette capacité à promouvoir les idées qu’il fait semblant de dénoncer. Les Na’vi, peuple qui devrait incarner l’harmonie avec la nature, la spiritualité, qui devrait offrir l’image d’un monde en plein contraste avec la déchéance philosophique humaine, se révèlent être tournés en ridicule aussi souvent que possible. Peuple de la non communication, on y tombe amoureux après avoir couru en couple dans les bois, on y choisit sa femme sur le critère qu’elle est la meilleure chanteuse ou très bonne chasseuse, et on adopte les hommes sans même sonder leur âme sous prétexte qu’ils arrivent à monter sur un cheval et sur un oiseau. D’ailleurs le jour où un arbre sacré nommera comme élu un être qui n’a même pas versé une larme sur la dépouille de son frère, je pense que Michael Bay réalisera des plans qui dureront plus de trois secondes.
Avec ses personnages qui n’ont pas un soupçon de profondeur psychologique, avec ses paysages qui malgré leur inventivité n’arrivent jamais à provoquer l’émotion et avec son idéologie qui simplifie à leur paroxysme les cultures et les enjeux humains, « Avatar » est une sacrée déception pour ceux qui comme moi s’attendaient à l’éclosion d’un nouveau mythe. Enfin bon, heureusement, James Cameron travaille toujours sur l’adaptation de Gunnm, l’œuvre ultime de Yukito Kishiro, qui possède une histoire aux mille facettes. Nul doute que cette fois, son talent de réalisateur allié à une matière première en forme de pièce d’orfèvre devrait faire des miracles.
Note : 3,5/10
PS : A noter que la version Director’s Cut du film devrait contenir une scène où Neytiri se fait kidnapper par le colonel Quaritch, complétant ainsi un panel scénaristique qui n’aura alors évité aucun des écueils du genre. De plus, s’il n’y aura pas de dialogues supplémentaires visant à étoffer les seconds rôles, les bonus contiendront plusieurs scènes de fou rire généralisé où Giovanni Ribisi n’arrive pas à taper sa balle de golf. On en salive d
’avance.
PS 2 : Oui je sais, je n’ai rien dit sur le générique de fin en mode Celine Dion strikes back, mais c’est vraiment parce que j’ai cherché à rester objectif !