Apichatpong Weerasethakul, Miguel Gomes : les consécrations
Présentés à Un Certain Regard et à la Quinzaine des Réalisateurs au festival de Cannes 2015. Durée : 2h02 / 2H05 + 2h12 + 2h06.
Cette année, comme souvent en réalité, les plus grands films du festival étaient à puiser dans les compétitions parallèles. D’emblée, deux choix ont intrigué : les présences, non pas en Officielle mais respectivement à un Certain regard et à la Quinzaine des réalisateurs, des nouveaux films d’Apichatpong Weerasethakul et Miguel Gomes. Le premier est un habitué de la compétition reine, et a même remporté le Palme en 2010 avec Oncle Boonmee. Quant au second, son projet était l’un des plus attendus : l’adaptation lointaine, en trois volets de plus de deux heures chacun, des Mille et une nuits.
Qu’est-ce qui, du coup, a pu justifier leur non sélection ? À vrai dire, on cherche encore. Cemetery of Splendour, le film du cinéaste thaïlandais, est peut-être son meilleur. Son plus émouvant en tout cas, et d’assez loin. Weerasethakul parvient à ne jamais sacrifier son style unique et aride pour certains, propice à l’envoutement, la rêverie et la langueur, tout en dessinant un portrait de femme assez sublime. Qu’a-t-on vu de plus beau au cinéma, cette année, qu’une dame guérissant les plaies de son aînée en léchant ses cicatrices ? Qu’a-t-on vu de plus sidérant visuellement qu’une bactérie s’immisçant dans le cadre pour aller caresser les nuages ? Quant à la partie de foot dans les détritus, dire qu’elle enterre la poésie pataude de Sissako et son Timbuktu est encore trop faible.
L’autre choc, c’est donc Miguel Gomes et sa trilogie monumentale. Six heures d’onirisme teinté de fresque sociale, à moins que ce ne soit l’inverse. Peu importe, au fond : ces Mille et une nuits sont démentes, d’une densité hallucinante. Très drôles, aussi, constamment à la lisière du conte et de l’immersion au plus près des populations portugaises désœuvrées. De mémoire de festivalier, aucune édition n’avait été autant marquée par un film, projeté sur cinq jours et apposant son empreinte sur presque toute la durée de l’événement. Sur Twitter, Weerasethakul poste une photo de lui, énorme sourire et t-shirt du film de Gomes fièrement exhibé. Quant au Portugais, il admire tellement l’œuvre de son confrère qu’il lui a volé son chef op pour la trilogie. Ces deux-là, définitivement à part, savent qu’ils n’ont pas besoin des marches rouges pour être rois.
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