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Et si l’envie du chanteur de Depeche Mode d’aller voir ailleurs s’était manifestée pour la première fois au sein de la chanson Condemnation ? Comme il le disait récemment au Guardian, c’est grâce à elle qu’il « a trouvé sa voix ». Une voix chaude avec bien plus de nuances qu’il utilisait jusqu’alors, et notamment cette intonation soul souvent soutenue par un choeur gospel. Détonnant à l’époque dans la discographie de Depeche Mode, le morceau l’est désormais beaucoup moins vingt ans plus tard lorsqu’on regarde l’oeuvre solo de Dave Gahan avec du recul.

Angels & Ghosts, son dernier album en date écrit et composé avec Soulsavers, en est certainement le témoin parfait. Mais avant d’arriver à trouver ce son qui lui correspond désormais autant que celui de Depeche Mode, la route a été longue. Elle commence en 2003 avec Paper Monsters. L’album est avant tout l’expression d’une frustration : en 25 ans de carrière avec son groupe, Martin Gore n’a jamais vraiment daigné lui lâcher les rênes de la composition. Gahan fait donc appel au guitariste et violoncelliste Knox Chandler (connu pendant les sessions d’enregistrement d’Exciter) pour écrire ce premier album solo. Il y expose pour la première fois des thèmes plus personnels, notamment sur les démons de son passé mouvementé et sur sa longue histoire avec les drogues.

L’histoire est différente en 2007 avec Hourglass. Très électronique, le disque décline plus volontiers le style musical de Depeche Mode. Même dans les paroles, le chanteur cherche moins à marquer une rupture avec son groupe comme c’était le cas avec Paper Monsters. Il reprend même certains thèmes religieux chers à Martin Gore. « I don’t believe in Jesus / But I’m praying anyway », clame-t-il ainsi dans la chanson Miracles. Plus froid que son premier essai solo, Hourglass a été conçu avec deux musiciens familiers de ces ambiances : Andrew Phillpott (Das Shadow) et le batteur autrichien Christian Eigner, de vieux routiers qui accompagnent Depeche Mode depuis des années.

Mais le tournant viendra bel et bien de sa collaboration avec Soulsavers. Sur le quatrième album du duo anglais paru en 2012 (The Light the Dead See), Dave Gahan interprète la totalité des titres. Une première pour les deux producteurs qui avaient pris l’habitude de faire appel à plusieurs chanteurs sur un même disque, et pas des moindres : Mark Lanegan, Jason Pierce, Mike Patton ou encore Richard Hawley. La collaboration entre les trois acolytes fait mouche, comme en témoigne la superbe Longest Day. Tout en blues et gospel, elle permet enfin à Gahan de continuer ce qu’il avait entamé vocalement avec Condemnation, presque vingt ans plus tôt.

Paru en octobre dernier, Angels & Ghosts creuse encore un peu plus ce sillon. Plus cohérent, plus acoustique, le disque illustre la belle complicité qui s’est instaurée entre Dave Gahan et le duo formé par Ian Glover et Rich Machin ; une complicité plus forte que celle qui existe entre le chanteur et Martin Gore qu’il ne semble plus fréquenter que lors des enregistrements des albums de Depeche Mode. Avec ce disque, Gahan semble aussi prendre le contrepied total de son groupe de toujours : sortir du pur format pop et choisir de petites salles plutôt que des stades pour le jouer ; comme en témoigne sa récente prestation à la Cigale à Paris.

Après quatre albums sans Depeche Mode, Dave Gahan y reste pourtant très lié, voire plus que jamais. Le succès artistique de Paper Monsters a ainsi convaincu Martin Gore de lâcher du lest. Le chanteur signe ainsi trois chansons par album depuis Playing The Angel. Il se dit également désormais plus impliqué dans le processus de production de leurs disques, ses aventures solo ayant prouvé qu’il pouvait lui aussi mener une équipe vers son propre objectif artistique et non plus être seulement l’instrument vocal d’un compositeur. Des infidélités qui ont finalement rapproché l’un des couples artistiques les plus importants de ces trois dernières décennies.