Aa
X
Taille de la police
A
A
A
Largeur du texte
-
+
Alignement
Police
Lucinda
Georgia
Couleurs
Mise en page
Portrait
Paysage


unkle_where_did_the_night_fall01. UNKLE feat. Mark Lanegan – Another Night Out (Anthony)
Extrait de “Where Did The Night Fall” – 2010 – Balade lumineuse
Mark Lanegan, la star des featuring invités sur des albums sublimes (chez Soulsavers, Queens Of The Stone Age, ou ici avec UNKLE), a le don pour enrober de sa voix rocailleuse les mélodies les plus sensibles. Tel un accord mets/vins réussi, l’ex-leader des Screaming Trees, défricheur primitif de la scène grunge, arrondit les angles avec l’âge et marie à merveille son timbre grave aux tapis de  cordes que lui concoctent les plus talentueux arrangeurs et producteurs. Another Night Out, qui clôture ce 5ème album d’UNKLE. est la bande-son parfaite pour regarder le jour se lever.

laura-gibson_empire-builder02. Laura Gibson – Two kids (Arbobo)
Extrait de “Empire builder” – 2016 – Songwriter
Il y a ce vibrato, ce palais qui vrille avec un timbre étrange. La reine du palais, c’est Laura Gibson, et son nouvel album se situe au mieux qu’il pouvait après le chef d’oeuvre La grande: en dessous, mais à portée de vue. Il y a un cousinage avec les disques récents de Damien Jurado, dans le songwriting, dans cette gorge nouée dont la voix passe en tête. Pour Damn sure, pour The search of dark lake, Caldera Oregon, on y reviendra. Two kids nous embrasse comme les bras d’un parent cher. La nostalgie n’est pas loin, mais la joie de savoir l’autre toujours près de soi nous réchauffe au présent. Laura Gibson n’écrit pas que des mélopée bouleversantes. Elle sait se faire plus terre à terre, plus accessible, et c’est cela aussi qui rend la femme attachante en plus d’être une magnifique artiste.

03. Isaac Hayes – One woman (Laura)71-NVM7BUmL._SL1056_
Extrait de “Hot Buttered Soul” – 1969 – Soul
Chef d’œuvre de la musique pour mère au foyer mélancolique, ce morceau s’écoute à merveille en faisant la vaisselle et en rêvant d’une autre vie, au gré des montagnes russe émotionnelles que produisent les violons langoureux, les chœurs, la voix caressante… tout y est, il n’y a qu’à se laisser porter.

IggyPPD04. Iggy Pop – Gardenia (Isabelle Chelley)
Extrait de “Post Pop Depression” – 2016 – Rock de crooner
L’un de mes albums favoris d’Iggy, “Avenue B”, reste l’un de ceux que ses fans détestent en général. Pour une fois, le vieux lézard y abandonnait ses mues d’éternel tête brûlée bouffant la vie par tous les bouts et s’y révélait vulnérable, imparfait, fragile, avec une voix donnant le frisson à chaque inflexion… Ces dernières années, les contorsions de plus en plus douloureuses d’Iggy – double maléfique de James Osterberg, le fan de Sinatra – m’ont mise mal à l’aise. Et si je trouve gênant de voir un quasi septuagénaire beugler qu’il veut être mon chien en se frottant laborieusement à quatre pattes sur un ampli, le redécouvrir en gentleman crooner, est une bonne surprise. Voix de velours, accents salaces comme il faut, rythmique lancinante façon Nightclubbing, ce Gardenia est mille fois plus sexy et évocateur que n’importe quelle de ses poses de dieu vieillissant de la déglingue sur scène.

disppointing05. John Grant – Disappointing (Thierry Chatain)
Extrait de “Grey Tickles, Black Pressure” – 2015 – Electro pop
On sait que le plus bear des chanteurs (cf. la vidéo) peut osciller entre les styles. Mais rien ne me réjouit plus que quand il coche toutes les cases à la fois. “Disappointing” réussit donc à être une scie electro funk carrément pétasse, délicieusement vulgaire du synthé, ET une pop song à la mélodie lumineuse. Une chanson d’amour parfaitement assumée et touchante, ET un exercice ironique – voir le texte où Tracy Thorn, invitée à duoter, confie que le génitif, en allemand, ne la laisse pas indifférente, et la façon dont Grant affecte un accent slave outré en roulant les r pour une énumération d’artistes russes classiques. Tout et son contraire, mais surtout pas n’importe quoi.

06. Deftones – Doomed User (Benjamin Fogel)Gore_-_Deftones
Extrait de “Gore” – 2016 – Post Metal
A chaque nouvelle sortie d’un album de Deftones, c’est la même rengaine qui revient : le groupe aurait enfin signé le digne successeur de son chef d’œuvre White Pony. Alors qu’à vrai dire, la question ne se pose plus ainsi depuis des lustres. C’est l’ensemble de la discographie du groupe qui assure l’héritage ; le tout avec une belle uniformité. À un solo de Jerry Cantrell près, rien ne distingue Gore de ses prédécesseurs ; ni dans ses qualités, ni dans ses défauts. Ce qui implique que tout est là, que tout perdure, avec une exigence et une envie intacte, faisant de ce huitième disque un album « confortable » dans lequel on retrouve vite ses marques. La routine, mais une belle routine.

bareto-impredecible07. Bareto – La Voz Del Sinchi (Christophe Gauthier)
Extrait de “Impredecible” – 2015 – Chicha
Parce que ça vient du Pérou, que ce n’est pas courant, et que c’est garanti sans pipeau. Parce que ça comment par un jingle façon alerte info sur BFMTV. Parce que ça ressemble à La Colegiala sous acide. Parce que cette guitare trafiquée s’incruste dans le cerveau et refuse d’en sortir, même sous la contrainte. Et parce qu’il n’y a rien de Prince sur Spotify…

cash_unearthed

08. Johnny Cash – Redemption Song (with Joe Strummer) (Marc di Rosa)
Extrait de la rétrospective “Unearthed” – 2003 – folk
C’est une reprise au casting extraordinaire et improbable, mais qui, contre toute attente, tient ses promesses. Peut-être parce que rien n’avait été prévu. Un jour, Joe Strummer, chanteur des Clash, s’est glissé timidement dans le studio d’enregistrement de Rick Rubin, producteur de Jay-Z, Public Enemy et Red Hot Chili Peppers entre autres, afin de voir à l’oeuvre une de ses idoles, Johnny Cash, légende de la country et de la folk américaines. Cette humilité a présidé à la reprise d’un des meilleurs morceaux de Bob Marley (qu’ils admiraient tous deux), Redemption Song. Accompagnés à la guitare acoustique par Tom Morello, guitariste d’Audioslave et de Rage Against the Machine, Johnny Cash et Joe Strummer se partagent d’abord les couplets de cette ode contre la tyrannie, jusqu’à ce que leurs voix s’entremêlent dans le refrain pour invoquer la force rédemptrice de la musique…

unkle_where_did_the_night_fall09. Anna B. Savage – I (Henri Rouillier)
Extrait de “EP” – 2015 – Folk pour grands ados en quête de légende
Vendredi dernier, je suis allé dîner chez Benjamin et Natacha, avec qui je suis ami depuis peu. Nous avons en commun d’écouter beaucoup de musique, à ceci près que chez eux deux, les vinyles occupent un peu plus de deux pans de murs. Benjamin a fait longtemps partie d’un groupe dont il a écrit les chansons, nous en parlons beaucoup. Il me fait découvrir Michelle Shocked, je ne la connaissais pas. Natacha m’explique qu’elle aime ce qui est lourd, voire un peu martial. Le dernier album de Manson tourne sur la platine, je lui suggère “Wasting” de The Soft Moon. Ils m’ont laissé un très beau souvenir lors de leur passage à la Route du Rock l’année dernière. Puis vient l’ivresse et une heure du matin. Nous discutons à bâton rompu de ce qu’est le talent ou la réussite quand on est musicien et je commence à parler d’Anna B. Savage. De la première et dernière fois que je l’ai vue, à Reykjavík. Je m’inquiète auprès de mes amis de ne la voir toujours pas sortir de disque, je me dis peut-être que c’est parce que les quatre morceaux de l’EP sont beaucoup trop intenses pour que risque soit pris de les perdre au milieu d’autres pistes. Benjamin me dit : « Cette fille, c’est Dieu. » Je réponds : « Honnêtement, je pense que c’est une légende. »

Sophia - 15010. Sophia – It’s Easy To Be Lonely (Marc Mineur)
Extrait de “As We Make Our Way (Unknown Harbours)” – 2016 – Folk choral
Robin Proper-Sheppard est tout sauf un auteur prolifique. Aussi, quand il a sorti un morceau il y a deux ans en annonçant un album, on n’y a pas vraiment cru. Mais ce n’était pas grave tant It’s Easy To Be Lonely était percutant, intime, sincère et enlevé. Comme toujours, il lui suffit de quelques phrases bien senties, jamais cryptiques, pour établir une connexion immédiate avec l’auditeur. Ce qui change, c’est qu’un chœur vient appuyer le tout, vient élever le morceau à des altitudes qu’on ne lui attendait pas. L’album est maintenant là, puissant et varié, et se clôture par cette petite perle. La qualité plus que la quantité donc. Pourquoi pas après tout…

15907411. Omar-S – Ah’ Revolution (Poli Grip Gor Partials Nik Mix (Nathan)
Extrait de “The Best!” – 2016 – House ignorante
Grâce à Omar-S, on peut revivre les débuts de la house. Ses sorties sont plutôt confidentielles, difficiles à trouver ou au prix exorbitant. Les productions sont limitées, et les vinyles sont minimalistes (une sleeve blanche, et c’est tout). Plus encore, c’est musicalement qu’Alexander Omar Smith nous replonge dans les débuts de la house. Non pas par nostalgie, mais simplement parce que c’est là qu’il vit, en totale autarcie, sans écouter ce qu’il se fait ailleurs. Ne lui parlez pas de Tidal, Spotify ou Soundcloud. Omar-S publie des images foireuses sur le site de son label FXHE et gère les ventes par email. Omar-S invente la house d’il y a 20 ans chaque jour de 2016. Peut-on encore être aux marges de l’industrie? Omar-S répond oui. Pas pour la posture romantique, mais juste parce qu’il est comme ça et qu’il s’en balance. Ce Ah’ Revolution sonne comme les vieux titres sensuels de Moody, et The Best! comme le Theo Parrish des années 90. Débarrassons de la notion de progrès et de modernité une bonne fois pour toute avec Omar, la sincérité nous sauvera tous.

rhp12. Red House Painters – Song for a blue guitar (Thomas Messias)
Extrait de “Songs for a blue guitar” – 1996 – Sadcore
Une série qui se termine, c’est souvent plus douloureux que lorsque le générique de fin apparaît. Probablement parce qu’on a passé de nombreuses heures avec les mêmes personnages. Encore plus lorsqu’une annulation inattendue et prématurée vient donner à cette fin un gout d’inachevé. C’est ainsi qu’après deux saisons et seize épisodes, Togetherness vient de nous dire adieu, achevée bien trop tôt par HBO. Les frères Duplass – des frangins discrets mais dont vous devriez explorer la filmo – livrent une série sincère, aussi tendre que cruelle, sur ce tournant de la quarantaine au cours duquel il faut dresser un premier bilan et se demander si continuer comme ça est une bonne option ou non. Comme un pendant semi-masculin de Girls et Broad City, Togetherness m’a fait changer en tant que personne et comprendre ce qu’était pour moi une vie réussie. S’affranchir de certaines conventions, dire merde aux cons, faire des caprices de temps en temps. Vivre, quoi. Ce dernier épisode sur fond d’adaptation scénique de Dune et de Red House Painters restera longtemps gravé dans ma mémoire, même si sa toute fin semble clairement avoir été écrite à la hâte après l’annonce de l’annulation de la série par la chaîne.