Mimosas : une affaire de panache
Film présenté le lundi 16 mai 2016 à la Semaine de la Critique du 69ème festival de Cannes.
À chaque action de voir un film, une relation se crée avec les personnages. De la même manière que les rencontres de la vie réelle, on se fait parfois de fausses idées, puis s’apprivoise avant de les aimer ou de les détester. Parfois, on les admire. Parfois, ils nous répugnent. Il y en a même qui nous accompagnent pendant des années, personnages doudous toujours présents pour quelques larmes ou des sourires quand on a besoin d’eux. De ces relations unilatérales ne dépendent que le geste de l’ouverture. C’est à nous d’aller vers eux.
Mimosas est un peu construit de cette manière. La rencontre est brutale, nous renvoie des idées déplaisantes. Et puis le film trouve son rythme, change de forme, resserre son récit. Les personnages, Tarik en tête, prennent un nouveau visage. Et ce qui a des airs de chronique du désert devient un récit épique à mi-chemin entre les exploits des chevaliers de la Table Ronde et les aventures de Don Quichotte.
L’important c’est la quête, le voyage au but fou qui fait grandir humainement au delà des espérances. Dans la quête, les personnalités se révèlent, forts ou faibles, dominés ou dominants. Mimosas est construit de cette manière et, dans sa seconde partie, le trio de personnages brille ou s’effondre avec une violence folle.
La question est donc moins celle de la religion ou du but initial du voyage que celle de se vivre l’aventure et, avec elle, de se confronter à sa nature profonde et de tester son sens de l’honneur. La quête du graal et le transport impossible d’un cadavre dans les montagnes ont en commun d’être des prétextes. Les personnages, eux même, ont conscience dans Mimosas que leur mission est suicidaire. Et alors qu’on les a présentés comme avide d’argent, bêtement pragmatiques, ou un peu là par hasard, ils gagnent avec cette décision leurs galons de personnages héroïques. Ce statut n’empêche pas le doute ou les erreurs. Et il est à distinguer de la folie pure, qui n’a aucun panache.
L’âne, les paysages entre montagne et désert, la poussière et l’humanité profonde des personnages les rapprochent du Perceval des textes originaux. Ils sont naïfs et beaux. Et l’on oublie souvent que les vrais héros ne sont pas ceux qui le sont par nature, sans effort et sans panache. Non. On aime les voir grandir, évoluer et accéder dans la douleur et l’épreuve au statut. En ce sens, Mimosas est une surprise. Une surprise heureuse, diamant brut à l’image de son histoire et des personnages. Humble et honnête, malin parfois, et qui, au final trouve son souffle lyrique et héroïque. De l’âne qui rechigne à avancer, au cheval au galop.
- Rester vertical : l'animal debout par Lucile Bellan
- Personal affairs (Omor shakhsiya) : ballets absurdes par Thomas Messias
- Café society : à la recherche du temps perdu par Henri Le Blanc
- Ma loute : à force de voir, on ne voit plus par Guillaume Augias
- Money Monster : thriller sans fond par Esther Buitekant
- Toni Erdmann : l'insoutenable légèreté de l'être par Lucile Bellan
- Swagger : entre les murs et au-delà par Thomas Messias
- Beyond the mountains and hills (Me'ever laharim vehagvaot) : tous coupables par Thomas Messias
- The Nice Guys : Ryan Gosling, corps burlesque par Alexandre Mathis
- L'Économie du couple : des fissures dans l'édifice par Esther Buitekant
- Mademoiselle : le frottement des corps, étincelle sadique et politique par Henri Le Blanc
- Raman Raghav 2.0. : je est un monstre par Thomas Messias
- Julieta : du rouge, du noir, et quelques autres motifs épars par Alexandre Mathis
- Mimosas : une affaire de panache par Lucile Bellan
- La fille inconnue : la société de la honte par Lucile Bellan
- Wolf and sheep : une fille pour neuf bœufs par Thomas Messias
- Elle : de O à L, quand Verhoeven retrouve son alphabet par Henri Le Blanc
- Tramontane : et retrouver la vue par Thomas Messias
- Personal shopper : spiritisme matéraliste par Henri Le Blanc
- Le Bon Gros Géant : Spielberg, géant en panne de rêve par Esther Buitekant