Depuis toujours, il est acquis que le capital sympathie de Rivers Cuomo découle d’une attitude, d’un style qui ont fait de lui une effigie geek dans laquelle il serait facile de s’identifier. Sachant combien le terme a été ces derniers temps galvaudé par tout une frange des médias, sachant combien je serais bien incapable de réussir là où des heures de débats n’ont pas réussi à retracer le fil de l’évolution sémantique du mot, je préfère rester sur l’idée que l’affection tacite envers le leader de Weezer provient tout simplement de sa franche humanité. « Humanité », non pas prise au sens où Bono l’entendrait, mais bien « Humanité » issue des caractéristiques qui composent l’être : timidité, manque de confiance en soi, sincérité, mal être, intelligence perturbée, démarche non assurée, lunettes qui se laissent voiler par la buée en concert ; autant de choses qui définissent Rivers Cuomo comme un être humain avec lequel on pourrait partager milles choses.
Plus humains que stars, mais plus stars qu’artistes, voilà la tragédie de Weezer. Ecrire des diptyques couplet/refrain dans leur garage, tourner des clips hilarants où il ne s’agit que de se faire plaisir (cf le clip de « (If You’re Wondering If I Want You To) I Want You To »), passer du bon temps entre amis, et au milieu de ça en profiter pour bien gagner sa vie et se répandre sur les ondes américaines, Weezer est on ne peut plus humain et on ne peut définitivement pas leur jeter la pierre. La vraie question est : faut-il encore les écouter ? Entre les groupes qui prétendent « Ne jouer que pour leur plaisir » et ceux qui avouent « composer pour laisser une trace dans l’histoire », j’ai toujours eu une préférence pour l’ambition des seconds.
La platitude de « Raditude » ne surprend pas vraiment. Ce qui surprend c’est de retrouver perdu au détour d’un riff, caché dans une harmonie vocale, dissimulé dans un court pont, le génie de songwriting pop dont faisait preuve le groupe à l’époque. Ainsi pas la peine de s’en cacher « (If You’re Wondering If I Want You To) I Want You To » est empli d’efficacité pop, de la fraîcheur qui a fait les beaux jours du culte Weezer dans les nineties. Techniquement et structurellement ultra balisé, débitant un texte d’une banalité gênante, usant d’un clavier poussiéreux, « I’m Your Daddy » n’est pourtant pas exsangue sur certains micro instants de certaine discrètes piqûres de rappels. « Put Me Back Together » trouverait presque un nouveau souffle en assumant son orientation radiophonique, en s’associant avec The All American Rejects, en se focalisant sur cette efficacité dopée de candeur qui faisait le charme de Weezer. « Let It All Hang Out » possède lui aussi des résidus du glorieux passé, et… et c’est bien là le problème. Avec « Raditude », on ne parle que de résidus, de chansons qui à l’époque auraient à peine servi à faire la jonction entre de brillantes ritournelles pop-punk.
« The Girl Got Hot » est une sorte d’Offspring mid-tempo et votre éventuelle capacité à supporter les huluments du groupe ne sera malheureusement nullement récompensée. « Can’t Stop Partying » ne se contente pas d’être l’une des pires compositions de l’histoire de Weezer, elle se permet en plus d’entraîner dans sa chute le pauvre Lil Wayne qui n’en demandait pas tant, même s’il faut avouer que le rappeur de la Nouvelle Orleans ne tombe pas non plus de bien haut (mais peut être suffisamment pour se fouler la cheville ; les gangstas n’étant pas toujours aussi solides qu’on essaye de nous le faire croire). « Trippin’ Down The Freeway » rappelle combien le groupe ne devrait pas laisser sa naïveté être compromise par des solos de guitares pompiers.
Ne sachant plus où chercher l’inspiration, Weezer en est réduit à introduire des sonorités orientales faisant imploser à elles seules toute cohérence. « Love Is the Answer » déconcerte ainsi par son manque total de tenue. Le genre d’ignominie qu’il ne devrait même pas être permis de publier dans les bonus d’un album posthume. S’ennuyant autant que nous (« In The Mall »), le groupe ne se sent d’ailleurs même plus capable de conclure l’album avec un minimum de décence (cf la balade pour midinette « I Don’t Want To Let You Go »).
Ainsi, Weezer ressort de sa tombe pour vous rappelez à quel point il ne reviendra jamais, à quel point il vous a laissé orphelin, prisonnier d’une nostalgie que « Raditude » essaye seulement de raviver pour vous faire souffrir. Après le « Blue », le « Green » et le « Red », ce nouvel opus semble définitivement être le « Brown Album » et non ce n’est pas un hommage à Primus. Il faut dire qu’avec ses trois précédents albums et sa pochette réalisée sous Paint, les américains avaient un peu annoncé la couleur.
Weezer s’est effondré en 2000 et les plus perspicaces noteront que la date coïncide avec le départ de Matt Sharp et l’arrivée de Scott Shriner à la basse… de là à y voir un lien de cause à effet… je vous laisse seuls juges.
Note : 2,5/10
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