The Get Down (3): Les séries musicales, un genre naufragé
Vinyl, The Get Down: l’inévitable comparaison
La série The Get Down sort alors que la confirmation est tombée que Vinyl n’aura finalement pas de seconde saison. Les deux séries, qui se déroulent quasiment à la même époque à New York, dont le récit parle beaucoup de musique, et sont co-produites par des stars historiques (Mick Jagger pour Vinyl), ont suscité bien des comparaisons.
Comme Pierre Sérisier l’a bien souligné, plusieurs autres séries musicales ont été créées récemment. Pourtant la musique à la télévision a une histoire compliquée, comprenant quelques tentatives et beaucoup d’échecs. Au cinéma, énormément de choses ont été produites : des comédies musicales (dont celles d’Elvis Presley, souvent réussies), des films « à B.O » (Easy rider, Car wash, Judgment night), des chroniques sociales (Saturday Night Fever), des bluettes teenage (Dirty Dancing, Flashdance) ou autre romance musicale (The Last Days of Disco), ainsi que des tonnes de biopics sur le rap (8 Mile, Notorious, Get rich or die tryin’, All eyez on me, NWA: Straight Outta Compton) ou sur d’autres styles musicaux (Ray, Walk the line, Man in the mirror).
À la télévision en revanche, sorti de Fame, on est longtemps resté sur notre faim, surtout pour ce qui concerne le groove et le rap. Pour entendre du funk de qualité, il a fallu un dessin animé inspiré des années disco, Funky Cops. Mais Funky Cops était clairement un produit pour enfants, alors que la bande son très exigeante, sélectionnée par DJ Abdel, s’adressait à une poignée d’adultes connaisseurs. Les séries sont souvent l’endroit où entendre la meilleure musique, comme dans True Detective, l’anecdotique Quantico, ou l’une des meilleures spécialiste en la matière, la larmoyante Grey’s Anatomy dont la BO a souvent été un régal. Si l’on considère que les séries télé sont nées dès le début des années 1950, la quasi absence d’exemples consacrés à la musique est une anomalie qui interroge. On peut se demander si à sa manière Glee (6 saisons sur Fox de 2009 à 2015), série pour ado adorée en secret par les adultes, n’a pas ouvert une porte malgré sa fin précipitée.
Des productions récentes, nombreuses, peu durables
C’est très récemment que les projets musicaux se sont multipliés, dans les années 2010, avec notamment la création de l’ovni Treme, projet de David Simon, l’homme derrière The Wire. Cette floraison actuelle a peut-être été encouragée par le succès d’une autre série, Empire, une soap produite par Timbaland (un producteur phare de la scène rap) sur un label de r’n’b fictif en partie inspiré de Motown. Empire va entamer en 2016 sa 3e saison sur le network Fox. Qu’une série au casting 100% noir fasse un tel carton (5e audience deux ans de suite) sur une chaîne très blanche et républicaine, a envoyé le signal qu’il était possible de transformer une série musicale en succès industriel.
Mais malgré ces signaux favorables et l’implication de différentes stars, Vinyl (HBO, 2015) de Scorcese et Jagger, n’aura finalement pas été prolongée. Pas facile de transformer l’essai, alors que la moindre série policière enquille les saisons avec facilité. Créée en 2012 Nashville (sur ABC, avec Hayden Pannetière) a réussi à durer 4 saisons, mais en végétant en bas de classement des audiences. On attend de voir le contenu de la série de Cameron Crowe sur les Roadies, mais Showtime vient déjà d’annoncer son arrêt après une seule saison, elle aussi.
Au vu de son pilote très réussi sur VH1, on peut espérer que The Breaks, sur le gangsta rap à New York dans les années 90, sera celle qui rompra la malédiction. Car n’oublions pas que si l’insipide Empire est un énorme succès, Treme n’a touché qu’une petite communauté de fans même pour une chaîne du câble (moins de 500 000 spectateurs en moyenne sur HBO), ce qui en fait certes un succès critique, mais un bide en termes d’audiences. Empire tourne entre 15 et 17 millions sur Fox, tandis que Vinyl, considérée comme un échec, oscillait entre 600 et 700 000 – pour comparaison True Detective fait entre 2 et 3 millions et Game of Thrones atteint quasiment les 8 millions (les 3 dernières sont des séries HBO).
Sur le plan musical, The Get Down déçoit un peu. Si s’agissait d’un 33 tours, on espérerait que la face B soit plus cohérente et plus roots que la face A. Mais elle a un autre atout pour durer : son cadre exceptionnel et l’ébouriffante chronique des années maudites de New York. (à suivre)
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