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Pétrole et cinéma de genre : l’odyssée du financement des films ou, qui sponsorise la culture cinématographique ?

Troisième et dernière partie d'une série d'articles qui s'attardent sur la place et la représentation du pétrole, de son industrie et de ses implications dans le cinéma et les séries. Traduits avec grâce et précision par Isabelle Chelley. Vous trouverez la version originale, en anglais, plus bas.

Par Rachel Webb, le 07-12-2016
Cinéma et Séries
Cet article fait partie de la série 'Pétrole et cinéma de genre' composée de 3 articles. Voir le sommaire de la série.

Pour beaucoup d’entre nous qui avons grandi avec les films de Jacques-Yves Cousteau sur les mondes animés sous la surface des océans de la planète, ces images exprimaient autant notre désir d’aventure et de découverte que des vérités scientifiques sur la vie sous-marine. L’Odyssée (2016), récent biopic du capitaine Cousteau de Jérôme Salle, capture ce rêve très humain de savoir ce qui se trouve au-delà de l’horizon. L’Odyssée est à la fois plus et moins qu’un film biographique typique sur le plus célèbre plongeur, explorateur et cinéaste sous-marin français (incarné par Lambert Wilson). Le biopic aborde la vie et l’œuvre de Cousteau à travers ses relations souvent tumultueuses avec son plus jeune fils Philippe (Pierre Niney), qui devint un océanographe et un cinéaste respecté. En suivant la maturation de leurs rapports personnels et professionnels, il retrace aussi l’évolution du capitaine Cousteau, d’aventurier à défenseur de l’environnement, devenant porte-parole du mouvement écologique grandissant et contribuant à la fondation de la Société Cousteau en 1973, association à but non lucratif de protection de la nature.

En adoptant cette approche à la vie de son sujet, L’Odyssée oublie malheureusement les contributions créatives et financières importantes de Simone Melchior Cousteau (Audrey Tautou) – qui était aussi une plongeuse qualifiée – ainsi que la vie de son fils aîné, Jean-Michel (Benjamin Lavernhe) et la femme de Philippe, Janice Cousteau (Chloe Hirschman). Cependant, il transcende ce qui pourrait n’être qu’une histoire d’ambition personnelle, d’exploration et de conquête de l’inconnu. Malgré les tentatives du réalisateur et des scénaristes de transformer le biopic en appel à la protection de l’environnement, la conscience politique naissante des Cousteau ne résume pas complètement l’intrigue. A ma grande surprise, L’Odyssée devient un film sur le cinéma. Plus spécifiquement, il documente les combats des Cousteau au fil des décennies pour obtenir des fonds pour leurs films et leurs expéditions marines et l’influence de ces organismes de financement sur leurs réalisations. L’Odyssée offre une perspective inhabituelle sur le sponsoring de la culture cinématographique – et les intérêts croisés qu’ont le gouvernement, l’industrie et les individus dans sa création.

Dans les profondeurs, dans L’Odyssée

Dans les profondeurs, dans L’Odyssée

L’histoire du cinéma est truffée de films sur le processus de tournage, ce qui est sans doute devenu une sorte de cliché. De L’Homme à la caméra (1929) de Dziga Vertov à Hugo Cabret (2011) de Martin Scorsese, le cinéma regorge de mythes sur sa propre création. En de nombreux points, L’Odyssée s’inscrit dans cette tradition, à la fois en se complaisant dans la quête de Cousteau pour les mers et les littoraux lointains, et en observant ses campagnes pour financer les expéditions de la Calypso, les inventions technologiques telles que la « soucoupe plongeante » et, bien sûr, ses films. Au début de L’Odyssée, le capitaine Cousteau se révèle être un passionné de cinéma, qui s’essaie dans la discipline en tournant des films amateurs avec ses amis. Alors que ses capacités se développent, il contribue à mettre au point plusieurs technologies novatrices pour l’exploration sous-marine, ainsi que pour le cinéma. Une grande partie du film illustre les luttes qui s’ensuivent pour financer ses divers projets et inventions, dont ses voyages à New York pour signer un contrat avec une chaîne de télévision américaine et tourner plusieurs émissions, dont ce qui allait devenir Le Voyage au Bout du Monde (avec Philippe Cousteau et Marshall Flaum, 1976). A la fin du biopic, Philippe et Jacques Cousteau mettent fin à leur dépendance envers l’état et les organismes de financement et se tournent vers les dons des spectateurs – sorte de crowd-funding avant l’heure – pour des projets de plus en plus écologiques, grâce à la Société Cousteau.

La quête de sponsoring du film et de soutien institutionnel pour ces entreprises coûteuses devient, en fait, le second récit structurant de ce biopic. Ainsi, L’Odyssée dépeint l’impact émotionnel de cette constante recherche de financement – et les conséquences sur ses rapports familiaux de la documentation incessante de la vie à bord de la Calypso. Les scènes d’équipes de tournage filmant les activités quotidiennes de l’équipage et la transformation de Cousteau en personnalité médiatique, soulignent l’omniprésence de la caméra ainsi que la nature très construite de ces documentaires. Ces séquences deviennent aussi un index fascinant de notre vie contemporaine, avant-goût des émissions de télé-réalité actuelles qui mêlent de la même façon documentaire et fiction. Plus notablement peut-être, il ouvre la porte à une réflexion sérieuse sur qui (et quels intérêts privés ou gouvernementaux) subventionne la création de la culture et quel est le lien avec les genres cinématographiques en France à l’époque.

A l’inverse des films et des séries abordés dans les deux premiers articles de ma série sur le pétrole et le cinéma de genre, L’Odyssée ne s’étend pas explicitement sur l’extraction pétrolière, le secteur énergétique ou la politique du pétrole dans le cinéma. Mais le film aborde une autre forme de consommation des ressources : celle des océans mondiaux et des formes de vie qui les habitent. De plus, son sujet – la vie et l’œuvre du capitaine Cousteau – était profondément impliqué dans la recherche du gouvernement français de gisements pétroliers dans les décennies suivant la deuxième guerre mondiale et la montée des mouvements écologiques nord-américain et européen qui allaient défier ces industries. En pensant aux multiples empreintes de l’hydrocarbure sur le cinéma, nous ne devons pas seulement considérer la représentation des infrastructures du secteur énergétique. Nous pouvons aussi suivre la trace de l’argent, retrouver quelles institutions ou industries ont aidé à sponsoriser la production cinématographique.

Affiche originale du Monde du Silence

Affiche originale du Monde du Silence

Jacques-Yves Cousteau, l’un des nombreux auteurs à émerger dans la France d’après-guerre, est un parfait exemple du croisement de plusieurs méthodes de financement et de cinématographie à la fin de l’empire français, en particulier le cinéma d’auteur et les films industriels et sur l’exploration. Comme beaucoup de ses contemporains, Cousteau, dans son œuvre, est à cheval sur plusieurs genres et modes de réalisation. Ses trois longs métrages – Le Monde du silence (coréalisé avec Louis Malle, 1956), Le Monde sans soleil (1964) et Le Voyage au Bout du Monde – sont des documentaires et se voient alloués une place importante dans le scénario de L’Odyssée.

Comme le raconte L’Odyssée, la production de ces films est parallèle à la conscience politique grandissante de Cousteau sur le milieu marin et la capacité humain à l’endommager. Ce sont également des exemples du « film d’exploration » qui émergea dans l’entre-deux-guerres en lien avec  le cinéma documentaire et ethnographique et continua à se développer pendant la deuxième guerre mondiale et ensuite. Influencés par l’anthropologie visuelle et d’autres traditions cinématographiques, ces films sur l’exploration mêlaient faits et fictions pour se concentrer sur des paysages inaccessibles et des cultures « exotiques » ou non-occidentales. Le cinéaste et ethnologue français Jean Rouch, par exemple, a travaillé entre ces modes de réalisation, participant au développement du cinéma-vérité avec Chronique d’un été (1960), ainsi qu’à celui d’un docu-fiction quasi-ethnographique comme Les Maîtres fous (1955). Le Monde du silence de Malle et Cousteau est aussi un produit de son temps, imprégné de discours sur l’exploration, la conquête et d’autres mondes exotiques. Dans ce documentaire, la Calypso et son équipage voyagent à travers le golfe Persique, la mer Méditerranée, la mer Rouge et l’océan Indien ; décrivant ses profondeurs et sa vie marine riche, même lorsque le film se délecte du spectacle de la conquête de la nature par l’homme. L’une des scènes les plus choquantes pour les spectateurs contemporains est celle où Cousteau et son équipage massacrent un banc de requins, attirés devant la caméra par la carcasse d’un baleineau, tué aussi (par accident) par ses hommes. De même, une séquence ultérieure dans laquelle l’équipage utilise de la dynamite pour récolter des échantillons d’une portion de récif corallien (l’explosion assomme bon nombre de poissons et détruit en partie le récif) ressemble plus à une chasse coloniale au gibier sauvage qu’à une démarche scientifique. L’Odyssée fait écho à ces passages violents dans deux scènes qui montrent explicitement comment l’équipe transforme les écosystèmes marins en ressource précieuse pour un spectacle médiatique. Dans le premier, Philippe et quelques équipiers attirent des requins (magnifiquement rendus en effets numériques) pour les filmer sous l’eau dans l’un de leurs documentaires. A l’inverse du Monde du silence, les requins ne sont pas chassés, même si une autre séquence montre l’équipage capturer deux otaries à fourrure d’Afrique du Sud dans un objectif « scientifique ». « Pepito » et « Cristobal » deviennent des objets d’attention médiatique et leur mauvais traitement est présenté comme l’un des moments décisifs du virage écologique de Philippe.

[4] Catching seals

Extraction de ressources marines – l’équipage de la Calypso capture des otaries dans une démarche « scientifique »

Si L’Odyssée ne mentionne jamais l’empire colonial français, il saisit cependant la façon dont la production du Monde du silence et du Monde sans soleil était associée aux discours de conquête et d’exploration de cette période. Tout au long du film, Jacques-Yves Cousteau emploie un vocabulaire de domination pour exprimer son désir de plonger et organiser ses expéditions océanographiques, ainsi que dans ses descriptions de ces mondes sous-marins, ultime frontière inexplorée de l’humanité. Compte-tenu de la guerre entre forces coloniales françaises et Front de Libération Nationale (FNL) en Algérie et des luttes tiers-mondistes analogues pour l’indépendance, ces discours sont particulièrement frappants pour un public contemporain. S’ils ne sont jamais montrés à l’écran – comme souvent dans la culture française qui continue à renier ce passé – les heurts coloniaux persistent à l’arrière-plan des interactions de Cousteau avec ces environnements. Le rapport de l’équipage aux écosystèmes marins a des conséquences sur la préservation de l’environnement, mais il est aussi imprégné de culture impériale de la conquête – « la lutte de l’homme contre la nature ». Le Monde du silence et Le Monde sans soleil imaginent sérieusement la colonisation des mers. Ce vocabulaire conquérant se retrouve également dans certains ouvrages accompagnant les films de Cousteau, dont le livre Le Monde sans soleil (co-écrit avec James Dugan), publié en 1964. (Le texte explique que l’habitat sous-marin Précontinent II était un pas vers « la colonisation de l’océan »). En ce sens, établir la suprématie sur les mers prolonge l’attitude impérialiste qui appuya la recherche coloniale de ressources naturelles comme le pétrole, à laquelle Cousteau participa au cours du tournage de certains de ses films.

Photo de la Calypso à Port-Soudan, prise durant la production du Monde sans soleil

Photo de la Calypso à Port-Soudan, prise durant la production du Monde sans soleil

A la différence du traitement des deux premiers longs métrages de Cousteau, L’Odyssée présente Le Voyage au Bout du Monde comme un autre moment critique pour la conscience écologique de Philippe et son père. Alors que l’équipage voyage vers le sud à travers l’Antarctique durant plusieurs mois entre 1975 et 1976, il est étonné de découvrir que des signes de présence humaine ont atteint le dernier continent inhabité. Elle est représentée par des ruines d’anciennes expéditions de chasse à la baleine et des squelettes de ces dernières, éparpillés sur le littoral, au lieu des cétacés en migration. Néanmoins, cette scène peut aussi être interprétée par le spectateur comme une manifestation de plus de tropes de conquête, puisque même dans leur excitation d’explorer l’Antarctique, les personnages ont recours aux discours sur la dernière frontière de la Terre, comme le dit Cousteau. Ainsi, le biopic (et sans doute la véritable expédition filmée pour Le Voyage au Bout du Monde) oscille entre curiosité écologiste et façon impérialiste de considérer la nature. Comme les eaux plus chaudes de la Méditerranée ou du golfe Persique, l’Antarctique est encore représenté comme un lieu de conquête par l’Europe, une ressource à développer et exploiter (par le biais de la chasse à la baleine ou la photographie de nature) et un décor dans lequel des Européens blancs peuvent prendre part à des récits individuels de découverte.

Avant cette pénultième voyage dans l’Antarctique, L’Odyssée prend aussi un virage vers le cosmique. En pleine brouille avec son père, Philippe se rend en Californie avec d’autres plongeurs et sa femme Janice pour filmer des communautés de baleines sur la côte pacifique. Là-bas, Philippe reçoit un exemplaire de Life Magazine avec, en couverture, la photo désormais iconique de la Terre prise depuis l’espace par les membres de la mission Apollo 17 en 1972. La photo de la « bille bleue » a été la première à représenter le globe dans sa totalité, inspirant de nouvelles façons d’imaginer la Terre en tant qu’écosystème unique et la place que nous y occupons. L’image a été largement diffusée dans les médias populaires et contre-culturels dans les années 1970, devenant un symbole d’activisme écologique de cette période. Compte-tenu de sa portée culturelle, la photo de la bille bleue nous fait nous pencher sur les opinions politiques que Philippe développe, tout en nous ramenant au thème de l’exploration qui parcourt le biopic. Cette image de « l’ultime frontière » nous rappelle la motivation des personnages de voir le monde et le passage du temps (et le changement de valeurs scientifiques) depuis que le capitaine Cousteau a commencé ses expérimentations avec la photographie sous-marine. Alors que les Cousteau continuaient à repousser les limites de l’exploration des mers et de la production d’images dans le film, la course à l’espace américano-soviétique se popularisait et la recherche scientifique se détournait de l’eau au profit du système solaire – menaçant potentiellement de les laisser de côté.

La bille bleue, ou l’espace, l’ultime frontière

La bille bleue, ou l’espace, l’ultime frontière

L’enchevêtrement d’exploration, de conquête et de sponsoring de film devient aussi visible en lien avec le financement de certaines œuvres de Cousteau par l’industrie pétrolière française durant les années 1950 et le début de la décennie suivante. Comme je l’ai mentionné dans mes précédents articles, la dépendance accrue  au pétrole dans la société au 20e siècle a résulté en une demande accélérée de ressources inexploitées d’énergie fossile après la deuxième guerre mondiale. L’Odyssée fait indirectement référence à cette course pour découvrir des gisements de pétrole et de gaz naturel – en particulier dans l’océan – en relation avec l’inlassable recherche de Cousteau de financement pour ses films. Dans une séquence clé, Cousteau rencontre un représentant de l’Institut Français du Pétrole. Un planisphère, sur lequel un fonctionnaire désigne des sites potentiels pour l’exploration pétrolière, est bien en vue sur le mur. Cette représentation cartographique fait écho à une scène précédente où l’imagination de Cousteau est éveillée par le globe de son jeune fils. Comme la carte du pétrole, cet objet révèle sa soif de découverte, mais attire aussi l’attention sur l’augmentation mondiale de réseaux de pouvoir industriels et (néo)coloniaux. Les similarités visuelles entre ce globe et la photo de la bille bleue sur la couverture de Life Magazine plus tard dans le film n’ont sûrement rien d’une coïncidence.

Cousteau tient les océans du monde (et leurs ressources inexploitées) entre ses mains

Cousteau tient les océans du monde (et leurs ressources inexploitées) entre ses mains

L’accord passé entre Cousteau et l’Institut Français du Pétrole pour financer les prochains voyages de la Calypso avec des contrats de plongée pour identifier de potentiels gisements pétroliers refait surface plus tard dans L’Odyssée, lorsqu’à bord d’un hélicoptère avec un journaliste, il montre plusieurs plateformes offshore érigées au milieu de la mer, mentionnant qu’il a contribué à leur découverte. Il remarque, mélancolique, que s’il n’avait reçu qu’un petit pourcentage des revenus pétroliers, il serait un riche. En réalité, Cousteau et son équipe étaient embauchés par British Petroleum et le consortium pétrolier français pour chercher des gisements dans le golfe Persique. A travers son travail, ses films – surtout Le Monde sans soleil, en partie financé par les intérêts pétroliers français – se sont retrouvés mêlés dans ces intérêts rivaux. Ces contrats ont permis de financer la production de ses films et de couvrir les dépenses liées aux voyages de la Calypso (avec les royalties de l’invention de l’Aqua-Lung). Si L’Odyssée ne va jamais jusqu’à la nommer, sa représentation de l’épopée de Cousteau pour financer ses films dépeint clairement la dispersion entre les genres cinématographiques ; entre cinéma d’auteur et films industriels payés par des intérêts privés et gouvernementaux.

D’autres traces de l’industrie pétrolière font surface au cours du film, mais indirectement. Alors que son malaise grandit face au traitement des océans et de leurs habitants par son père, Philippe aperçoit un équipier de la Calypso vider une poubelle dans la mer. Ce geste (sans doute répété à multiples reprises au cours d’un voyage) attire l’œil de Philippe qui remarque les bidons en plastique et autres déchets non-compostables au milieu des restes de nourriture. Ce moment est bien sûr conçu pour réaffirmer l’éveil écologique de Philippe. Cependant, il représente aussi l’omniprésence du plastique dans la période d’après-guerre. Ce n’est pas surprenant si les années 1950-1960 ont été qualifiées d’âge du plastique, un produit qui a révolutionné la culture de la consommation et est dérivé du pétrole. L’explosion du développement des plateformes offshores dans l’après-guerre à laquelle l’équipe de Cousteau a participé dans le cadre de son contrat de sponsoring, revient hanter le père, le fils et les mers à travers ces déchets. Le monde est en réalité un circuit écologique unique, ainsi qu’ont commencé à l’affirmer les environnementalistes, nous informe L’Odyssée, créant des conséquences inattendues pour les activités humaines, dont certaines aussi ambitieuses que l’exploration des océans et la photographie sous-marine. La conquête impériale, la recherche industrielle de ressources naturelles et la production cinématographique se retrouvent étroitement mêlées dans ce biopic, même s’il a des difficultés à les nommer.

A l’instar du blockbuster hollywoodien récent, Deepwater (2016) et des productions norvégiennes comme la série Okkupert (2013) – sujets d’autres articles dans cette série sur le pétrole et le film de genre – L’Odyssée témoigne de l’omniprésence de l’hydrocarbure et de ses produits dérivés dans la culture contemporaine. Bien qu’assez peu représenté dans les médias de divertissement grand public, le pétrole fait partie intégrante de notre façon de vivre aujourd’hui : structurant tout, de la géopolitique et du comportement des consommateurs aux économies régionale et globale. Comme le montre ce biopic de Jacques-Yves Cousteau, l’industrie pétrolière participe aussi activement à l’élaboration d’une culture, par le biais du financement autant que de la représentation. Pourtant, l’accessibilité du pétrole ne se traduit pas nécessairement par une estimation critique de sa place historique dans notre culture, notre gouvernement et nos systèmes économiques. De même, une société sans pétrole est rarement envisagée ou imaginée dans le cinéma grand public. C’est exactement ce rôle que joue le divertissement populaire, moyen de s’évader et d’imaginer d’autres mondes, ce qui en fait aussi le lieu idéal pour revoir la place centrale du pétrole et notre destination dans le futur.

Oil and Genre: Part 3
The Odyssey for Film Funding: or, Who Sponsors Film Culture?

The Final Frontier in L'Odyssée

The Final Frontier in L’Odyssée

For many of us who grew up with Jacques-Yves Cousteau’s films about the vibrant worlds lying beneath the surface of our planet’s oceans, these images expressed our desire for adventure and discovery as much as they did scientific truths about marine life. Jérôme Salle’s recent biopic of Captain Cousteau, L’Odyssée (The Odyssey, 2016), captures this deeply human longing for what lies beyond the horizon. L’Odyssée is both more—and less—than a typical biographical film about France’s most famous diver, explorer, and underwater filmmaker (performed by Lambert Wilson). The biopic frames Cousteau’s life and work through his often-tumultuous relationship with his younger son Philippe (Pierre Niney), who became a respected oceanographer and filmmaker in his own right. In following the maturation of their personal and professional relationship, the film also traces Captain Cousteau’s personal evolution from adventurer to conservationist, as he becomes a spokesperson for the growing environmentalist movement and helps found the Jacques Cousteau Society in 1973, a non-profit environmentalist organization.

In taking this approach to its subject’s life, L’Odyssée unfortunately displaces the important creative and financial contributions of Simone Melchior Cousteau (Audrey Tautou)—who was herself a skilled diver—as well as the lives of their elder son Jean-Michel (Benjamin Lavernhe), and Philippe’s wife Janice Cousteau (Chloe Hirschman). At the same time, it also transcends what could otherwise be a story of personal ambition, exploration, and conquest of the unknown. Despite the director and writers’ attempts to turn the biopic into a call for environmentalism, the emerging political consciousness of the Cousteau men does not fully encapsulate the plot. Much to my surprise, L’Odyssée becomes a film about filmmaking. More specifically, it documents the Cousteaus’ struggles over the decades to secure funding for their films and marine expeditions, and the influences that these funding bodies have on the final products they produced. L’Odyssée offers an unusual perspective on the sponsorship of film culture—and the intersecting interests that government, industry, and individuals have in its creation.

Dans les profondeurs, dans L’Odyssée

Into the depths, in L’Odyssée

Film history is littered with movies about the process of making movies, and arguably it has become it’s own sort of cliché. From Dziga Vertov’s Man with a Movie Camera (1929) to Hugo (dir. Martin Scorsese, 2011), cinema is rife with myths about its own creation. L’Odyssée, in many ways, follows this tradition by not only indulging Cousteau’s quest for remote seas and shorelines, but also observing his campaigns to secure financial backing for the Calypso’s expeditions, technological inventions such as the underwater “diving saucer” habitat and, of course, his films. At the beginning of L’Odyssée, Captain Cousteau is revealed to be a film enthusiast, who experiments with the medium by making home movies with several of his friends. As his skills develop, he helps to develop several innovative technologies to enable not only underwater exploration—but filmmaking as well. Much of the film follows his ensuing struggles to secure financial support for his various projects and inventions, including his travels to New York City to close a contract with an American television network to shoot several television programs, including the footage which would become Le Voyage au Bout du Monde (with Philippe Cousteau and Marshall Flaum, 1976). By the film’s conclusion, Philippe and Jacques Cousteau finally cut their dependence upon state and corporate funding bodies, and turn to donations from regular viewers for their increasingly environmentally-minded projects through the Jacques Cousteau Society, in a sort of early version of crowd-funding.

The quest for film sponsorship and institutional support for these costly endeavours in effect becomes the second structuring narrative of this biopic. In doing so, L’Odyssée depicts the emotional impacts on this constant search for funding—as well as the consequences of the incessant documentation of life aboard the Calypso on his family relationships. Scenes of camera crews filming the crew’s daily activities, and Cousteau’s savvy transformation into a media persona, highlight the camera’s pervasiveness as well as the highly constructed nature of these documentaries. These scenes also become a fascinating index of our own contemporary moment, as a foretaste of today’s reality TV shows which similarly mix documentary and fiction. Perhaps most significantly, it opens the door to a more serious consideration of who (and what corporate or governmental interests) subsidizes the creation of culture, and how this relates to genres of filmmaking in France at the time.

Unlike the films and television shows I discuss in the first two articles in my series on oil and genre film, L’Odyssée does not dwell explicitly on oil extraction, energy industries, or the politics of oil in cinema. But the film does address another form of resource consumption: that of the world’s oceans and the life forms that inhabit it. Moreover, its subject matter—the life and work of Captain Cousteau—was deeply involved in both the French government’s exploration for oil reserves in the decades following World War II and the rise of North American and European environmentalist movements which would challenge these very same industries. In thinking about oil’s multiple imprints on cinema, we don’t need to look only to representations of energy and oil infrastructures. We can also follow the money, to trace which institutions or industries help sponsor film production.

[3] Le Monde du Silence

Original poster for Le Monde du Silence

As one of the many auteurs to emerge in postwar France, Jacques-Yves Cousteau is a perfect example of the intersection of several methods of film sponsorship and filmmaking at the end of French empire, particularly auteur cinema, industrial films, and films about exploration. Like many of his contemporaries, Cousteau’s work straddles a number of genres and modes of filmmaking. His three feature-length films—Le Monde du silence (co-directed with Louis Malle, 1956), Le Monde sans soleil (1964), and Le Voyage au Bout du Monde—are all documentaries, and awarded a prominent place within the narrative of L’Odyssée.

As L’Odyssée recounts, the production of these films parallel Cousteau’s developing political consciousness about ocean environments and people’s abilities to detrimentally alter them. Each of these films are also examples of the “exploration film” genre, which emerged during the interwar period in connection to documentary and ethnographic cinema, and continued to thrive during WWII and afterwards. Influenced by visual anthropology as well as by other cinematic traditions, these films about exploration blended fact and fiction to focus on inaccessible landscapes and “exotic” or non-Western cultures. French ethnographic filmmaker Jean Rouch, for example, worked between these modes of filmmaking, participating in the development of cinéma-vérité with Chronique d’un été (1960) as well as quasi-ethnographic docu-drama like Les Maîtres fous (1955). Malle and Cousteau’s Le Monde du silence is equally a product of its time, steeped in discourses of exploration, exotic other worlds, and conquest. In this documentary, the Calypso and its crew travel across the Persian Gulf, the Mediterranean Sea, the Red Sea, and the Indian Ocean; documenting its depths and vibrant marine life, even as the film revels in the spectacle of human conquest of nature. One of the film’s most shocking scenes for contemporary viewers are those in which Cousteau and his crew slaughter a swarm of sharks lured in front of the rolling camera with the carcass of a baby whale, similarly killed (albeit accidently) by the crew. Likewise, a later sequence in which the crew uses dynamite to collect scientific samples from a portion of a coral reef (the explosion stuns a number of fish, and correspondingly destroys part of the reef) has more in common with colonial wild game hunts than scientific inquiry. L’Odyssée echoes these sequences of violence in two scenes which explicitly depict how the crew transform marine ecosystems into a valuable resource for media spectacle. In the first, Philippe and several other crewmen lure a school of sharks (rendered, gloriously, in CGI) to film them underwater for one of their documentaries. Unlike in Le Monde du silence, the sharks themselves are not hunted, although a later sequence depicts the crew’s capture of two Cape Fur seals for “scientific” purposes. “Pepito” and “Cristobal” become objects of media attention, and their mistreatment is cast as one of the turning points in Philippe’s ecological thinking.

[4] Catching seals

Marine resource extraction – the crew of the Calypso captures seals for “scientific” inquiry

Although L’Odyssée never mentions France’s colonial empire, it nevertheless captures the way in which the productions of Le Monde du silence and Le Monde sans soleil were implicated in French discourses of conquest and exploration of this period. Throughout L’Odyssée, Jacques-Yves Cousteau uses a language of conquest to describe his own desire to dive and launch his oceanographic expeditions, as well as in his descriptions of these undersea worlds as humanity’s last unexplored frontier. Given the war between the French colonial forces and the National Liberation Front (FLN) in Algeria, and the corresponding anti-colonial, Third Worldist struggles for independence emerging across the colonial world, these discourses are particularly striking to a contemporary audience. While never depicted onscreen—like in so much of French culture which continues to disavow its colonial history—the presence of these colonial encounters lingers in the background of Cousteau’s interactions with these environments. The crew’s relationships with marine ecosystems not only has implications for environmental conservation; they are also mixed up in the imperial culture of conquest—“man’s struggle against nature.” Both Le Monde du silence and Le Monde sans soleil actively imagine the colonization of the seas. Moreover, this language of conquest repeats itself in some of the published work surrounding Cousteau’s films, including the companion book to Le Monde sans soleil (edited by James Dugan), published in 1964. (The text explains that the underwater habitat Continental Shelf Station Two was a step towards ‘colonizing the ocean’.) In this sense, establishing supremacy over the oceans is a continuation of imperial attitudes that reinforced colonial exploration for natural resources like oil, which Cousteau in fact participated in through the course of shooting some of his films.

Photo de la Calypso à Port-Soudan, prise durant la production du Monde sans soleil

Photo of the Calypso at Port Sudan, taken during the production of Le Monde sans soleil

In contrast to the treatment of Cousteau’s first two feature-length films, L’Odyssée presents Le Voyage au Bout du Monde as another watershed moment for Philippe and Cousteau’s environmentalist consciousness. As the crew travels south across through the Antarctic for several months between 1975 and 1976, they are surprised to discover that signs of humanity’s presence has even reached the last, uninhabited continent. This presence is represented by the ruins of past whale hunting expeditions, and the replacement of migrating herds of whales with skeletons of dead ones strewn along the shorelines. Nevertheless, this scene can also be read by the viewer as another manifestation of conquest tropes, since even in their excitement to explore Antarctica, the characters still turn to discourses around Earth’s final frontier, as Cousteau describes it. In doing so, the biopic (and arguably the real-life expedition which was filmed to make Le Voyage au Bout du Monde) slips between environmentalist curiosity and imperialist ways of viewing the natural world. Like the warmer waters of the Mediterranean or the Persian Gulf, Antarctica is still rendered as a site of European conquest, a resource to develop and profit from (whether through whale hunting or wildlife photography), and a background onto which white European men can participate in individual narratives of discovery.

Prior to this penultimate voyage to the Antarctic, L’Odyssée likewise makes a turn towards the cosmic. Amidst Philippe’s estrangement from his father, he goes to California with several fellow divers and his wife Janice to document whale communities along the Pacific coast. While there, Philippe receives a copy of Life Magazine bearing the now iconic image of the Earth taken from space by members of the Apollo 17 mission in 1972. The “Blue Marble” photograph was the first to depict the entire globe in its entirety, inspiring new ways to imagine the Earth as a single environmental system and our own place within it. The image was widely circulated through popular media and counter-cultural media in the 1970s, and became a symbol of environmental activism for the period. Given the cultural significance of the Blue Marble photograph, this image pivots us towards Philippe’s developing politics, yet it also brings us back to the theme of exploration running through the biopic. Such an image of humanity’s ‘final frontier’ reminds us of the characters’ motivation to see the world, and of the passage of time (and changing scientific values) since Captain Cousteau first began his experiments with underwater photography. Even as the Cousteaus continue to push the boundaries of underwater exploration and image production in the film, the American-Soviet space race was turning popular and scientific inquiry away from the aquatic outwards towards the solar system—potentially threatening to leave the Cousteaus behind.

La bille bleue, ou l’espace, l’ultime frontière

The Blue Marble, or space as the final frontier

The entanglements of exploration, conquest, and film sponsorship also become visible in relation to the financing of some of Cousteau’s work by the French petroleum industry during the 1950s and early 1960s. As mentioned in my previous articles, societies’ increased dependence upon oil in the twentieth century resulted in an accelerated demand for untapped sources of fossil fuels after World War II. L’Odyssée obliquely references this race to identify oil and natural gas reserves—especially in the ocean—in relation to Cousteau’s unremitting search for film funding. In one key sequence, Cousteau meets with a representative from the . Prominently displayed on the wall of the institute is a large world map, on which an official points to potential sites for oil exploration. This cartographic rendering of the world echoes a previous scene in which Cousteau’s imagination is sparked by his young sons’ globe. Like the petroleum map, the globe reveals his thirst for discovery but also points to the increasingly global expansion of industrial and (neo)colonial networks of power. The visual similarities between this globe and the Blue Marble photograph on the cover of Life Magazine later in the film are, surely, no coincidence.

Cousteau tient les océans du monde (et leurs ressources inexploitées) entre ses mains

Cousteau cradles the world’s oceans (and its untapped resources) in his hands

Cousteau’s agreement with the French petroleum board to subsidize the Calypso’s upcoming voyages with diving contracts to identify potential offshore oil reserves resurfaces later in L’Odyssée when Cousteau—while aboard a helicopter with a journalist—points our several offshore oil platforms erected in the middle of the sea, mentioning that he helped discover them. Wistful, he remarks that if he had received even a small percentage of the oil revenues he’d be a wealthy man. In fact, Cousteau and his team were actually hired by British Petroleum and the French petroleum consortium to search for oil in the Persian Gulf. Through this work, his films—and specifically Le Monde sans soleil, which was partially supported by French petroleum interests—become wrapped up in competing oil interests. These contracts helped subsidize the production of his films, and cover the expenses related to Calypso’s voyages (along with royalties from the invention of the Aqua Lung). While L’Odyssée never goes far enough to name it as such, its representation of Cousteau’s odyssey for film funding clearly depicts the dissipation between genres of filmmaking; between auteur cinema and industrial films paid for by corporate and government interests.

Other traces of the oil industry surface throughout the film, though always in oblique ways. Amidst Philippe’s growing unease at his father’s treatment of the oceans and its animal inhabitants, Philippe spies one of the Calypso’s crewmen empty a can of garbage overboard into the sea. This gesture (probably repeated numerous times over the course of a voyage) catches Philippe’s eye when he notices plastic jugs and other non-compostable litter in and amongst the food scraps. This moment is of course designed to reiterate Philippe’s environmentalist awakening. However, it also represents the ubiquity of plastics in the postwar era. It is no surprise that the 1950s and 1960s became known as the era of plastics, a product that not only revolutionized consumer culture but is also itself a petroleum by-product. The postwar boom of offshore oil developments which Cousteau’s team participated in as part of their sponsorship deal, comes back to haunt son, father, and seas through such plastic waste. The world is in fact a single ecological circuit as environmentalists began to claim, L’Odyssée informs us, creating unexpected consequences for human activities; including those as far reaching as marine exploration and underwater photography. Imperial conquest, industrial exploration for natural resources, and film production become entangled in this biopic, even though it has difficulty naming them.

Like the recent Hollywood blockbuster Deepwater Horizon (2016) and Norwegian productions like the television series Okkupert (2013)—both subjects of other articles in this series on oil and genre film—L’Odyssée testifies to the omnipresence of petroleum and its by-products in contemporary culture. While not often depicted in mainstream entertainment media, oil nevertheless is an integral part of how we live today: structuring everything from geopolitics and consumer behaviours, to regional and global economies. As this biopic of Jacques-Yves Cousteau shows, oil industries also actively participant in the manufacturing of culture through financial sponsorship as much as representation. Yet oil’s perviousness does not necessarily translate into a critical reckoning with the resource’s historical place within our culture, government, and economic systems. Likewise, a society without oil is rarely contemplated or imagined in mainstream cinema. It’s exactly this role that popular entertainment plays as a means to escape and imagine other worlds that also makes it the ideal place to re-examine oil’s centrality, and where we might go in the future.