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J’ai toujours éprouvé un certain inintérêt pour ces expositions retraçant la vie d’une personnalité. Je me souviens ainsi m’être passablement ennuyé à l’exposition Patti Smith à La Fondation Cartier et avoir poussé le vice jusqu’à esquiver les rétrospectives Jimmy Hendrix et Gainsbourg. Car dans l’idée il faut bien l’avouer, quand je vois des gens se pâmer devant un carnet de note de Patti Smith enfermé sous verre, et que je lis sur leurs lèvres des moments magiques comme « Tu te rends compte, elle avait un carnet de notes, c’était tout de même une grande artiste ! », l’envie de m’enfuir et de vivre à la campagne d’Internet et d’eau fraîche se fait des plus pressantes.

De ce fait, l’annonce du big event de l’année à savoir l’exposition « We Want Miles » ne m’avait pas fait bander plus que ça. Ecouter sur une borne et dans le bruit des disques que j’ai déjà chez moi ? Admirer des vêtements en me frottant les yeux ? Dire à ma copine imaginaire « C’est dingue, tu t’imagines que ce bout de tissu a été porté sur scène par le maître » ? Contempler des instruments comme devant une vitrine Yamaha ? Jouer des coudes pour me positionner devant une vidéo qui tourne depuis 10 ans sur YouTube ? Me prosterner devant un contrat signé de la main de Miles ? Lire une biographie dans des conditions bien moins optimales que sur Wikipedia ou que sur le bouquin de l’expo ? Non sérieusement qu’est ce que pouvais bien aller foutre là bas ?

Mais bon comment tourner le dos à Miles Davis ? Parce qu’au final c’est quand même bien du « jazz face à sa légende » dont il s’agit. De ce fait jeudi soir, après m’être difficilement frayé un chemin au milieu de la masse des invités, après avoir du supporter des conneries du genre « C’est un scandale, on est invité à un vernissage et on doit faire la queue ! Autant faire l’exposition avec le quidam moyen, si c’est ça ! » ou encore « Comment c’est un vernissage, et il n’y a même pas de champagne ? » (bon ok, j’avoue, la deuxième remarque débile était peut-être de moi), je suis entré dans le temple, dans un espace qui dès ses premiers mètres vous coupe du temps.

« We Want Miles » est divisé en deux parties : le rez-de-chaussée, arborant une ambiance noir et blanc des plus sobres et des plus classieuse, retrace le parcours, la formation, les rencontres, les expérimentations, les révolutions, l’ambivalence et la construction du mythe ; tandis que le sous-sol, plus coloré, plus clinquant, se focalise sur la star mondiale, sur l’ascension fulgurante de Miles Davis en tant qu’icône planétaire. Le diptyque est du meilleur effet car bien que lié à des notions temporelles, il permet de mettre en exergue les deux personnalités du plus grand trompettiste du monde.

L’autre force de l’exposition provient sans nul doute de sa monstruosité en terme de contenu et de sa capacité à capter l’attention du néophyte tout en ayant des choses à faire découvrir au passionné. Quelque soit votre rapport à Miles Davis, il y aura forcément quelque chose pour vous ici. Quand je parle de monstruosité, je parle également de l’impact de la mise en scène, des moyens déployés. Qu’il s’agisse des plug & play qui permettent d’écouter sur des bornes musiques et interview, ou des mini-pièces se focalisant sur un album, sur une époque, tout ici sans la démesure et la volonté d’exhaustivité. C’est très simple en 1h30, j’ai l’impression d’avoir à peine survoler l’espace.

Du coup on passe son temps à jubiler bêtement, comme un gosse dans un magasin de jouet, époustouflé par ce champ des possibles qui semble alors infini et qui a pourtant connut une limite en 1991. On est content d’apprendre que Miles était diplômé de l’école dentaire, on se délecte des photos, de la présence de Dizzee Gillepsie, de Charlie Parker, on se contorsionne en clignant des yeux devant ce qui n’est au fond que de simples partitions, on s’amuse de découvrir comment Jeanne Moreau est devenu sourde, on reste bloqué sur ce concert d’orchestre projeté au sol, on découvre avec curiosité l’approche globale de l’artiste avec ses huiles et peintures sur bois, et surtout on écoute en boucle « Someday my prince will come », la dernière collaboration avec Coltrane.

Alors oui, à titre personnel, j’aurais aimé que Marcus Miller ait été plus mis en avant et que les textes illustrant les salles aient été écrit avec plus de rigueur (était-ce bien raisonnable de se laisser aller à des jeux de mots comme : Miles « Devisse » et cesse de se produire en 1974 ?), mais globalement, l’approche est si abrasive, si totale, qu’il faudrait être fort de mauvaise foi pour ne voir dans ce « We Want Miles » qu’un « Fan de » à grande échelle.

Note : 8/10

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