J’aurais vécu avec Air une belle histoire d’amour et quand je dis « restons amis » ce ne sont pas des paroles en l’air. Je ne veux pas vivre dans la rancœur. Ni elle, ni moi, n’avons vraiment changé, nous nous sommes juste peut être un peu lassé. C’est humain de se lasser, je ne lui en veux, pas ; j’espère que ce sera réciproque. Non je ne veux pas vivre dans la rancœur.
Si les albums sont des années, il faut concéder que les deux premiers cycles de notre relation furent marqués du sceau de la passion, non pas une passion ravageuse et destructive, non quelque chose de sain et de paisible. A la sortie de « Talkie Walkie », je la connaissais si bien que j’éprouvais une certaine fierté à débusquer sous ses airs de faux semblants le moindre de ses tics, le moindre de ses réflexes automatiques. J’aimais ses défauts, je me délectais de ses maladresses. Comment les choses peuvent-elles se détériorer si vite ? Comment est-ce possible ? Personne n’aura jamais de réponse à une telle question mais à la sortie de « Pocket Symphony », je commençai à douter. 4 ans que nous étions ensemble, il allait bientôt falloir passer à l’étape supérieure. Et au moment où elle aurait du tout donner pour notre amour, que nous aurions du nous convaincre mutuellement de franchir le pas, voilà qu’elle se montrait paresseuse et détachée. Elle ne faisait plus d’effort pour me plaire et sur certaines chansons ne se maquillait même plus. Les soirées en tête à tête avaient laissé la place à des sorties mondaines avec ses amis de la fac qui avaient plutôt mal vieillis. Un jour c’était brunch avec Jarvis Cocker, un geek binoclard qui avait plutôt mauvais goûts, d’autre fois c’était l’opéra avec Neil Hannon, un type un peu précieux dont les traits me rappelait David Guetta.
Aujourd’hui, elle ne me parle plus, mais le soir quand je dors, elle me susurre à l’oreille « Love », mais même dans mon sommeil je sais qu’elle me ment, qu’elle n’y croit plus. Sa voix n’est pas naturelle, on dirait une androïde qui répète machinalement un discours appris par cœur (« Do The Joy »). Elle a beau essayé de s’auto-persuader en reproduisant les chaudes lignes du passé (« Missing the light of the day »), personne n’est dupe.
Parfois je vais la chercher à la sortie du travail. Elle me raconte sa journée, j’essaye de lui prêter attention mais mon esprit divague sans cesse attirer par d’autres sonorités. Avant je culpabilisais, mais aujourd’hui je réalise combien c’est elle qui est devenue ennuyeuse, chiante à mourir (« Sing, Sang, Sung »). Ses journées répétitives (« Africa Velvet »), ses relations superficielles avec ses collègues de travail (« You can tell it to everybody »), tout cela m’exaspère.
Je sais que tout est fini, mais je me tais, je l’observe, j’attends qu’elle me parle.
Cependant rien n’est si simple, l’amour est tenace et s’accroche à la nostalgie ou à des détails. Je la contemple le matin lorsqu’elle sort nue de la douche, une serviette enroulée autour de ses cheveux, je la trouve encore belle et désirable (« So light is her footfall »). Elle dégage toujours cette fraîcheur spatiale. Et dans la journée il me suffit de sentir son parfum pour que des milliers de souvenirs refassent surface me plongeant alors dans des tourments les plus psychédéliques (« Be A Bee »).
Je pensais toujours que notre rupture nécessiterait de milliers d’explications et pourtant il n’aura fallu qu’un échange de regard. Ce matin, quand elle est sorti du dressing, j’ai remarqué à quel point elle était inhabituellement coquette (« Tropical Disease »). Nos champs de visions ne se sont croisés qu’un instant : je savais que ce n’était pas pour moi qu’elle s’était fait si belle, et elle savait que je savais. Le soir, elle n’est pas rentrée.
Quelques mois après notre séparation, j’ai reçu une lettre de sa part. La page était blanche juste très légèrement noircit par cinq caractères : « Love 2 ». Que voulait-elle dire ? Que j’étais son premier amour mais qu’elle était passée à autre chose ? Où alors ce « 2 » devait-il se lire phonétiquement : « Love too » ? Souhaitait-elle me signifier que malgré les moments de doutes nous nous aimerions toujours ? Je ne sais pas. La vie nous sépare parfois mais je ne juge personne, c’est juste ainsi. Ma porte n’est pas fermée et je serais toujours là si un jour elle a besoin de moi ; mon statut aura juste quelque peu changé. Non, définitivement je ne veux pas vivre dans la rancœur.
Note : 5/10