Une des principales caractéristiques des Révolutions de Mad Men est de décrire combien la série évolue au fil de ses sept saisons – et des dix années que parcourent les personnages entre le premier épisode (situé en mars 1960) et le dernier (qui se déroule fin 1970). De ce fait, j’ai choisi d’illustrer ici, par des photographies chronologiques, la teneur de tous les changements visuels, narratifs ou sociétaux exposés par Mad Men. L’idée étant aussi de mettre en avant certains des épisodes les plus cités dans le livre (et que les lecteurs les plus attentifs reconnaîtront aisément).
Saison 1
Saison 2
Saison 3
Saison 4
Saison 5
Saison 6
Saison 7
Fêtes ratées et mise à mal du collectif
En bonus également, un court chapitre, finalement absent de la version finale du livre, qui évoquait le thème des fêtes ratées de Mad Men.
Prise dans les vagues d’une histoire agitée, la communauté de personnages de Mad Men a bien du mal à faire éclore sens du partage et élaboration d’intérêts communs. Poussée dans ses retranchements tout au long de la série, la collectivité est par exemple mise en crise lors de nombreuses fêtes ratées – ou pour le moins décevantes. À la fin de la première saison, Don Draper rentre ainsi chez lui après sa brillante présentation du projecteur de diapositives Carousel et il se met à rêver qu’il retrouve femme et enfants pour un Thanksgiving reproduisant la convivialité familiale décrite dans son exposé publicitaire; las, Betty, Sally et Bob sont déjà partis passer le week-end chez la belle-famille et le retour au réel laisse Don entièrement seul au bas des escaliers de sa maison. Le triste mariage de Margaret Sterling (qui a le malheur d’avoir été programmé le lendemain de l’assassinat de JFK, à un moment où les Américains préfèrent rester devant leur télévision) ou encore la pesante fête de Noël 1964 dans les bureaux de SCDP, où l’invité vedette Lee Garner Jr. ne cesse d’humilier Roger – draguant son épouse Jane et le forçant à se déguiser en père Noël – pour montrer à quel point la survie de l’agence dépend de Lucky Strike, virent également au fiasco.
Même constat d’échec pour l’anniversaire-surprise de Don, organisé par Megan au début de la cinquième saison : le publicitaire exprime son irritation une fois les invités partis et critique durement l’initiative de sa jeune épouse, à qui il reproche de s’être donnée en spectacle en chantant langoureusement la chanson « Zou Bisou Bisou » face à une assistance lubrique et moqueuse; la dispute conjugale atteindra son apogée deux jours plus tard dans une séquence où Megan nettoie en sous-vêtements l’appartement dévasté par la fête et finit par pleurer après une lutte avec Don qui a envoyé les deux époux au sol.
Cette succession de célébrations gâchées contribue longtemps dans la série à dresser le perturbant portrait d’un collectif qui s’effrite et semble enfermer chacun dans un solitude forcenée. Une des illustrations les plus puissantes de cet éclatement intervient dans le septième épisode de la cinquième saison, « At the Codfish Ball » : invitée à un luxueux dîner de bienfaisance de la Ligue anti-cancer – qui récompense Don pour sa décision de ne plus travailler au service de l’industrie du tabac, – Sally se sent pour la première fois conviée dans le monde des adultes et arbore une robe qui lui donne l’impression d’être une princesse. La soirée révèle pourtant de profondes tensions entre les membres de la tablée – les parents de Megan s’envoyant notamment de cinglantes piques – et Sally surprendra, au détour d’une porte dérobée, Marie – la mère de Megan – en train de délivrer une fellation à Roger Sterling. Après avoir assisté à cette choquante scène d’adultère, l’adolescente revient s’asseoir à table, lieu où plus personne ne s’adresse la parole, chacun restant isolé dans sa bulle. Dépitée par cette fête au goût amer, Sally avoue ensuite au téléphone à son ami Glen Bishop combien elle trouve New York « sale », façon de résumer l’avilissement que lui ont imposé le temps d’une prétendue soirée de célébration les trahisons et les rancoeurs des grandes personnes.
Quand les personnages de Mad Men vont au cinéma
Et en bonus du bonus, quelques éléments sur la place du cinéma au sein de Mad Men.
Cinéphile passionné (il cite parmi ses films préférés Les Bonnes femmes de Claude Chabrol, La Notte de Michelangelo Antonioni, Le Conformiste de Bernardo Bertolucci ou Blue Velvet de David Lynch), Matthew Weiner a souhaité montrer dans Mad Men plusieurs séquences où les personnages vont au cinéma, moments qui offrent à chaque fois un commentaire éclairant sur l’état émotionnel dans lequel se trouvent alors les protagonistes.
Les Révolutions de Mad Men abordant à diverses reprises ces savoureuses sorties dans les salles obscures, en voici un aperçu non exhaustif.
Saison 4, épisode 3, The Good News : Don Draper et Lane Pryce vont voir Godzilla.
Saison 6, épisode 5, The Flood : Don et son fils Bobby vont voir La Planète des singes.
Saison 6, épisode 12, The Quality of Mercy : Don et Megan Draper croisent à une séance de Rosemary’s Baby Peggy Olson et Ted Chaough.
Damien Leblanc