C’est un syndrome de fuite, une forme de couardise qui n’en reste pas moins futée et psychologiquement légitime. Car s’il y a bien deux manières d’entrevoir la carrière de Daft Punk (la première étant muée par la noble volonté de ne jamais se répéter), on a encore du mal à imaginer que le duo ne ploie pas sous la puissance de « Homework » et que ce ne soit pas la seconde (celle de l’esquive) qu’il faille privilégier. Effectivement depuis leur fulgurant premier album, ils semblent s’efforcer coûte que coûte à ne jamais se retrouver dans des conditions de création similaires, évitant ainsi judicieusement toute comparaison possible et surtout s’assurant eux même de ne jamais se confronter à leur propre mythe et de réaliser qu’ils n’en sont plus à la hauteur. On a pas tous le courage d’accepter que la flamme ne brille plus comme avant et mieux vaut parfois ne pas prendre de risque, ne pas tenter le Diable et ne pas regarder la vérité en face ; vivons dans l’espoir que rien n’ait changé. Un album conceptuel aux partis pris forts (« Discovery »), un album enregistré sous la contrainte (« Human After All » bouclé en deux semaines), 2 albums live (« Alive 1997 » et « Alive 2007 »), un album de remix (« Daft Club ») – et je ne parle même pas de Dj Hero – le tout débouchant aujourd’hui sur une BO de film… Daft Punk est passé maître dans l’art des échappatoires, dans ces chemins parallèles qui évitent de se confronter aux dangers du trafic de la voie principale. Fort à parier que le prochain album sera un projet expérimental avec un percussionniste tribal ou une version revisitée d’une œuvre classique. Mais bon encore une fois, chacun fait ce qu’il peut avec ses craintes, d’autant plus que la qualité des titres a majoritairement toujours été au rendez-vous.
Sur « Tron Legacy », à default de transcender les codes, Daft Punk a au moins le mérite de se les réapproprier. Sur des titres comme « Rinzler », on retrouve ainsi tout ce qui peut faire la force des compositions de Hans Zimmer et des autres maîtres du genre (sic) ; la question est alors de savoir où s’arrête l’intrusion et où commence l’espionnage. Car très rapidement la question qui se pose est : pourquoi Daft Punk ? Outre les questions mercantiles, quel est leur vrai apport à un projet qui aurait été parfaitement soutenu par des habitués comme John Ottman ? Car malgré les montées en puissance qui accompagnent un montage nerveux où les images se succèdent de plus en plus vite comme sur la fin d’une bande-annonce épileptique (« The Game Has Changed »), on reste loin de la réelle implication comme ce put être le cas pour Trent Reznor & Atticus Ross sur l’excellente BO de « The Social Network ».
Ici Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo s’effacent complètement derrière le film, on sent le souci de ne pas faire d’ingérence dans les images, dans les schémas. Ils ne nient pas l’exercice et acceptent de souligner discrètement les scènes quittent à en oublier leurs chansons (« Nocturne »). Mais s’il est respectueux de vouloir rester en retrait et de ne pas imposer son égo (il y a une belle forme d’humilité là dedans) on a du mal à ne pas voir dans des titres pesants et lourdingues comme « Rectifier » une forme de compromission.
L’exercice a beau être noble, la première partie de ce « Tron Legacy » n’en est pas moins volontairement très ennuyeuse, et ce d’autant plus qu’il suffit d’un beat pourtant banal pour que toute la saveur de Daft Punk se reflète à nouveau dans la visière du masque de ses deux auteurs (« End Of Line » et surtout l’excellent « Derezzed ») en forme de tragique rappel de ce dont nous avons été privés.
Pas forcément déshonorant car finalement plutôt inattendu (il y a plus de risque pour Daft Punk de livrer une BO à cordes que d’utiliser leurs codes jusqu’à la corde un peu comme sur le laborieux « Tron Legacy (End Titles) »), l’album souffre plus par son absence de passion et de vision. Oui le problème de « Tron Legacy » est qu’il est toujours cinématographique et jamais visuel (c’est assez criant sur des titres comme « Adagio For Tron » qui illustre sans jamais rien peindre) et que du coup il n’emmène jamais l’auditeur au delà du film.
Note : 5/10
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