Comme un petit garçon timide qui aurait les dents qui raye le parquet, leurs chansons sont discrètes et centrées sur elles même tout en sachant très bien qu’elles pourraient un jour briser les stades (« Baby ») : British Sea Power est un groupe qui navigue toujours entre deux eaux, un jour dans la mer chaude qui borde les plages tropicales, le lendemain dans les rivières dangereuses toisant des montagnes inhospitalières. Lorsque Pitchfork attribue la note U.2 à « Do You Like Rock Music » (je m’excuse pour cette référence qu’on ne manquera pas de retrouver partout), si Stephen M. Deusner se fait fallacieux d’un point de vue musical, il tombe juste sur le positionnement, sur ce besoin de jouer sur les deux tableaux, de rechercher la crédibilité tout en usant des recettes émotionnelles les plus éculées.
Du coup, British Sea Power ne cesse de prendre des détours, de taper fort à un endroit pour finalement disparaitre et à effleurer de loin avec de douces caresses. Impossible d’anticiper la case « Man of Aran » ou de comprendre le sens (et l’intérêt) de l’ep « Zeus ». Même lorsque les anglais s’évertuent à défendre une certaine cohérence, il arrive toujours un moment où ils se perdent, où ils changent d’avis et coupent alors la bobine pour y intercaler leurs moindres caprices (« Thin Black Sail »).
Ainsi si l’on croit au premier abord voir clairement dans le jeu du groupe, sa capacité à faire passer les choses pour ce qu’elles ne sont pas finit par dérouter. Les solos de guitares sur « Georgie Ray » ont beau être poussifs et dégoulinant de mièvrerie, ils ont néanmoins des choses à dire. De même il y a quelque-chose d’irrémédiablement stimulant dans des titres comme « Mongk II » : alors qu’on pourrait tristement ployer sur cette production qui manque cruellement de légèreté, on se retrouve titillé par un son qui n’est jamais si lisse que ça, par des mélodies à deux niveaux : d’abord sages et consciences puis tranchantes et rageuses. Oh oui il faut se méfier des enfants trop sages ! On retrouve alors la puissance des meilleurs titres de « Do You Like Rock Music » (« Stunde Null »).
Mais lorsque les griffes se rétractent, l’enfant énervé reste un enfant, et des chansons comme « Luna » ne dépassent jamais le stade de la gentille contine. British Sea Power chante des histoires d’héros imaginaires, de sauveurs qui n’ont existé que dans leurs rêves ; autant d’épisodes que ne se révéleront jamais dans la réalité. Il faut cependant préférer les illusions de « Living Is So Easy » aux tribulations de Interpol car même dans ces moments les plus fédérateurs, il y a toujours sous les mélodies proches de Manic Street Preacher des anglais une ironie touchante qui montre que British Sea Power n’est jamais dupe : Living is so easy, shopping is so easy, dying is so easy, all of it is easy.
Parfois à l’abri des regards, dans la brume des matinées pluvieuses d’octobre, le gamin parcourt la ville et d’un pas agile virevolte entre les flaques comme s’il dansait au milieu d’un théâtre en carton et à ce moment là on réalise que les enfants chétifs sont ceux peut-être ceux qui portent en eux les plus belles promesses d’avenir (« Observe The Skies »), des promesses qui pourraient presque momentanément nous faire oublier leurs jérémiades indécentes (« Cleaning Out The Rooms »).
Do You Rock Like Music ?
Note : 5/10