C’est l’histoire d’un groupe qui a toujours voulu bien faire, qui a toujours cherché à contenter tout le monde. De l’écriture à la production, des accents aux finitions, Tahiti 80 n’aura jamais flirté avec la moindre condescendance, ni avec lui-même ni avec les autres. Il n’aura jamais baissé les bras, aura suivi intelligemment mais sans succès ses envies (« Fosbury ») en se fichant qu’on ne retienne de lui que de jolies anecdotes, qu’il s’agisse du sympathique « Change » ou de cette histoire à la Pleymo du groupe français qui réussit au Japon (tous les pays ont besoin d’un groupe qui ne réussit qu’au Japon !!!). Pourtant on sent bien qu’une certaine lassitude s’installe et que « The Past, The Present & The Possible » a tout de l’album de la dernière chance, celui dans lequel on déversera tout ce qu’il reste de fraicheur adolescente.
La basse est chaude, la boite à rythme a été révisée et toute la petite machinerie Tahiti 80 se met rapidement en marche à coup de mélodies à la Stones Roses et de vieux claviers vintage (« Defender »). Les structures dévoilent ce qu’on savait déjà : tous a été réfléchi pour faire de « The Past, The Present & The Possible » un album solide ; une fois de plus, on sent le travail et l’attention. Signe rassurant d’entrée de jeu, « Darlin’ (Adam & Eve Song) » génère le même apaisement que les meilleurs titres du « Puzzle » de 1999. Car si « Activity Center » avait su renouer avec la chaleur wilsonienne et faire oublier les mélodies catchy de 2005 qui cultivaient un certain sens du ridicule, il y manquait encore la conviction qui permet aujourd’hui à nouveau à des titres comme « Gate 33 » de couler spontanément. Musicalement parlant, on ne ressent nullement la pression, tout reste fluide et léger (trop léger ?).
Toujours aussi à l’aise lorsqu’il s’agit de pop anglophile, Xavier Boyer aurait tendance à trop jouer avec la sensualité de sa voix oubliant l’espace de quelques instants qu’il ne s’agit pas (seulement) d’émerveiller les sens féminins (« Solitary Bizness »). Ces intonations qu’on pourrait classifier sous l’intitulé « syndrome Brandon Boyd » sont à la fois la force du groupe (sa marque de fabrique) mais aussi sa principale faiblesse. De même, à foncer tout droit sur l’autoroute de la pop, Tahiti 80 en oublie de se poser des questions et de contrer ses détracteurs. Bien qu’il donne le meilleur de lui-même, ce n’est pas la courte introduction à la Cure de« Easy », qui fera oublier qu’il conserve son obédience envers Phoenix, et s’il on s’imagine combien cette inévitable et récurrente comparaison doit peser sur les rouennais, combien celle-ci se transforme peu à peu en un cliché éculé en forme de première remarque toute faîte sur la nature du groupe, on ne peut que constater que vendre une vérité comme un cliché n’affaiblit en rien les fondements de la vérité. S’il n’y a évidemment nulle honte à être comparé à l’un des meilleurs groupes français (et ce d’autant plus lorsqu’on est soit même capable d’écrire des singles comme « Nightmares »), il reste ici un reflexe impulsif qui souligne une énième fois la problématique soulevée par « Wallpaper For The Soul » : Tahiti 80 a-t-il une personnalité propre à la hauteur de ses ambitions pop ?
Un passé prometteur, un présent brinqueballant mais un champ des possibles infinis avec des chansons comme « Crack Up » qui emmène Tahiti 80 là où la pop dansante devrait toujours s’épanouir.
Note : 5,5/10