A bien des égards, « District 9 » était le film que j’attendais depuis longtemps, un film qui synthétise 30 ans de contre-culture, un film qui transcende son univers geek pour livrer une œuvre non autocentrée sur elle même. Sa force s’exprime via deux créneaux différents. Premièrement, Neill Blomkamp réussit là où le maitre Tarantino vient d’échouer avec Inglourious Basterds, c’est à dire dans l’utilisation des références comme autant de clins d’œil jouissifs pour le spectateur qui ne perturbe pas pour autant la dynamique propre du film. Deuxièmement le réalisateur impose un nouveau standard qu’on pourrait qualifier de blockbuster fauché ou de film indé thuné. Quelque chose qui a les moyens de donner vie à ses folies sans devoir rendre des comptes au public, sans se soucier d’une rentabilité poussée à l’extrême ; une rare aisance donnée par l’économie de moyens.
Sur le fond comme sur la forme, Neill Blomkamp possède une patte particulière ne manquant pas de piquant. Son histoire aborde une multitude de thèmes habituellement incompatibles : les camps de réfugiés (contrairement à ce qu’on a pu lire partout, il est plus question ici du Darfour que de l’apartheid) et des problématiques politiques qui s’y rapportent, les gangs et les croyances mystiques, et surtout les aliens traités ici sous un angle inhabituel. Au niveau de la forme, pour faire cohabiter ces deux mondes, le réalisateur n’hésite pas à alterner interviews en mode vrais faux docus, images prises par les cameras de la ville de Johannesburg et surtout moments d’action épileptiques teintés de gore et à la photographie époustouflante.
Ce serait trompeur de le cacher, Neill Blomkamp est le nouveau petit protégé de Peter Jackson, et de ce fait ce n’est pas anodin si « District 9 », derrière son approche des plus sérieuses, n’hésite pas à s’acoquiner avec des pures moments de violence de série B (membres arrachés, corps triturés…) rappelant ainsi les premiers amours du mentor (« Bad Taste »). D’ailleurs on notera une certaine ressemblance entre le héros du film et le héros de « Braindead », et ce en particulier au niveau de la naïveté. Il est vrai que Sharlto Copley n’est peut être pas ici l’atout principal mais il apporte une certaine touche : un ancrage supplémentaire dans le cinéma de genre.
Ainsi on peut rapidement jouer au jeu des influences. Pour ma part, j’y vois du « Starship Troopers » pour le mélange satire/SF, de « La Mouche » et du « Tetsuo » pour les mutations de Wikus van der Merwe, du « Redacted » pour la mise en scène, du Warhammer pour le coté Dreadnought au milieu des Spaces Marines, des Orcs et des Tyranides, et surtout pour enrober le tout un aspect « Complètement d’enquête » qui avec son recul de ton donne toute sa dimension à « District 9 ». En fait j’aurais pu écrire 10 000 signets en me focalisant que sur du name-dropping (ah on me signale que c’est déjà ce que j’ai fait^^).
Film hédoniste à souhait, intelligent sur le fond et novateur sur la forme, « District 9 » trouve un équilibre parfait entre premier et second degré et réinvente ainsi le cinéma de série 1.5 !
Note : 9/10
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