L’Amant d’un jour : les vases communicants
Présenté le 19 mai 2017 à la Quinzaine des Réalisateurs. Sortie prévue le 31 mai 2017. Durée : 1h16.
Tranquille pensionnaire de la Quinzaine des Réalisateurs (l’accueil glacial de La Frontière de l’aube en sélection officielle lors du festival 2008 l’ayant sans doute vacciné à vie), Philippe Garrel se sent bien dans cette section qui refuse la notion de compétition. Cela lui permet de rester dans sa zone de confort et de ne surtout pas aller se confronter au monde extérieur. Ne pas en sortir, jamais. Continuer à filmer les mêmes histoires, les mêmes dynamiques (le mot est mal choisi), les mêmes considérations nombrilistes. Les filmer mal, de surcroît. Jouer les artistes écorchés au point de mépriser la technique ou les règles de base (comme celle qui consiste à ne pas balancer un morceau musical au beau milieu d’un dialogue de façon à le rendre intelligible jusqu’au bout). Régulièrement, on ne comprend pas ce que se racontent les protagonistes de L’Amant d’un jour. Parce que Garrel se pense au-delà de ça. En résumé, il s’en fout. Et c’est communicatif.
On aimerait ne pas pousser l’acharnement plus loin. Mais chaque détail, chaque situation témoigne d’une méconnaissance totale de la réalité du monde où évoluent ses semblables. Dans L’Amant d’un jour, une bouilloire allumée moins de trois secondes permet d’obtenir un café bien chaud. On y baise dans les chiottes de l’université, porte grande ouverte, alors qu’il y a du passage, parce qu’apparemment c’est ce que les gens font. Et même pas par exhibitionnisme ou par passion. Juste parce que c’est plus pratique d’un point de vue scénaristique (ils sont quatre au scénario, dont Jean-Claude Carrière). Un tel mépris du réel et du public, ça ne devrait plus être possible de nos jours, même avec un talent immense. Pourtant Garrel continue sa navrante entreprise à grands coups de films charbonneux aux titres interchangeables.
C’est donc l’histoire d’un prof de fac qui vit une folle histoire d’amour avec une étudiante âgée de 23 ans. Parallèlement, sa fille, également âgée de 23 ans, est quittée par celui qu’elle pensait être l’homme de sa vie. L’un est tout en haut, l’autre au fond du trou. Ce que le film va tenter de montrer, c’est comment les deux trajectoires vont se croiser, voire se nourrir chacune de l’autre, dans un jeu de vases communicants. Les intentions précèdent hélas les images. Une voix off empesée vient stabiloter lourdement ce qui était évident, et l’enchaînement des situations est si schématique (un crescendo contre un decrescendo) que l’issue ne fait guère de doute.
Le cinéma de Philippe Garrel n’a pas attendu 2017 pour devenir patriarcal. Dans le genre, il a même fait pire qu’ici. Mais cette façon de ne considérer que deux catégories de femmes et de rendre invisibles toutes les autres est aussi déplaisante qu’abjecte. Il y a les belles jeunes femmes, celles qui à 23 ans ne rêvent que de coucher et d’aimer des hommes au moins deux fois plus vieux qu’elles. Femmes qui sont considérées comme des salopes dès lors qu’elles finissent par avoir envie d’aller voir ailleurs, chercher un peu de jeunesse et de fraîcheur. Et il y a les filles, celles dont on est le père. Elles ont le même âge, mais elles sont pures et virginales. Elle ne rêvent que de l’amour absolu et commencent leur vie sexuelle le plus tard possible. Difficile d’imaginer cinéma plus rétrograde que celui-là. C’est d’autant plus dommage qu’Éric Caravaca et Esther Garrel livrent des prestations relativement honorables malgré des dialogues pas toujours évidents. Mais les acteurs les plus intenses du monde ne pourraient pas sauver l’insauvable.
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