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La Belle et la meute : l’enfer qui suit le viol

Présenté le 20 mai à Un Certain Regard. Sortie : 18 octobre 2017. Durée : 1h40.

Par Lucile Bellan, le 26-05-2017
Cinéma et Séries
Cet article fait partie de la série 'Cannes 2017' composée de 22 articles. En mai 2017, la team cinéma de Playlist Society prend ses quartiers sur la Croisette. De la course à la Palme jusqu’aux allées de l’ACID, elle arpente tout Cannes pour livrer des textes sur certains films forts du festival. Voir le sommaire de la série.

C’est avec le très singulier documenteur Le Challat de Tunis que nous avons découvert la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania. Son cinéma un peu fauché déborde d’énergie et la réalisatrice semble vouloir utiliser chaque moyen possible pour faire passer ses idées, appuyer sa démonstration. C’est ce qui marque le plus : la détermination farouche et dévastatrice dont fait preuve la réalisatrice. La Belle et la meute est de facture plus classique avec la particularité cependant d’être composé de 9 longs plans séquence.

Ce choix du plan séquence nous plonge dans le temps réel. Il immerge, il étouffe aussi. Parce que la longue nuit de Mariam est une plongée en enfer. Lors d’une soirée étudiante, la jeune femme est violée par des policiers. Accompagnée par le jeune homme qu’elle convoitait, elle sera bringuebalée de l’hôpital aux commissariats, confrontée à des fonctionnaires qui refusent l’existence de son drame et chercheront à tout prix à la dissuader de porter plainte. Elle sera aidée parfois, mais ces gestes de solidarité féminine ne seront que des gouttes d’eau dans la mer, ne suffiront pas à porter la jeune femme et à lui donner la force qu’elle ne devra, au final, trouver qu’au plus profond d’elle-même.

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Après avoir été violée, Mariam est torturée, pendant de longues heures, par une administration absurde et aliénante.

Le film ne s’attarde pas sur le viol. Parce que la violence plus outrageante encore, c’est celle des heures qui suivent, où ceux qui doivent protéger Mariam la malmènent, l’accusent, l’agressent. Après avoir été violée, Mariam est torturée, pendant de longues heures, par une administration absurde et aliénante. Cette administration, un personnage terrifiant, aux visages multiples et aux méthodes vicieuses, plante profondément ses racines dans des centaines d’années de tradition et de religion. Et Mariam crie, pleure, mais porte au fond d’elle cet instinct de survie qui lui fait toujours lever la tête. Elle doute parfois. Et avec elle, le spectateur retient son souffle, s’indigne, trouve une colère viscérale qui donne envie de tout casser.

Le choc, c’est celui des mots « basé sur une histoire vraie » à la toute fin du film. Comme si, après une plongée dans un univers infernal, celui-ci d’un coup devenait une réalité. Ces mots blancs sur fond noir, dernière impression sur la rétine avant le générique, c’est le coup de massue final sur la tête. Cet enfer existe. Je n’ai pas réalisé tout de suite. Il était tard, j’ai marché une centaine de mètres dans la rue désertée. Et puis les larmes avec violence ont coulé. La tension était si forte, l’empathie si grande, le témoignage si révoltant que je me suis effondrée.

La Belle et la meute n’est pas de la plus belle facture, mais c’est un détail quand on porte en soi toute cette force du désespoir, un propos politique aussi puissant et aussi important. En deux films, Kaouther Ben Hania construit une oeuvre engagée et féministe. Elle donne une voix à celles qui ne s’expriment jamais. Elle leur donne un visage. Et, par ses procédés audacieux, libérée des contraintes et des codes du cinéma traditionnel, elle leur donne une âme.

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