BLACK SWAN de Darren Aronofsky
Sortie le 9 février 2011 - durée : 01h43min
Ici s’achève le parcours sans faute de Darren Aronofsky, cinéaste souvent qualifié de génie en dépit de la difficulté qu’ont ses oeuvres à survivre au-delà de la première vision. Cette fois, nul besoin de revoir Black swan pour réaliser que le new yorkais s’est planté, purement et simplement. Il s’agit d’un film étouffe-chrétien, pénible à avaler et presque impossible à digérer. Cet échec saute aux yeux dès les premières bobines et ne cesse de prendre de l’ampleur, de trouver de nouveaux points d’ancrage. Déjà à bout de souffle ou en fin de cycle, Aronofsky semble se répéter, recyclant des thématiques et techniques déjà employées dans ses films précédents. Black swan, c’est comme si The wrestler devenait aussi fêlé et monomaniaque que le héros de Pi, flanqué qui plus est d’une mère à la Requiem for a dream. La mise en scène se calque d’ailleurs sur ce modèle un peu facile. Pour la première fois, Aronofsky n’invente rien. Absolument rien. Son film est un patchwork de vielles réminiscences et d’influences mal dissimulées.
Pour tout dire, Black swan ressemble à un mauvais pastiche de ce que pourrait donner la collaboration entre David Cronenberg et Dario Argento. Au premier, le film emprunte quelques séquences visuellement éprouvantes (les stigmates de Crash, la mutation humain-animal de La mouche) sans jamais obtenir un minimum de profondeur. Cronenberg n’est pas un montreur d’ours : c’est un philosophe et esthète de la dégradation physique, de la métamorphose psychique. Aronofsky, lui, se contente de se réapproprier son imagerie pour livrer un petit théâtre des horreurs dont certains effets peuvent faire mouche mais où rien ne dure. Du second, Black swan n’a retenu que la façon grandiloquente et parfois grand-guignolesque de sceller la désorientation mentale de ses personnages. Il n’y a qu’à observer la façon dont le film surexploite des éléments archi téléphonés tels que les miroirs dans lesquels le reflet de l’héroïne semble parfois prendre vie : un metteur en scène de seconde zone procèderait ainsi pour faire monter le suspense ou camper le désarroi d’un personnage, mais on pensait Aronofsky moins conventionnel que cela.
À travers l’histoire de deux danseuses rivales mais étrangement attirées l’une vers l’autre, le scénario entend construire un jeu de parallélisme entre l’intrigue du Lac des cygnes, dont elles répètent justement une nouvelle version, et la destinée de ces deux femmes, cygne blanc et cygne noir, partenaires et nemesis. Pourquoi pas. Le problème, c’est le didactisme total avec lequel le procédé est mis en branle, ce qui rend le film extrêmement prévisible non seulement dans sa conclusion mais aussi dans son déroulement. Chaque artefact dramatique est soit attendu soit surligné jusqu’à la nausée, que le fil dramatique passe par des personnages secondaires mal dosés ou qu’elle tente toujours en vain l’uppercut visuel. En tentant d’explorer mille voies à la fois, le film ne va nulle part, prisonnier d’une intrigue mal fichue dès le début. Il aurait pu sauver sa peau en se choisissant de vrais partis pris, mais la tiédeur des scènes de ballet est le parfait symbole de son irrésolution. Ni dans le réalisme accru inhérent au “film de danse” (qui en aurait véritablement fait un Wrestler au féminin), ni dans le délire fantasmagorique des Chaussons rouges, elles constituent la plus grosse déception d’un film en forme de grosse désillusion. Malgré les prestations honorables de Natalie Portman et Mila Kunis, Black swan a des allures de torture moderne, de gâchis historique, de calamiteuse régression pour un metteur en scène qu’on pensait plus solide sur ses jambes.
Note : 3/10
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