Est-ce parce que le personnage est extrêmement sympathique ? Est-ce parce qu’il s’agit d’un guitariste hors pair calant sans cesse des solos qui ne sont jamais ennuyeux ? Est-ce parce que le garçon a toujours su bien s’entourer (Bumcello entre autre) ? Est-ce parce que son backing band lâche derrière sa voix des rythmiques technico-funky des plus agréables ? Je ne sais pas. Mais Diable, pourquoi M bénéficie-t-il d’un tel capital sympathie en France ? Non pas que je reproche à l’homme de ne pas le mériter mais plus que je suis surpris qu’un personnage si peu adepte de la médiatisation à outrance ait pu gagner le cœur des français sans aller jamais faire le pantin chez Drucker.
Si je ne me suis jamais senti particulièrement concerné par la musique de M, il faut bien avouer que ce dernier n’a que rarement sacrifié ses qualités d’écriture sur l’autel du succès. On est presque étonné qu’un artiste si difficile à cerner puisse toucher si directement l’inconscient collectif de l’hexagone.
« Mister Mystère » est peut être l’album le plus ambitieux de Mathieu Chedid. Plus sombre, et plus varié, il me semble surpasser en terme de recherche artistique les 3 précédents opus. Cependant, comme à chaque fois, il est bien trop inégal pour prétendre à une notre meilleure que la moyenne.
Le titre éponyme qui ouvre l’album possède un riff de gratte entraînant très vite appuyé par une basse ronde et chaleureuse ; rien de puissamment novateur mais une mélodie avec la quelle on se sent vite à l’aise. « Phébus » est un peu trop typée nouvelle chanson française mais surnage aisément grâce au timbre de voix de M. Malgré un riff de gratte funky comme le bonhomme sait en produire, « Est-ce que c’est cela » dévoile vite son manque de finesse. En ce début d’album le single « Le roi des ombres » apparaît comme une ballade douce, mélodique et touchante ; un bel exemple de songwriting et d’utilisation de la langue française. « Tanagra » redonne laconiquement ses droits à la guitare, mais s’essaye à un terrain de jeu que l’auteur connaît mal ; les sonorités légèrement stoner paraissant ici des plus inconvenantes.
Malgré les bonnes idées, quelque-chose cloche, sûrement l’idée latente d’un talent mal exploité. « L’exilir » commence comme une poignante ballade au champ lexical parfaitement maîtrisé et qui pourrait presque rappeler les ritournelles d’Alex Beaupain, mais s’acoquine trop vite avec un chœur féminin inopportun. La rythmique de « Ca sonne faux » donne le ton mais M a du mal à se caler et commence à chanter comme Benabar tout en gardant dans la voix un aspect trop live. « Semaine » possède un texte facile et convenu soutenu par une voix mièvre que les petites touches sonores en arrière fond n’arriveront pas à relever. « Amssétou » marque un pas en arrière et regarde plus vers le passé de l’artiste que vers le futur. Cette chanson synthétise pourquoi je n’ai jamais été fan de M. Les phrases répétées, l’ambiance anachroniques avec les chansons tristes qui la précèdent… pour peu on se croirait de retour chez « Mama Sam ».
L’album redémarre brièvement avec « Tout sauf toi », un bon titre de folk à la française qui ne tarde pas à se faire rattraper par cette guitare électrique caractéristique, avant de s’enchaîner sur un « Hold Up » vite gâché par des extraits bien trop mis en avant malgré une rythmique à l’avenant. « Délivre » en fait beaucoup trop pour être honnête avec un texte faussement bien écrit. On a envie de dire pourquoi pas en écoutant l’instrumentation de « Crise » mais on se dit vite que la chanson ressemble plus à une chute de studio perdue en fin d’album. Quant à « Je les adore », la chanson possède une production qui détonne avec le reste de ce « Mister Mystère ».
Peut être suis-je naturellement insensible à la musique de M. Peut-être n’aurais-je pas du me lancer dans cette chronique. Pourtant je sais très bien ce qui m’a poussé à écrire : l’intuition certaine que Mathieu Chedid pourrait s’il le souhaitait devenir un grand songwriter folk à la française. L’idée peut paraître absurde mais si l’on se fixe sur ses atouts (sa voix, son jeu de guitare, ses qualités d’écritures et sa capacité à bien s’entourer), on se dit qu’en vieillissant, M pourrait bien finir par sortir un album surprenant… ou pas.
Note : 4/10