Lazzaro Felice : une merveilleuse histoire du temps
Présenté dimanche 13 mai 2018 en sélection officielle (compétition). Durée : 2h10.
Quatre ans après Les Merveilles, qui avait été récompensé du Grand Prix au Festival de Cannes, Alice Rohrwacher revient sur la Croisette avec Lazzaro Felice (Heureux comme Lazzaro). Comme dans le précédent, l’histoire commence dans une ferme reculée du monde, où les habitants vivent en harmonie mais hors du temps et du confort moderne. Mais cette fois, loin de la chronique familiale et de l’acerbe critique de la télévision et du spectacle en Italie, véritablement l’opium du peuple, Alice Rohrwacher écrit un conte, comme un épisode de la mythologie italienne. Celle de Lazzaro, ressuscité et voyageant dans le temps par amitié pour le jeune marquis oisif dont la mère exploite sa famille.
Lazzaro est une âme pure. Traité comme un simple d’esprit par ses pairs, il est juste exempt des défauts de l’humanité, ne connait aucun péché et ne désire rien tant que faire plaisir à autrui. Par ces qualités, il deviendra une figure mythologique, comme une de ces divinités mineures dont les hommes croisaient parfois la route dans la nature en Italie dans les récits anciens.
Et une fois encore, si la réalisatrice italienne excelle à partager son histoire extraordinaire sur l’être le plus bon qui soit, elle parsème ça et là des critiques sur la valeur du travail, la saleté des villes en opposition à une campagne lumineuse, l’égoïsme et la peur de l’autre. Alice Rohrwacher garde sa façon unique de raconter les histoires, comme des légendes qu’on partage au coin du feu et dont la morale grandit en soi. Et son regard amoureux sur les vieilles pierres, les plantes comestibles qui poussent entre les détritus à côté d’une voie de chemin de fer, les collines autour de l’Inviolata, rappelle avec quel talent la réalisatrice a su émouvoir avec un mur à la peinture craquelée dans Les merveilles.
Alice Rohrwacher est une passerelle entre l’Italie ancienne et contemporaine. Entre les contes et légendes de la mythologie romaine et la société post crise économique et post immigration de masse. Elle porte en elle une nostalgie qui émeut toujours. Et ce qu’elle raconte, finalement, est moins un regard posé sur le présent qu’un récit universel qui traversera le temps… comme Lazzaro.
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