Les Chatouilles : récit d’une renaissance
Présenté lundi 14 mai à Un Certain Regard. Sortie : 26 septembre 2018. Durée : 1h43.
C’est une énergie folle qui emporte tout sur son passage. Celle de la victime, portée par la résilience, la rage de vivre malgré tout. En 2016, Andréa Bescond recevait le Molière du meilleur spectacle seul(e) en scène pour Les Chatouilles ou la danse de la colère. Elle adapte ici son spectacle, y joue son propre rôle, raconte sa propre histoire. Son parcours, c’est celui tristement banal d’une petite fille agressée et violée par un ami de la famille bien sous tous rapports. Et puis une vie à se faire mal pour oublier qu’on a eu mal et pour se punir d’une faute qu’on a pas commise. Mais Andréa, tout comme son personnage Odette, est une artiste.
Elle exprime avec son corps, par la danse, toute cette rage qui bout en elle. De rencontres en prises de conscience, par un parcours qui a pris des années, la petite victime est devenue une femme qui a arrêté de se taire et d’avoir honte, et même se fait entendre pour les autres dans son combat pour la suppression de la prescription dans les affaires de pédophilie.
Souvent, comme une carapace, elle use de l’humour pour partager l’horreur. Parce qu’avec pudeur, elle préfère qu’on rie avec elle plutôt que de pleurer. On s’impressionne de son énergie, de sa fureur qui l’oblige maintenant à crier, à tout dire, avec les mots et les mouvements dansés, comme pour rattraper le temps perdu. Pendant tout le temps que dure Les Chatouilles, Andréa Bescond occupe l’espace. Elle étourdit, accapare, séduit, fatigue. Elle donne tout en échange de notre écoute. Et dans son film résonne le cri silencieux de centaines de victimes qui n’auront jamais le courage et l’opportunité de partager leur souffrance.
Elle parle pour elle et elle parle pour tous. Rappelant à tous, les autres, que même si la vérité est une violence, l’oreille prêtée est un soulagement pour ceux qui souffrent. Pour elle et pour les autres, acceptons d’être bousculé·e·s dans nos certitudes et dans nos vies protégées de ces traumatismes. Ce premier film, parfois faillible, il faut le juger avec le cœur. Il transpire l’émotion à fleur de peau. Cette femme, cette artiste, c’est une survivante. Et ce récit, celui de sa renaissance, marque le début d’un carrière qu’il faudra suivre, au théâtre comme au cinéma.
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