“Moderne” est une épithète qu’on a perdu l’habitude d’utiliser, à laquelle on ne pense même plus. Les avancées technologiques n’ont pas réhabilité le terme qui comme celui de “nouveau” vit un purgatoire sémantique. Alors qu’en musique on se contente souvent de classer selon le revival idoine, il arrive aussi qu’on trouve un·e artiste qui secoue nos oreilles et nous convainc que l’important, c’est ici et maintenant.
On connaissait surtout la Canadienne Barbara Lenhoff via son groupe post-punk Peter Kernel dont elle est la moitié. On avait fait moins attention à sa carrière solo qui la voit sortir un percutant second album. Cela dit, son comparse dans Peter Kernel, Aris Bassetti est là à l’écriture et surtout à la production, avec un succès qu’on va tenter de vous décrire.
Dans sa manière de mêler tension, beats et une aura de danger, on peut penser à Xiu Xiu. Mais il serait aussi injuste qu’imprécis de n’y voire qu’une version féminine de Jamie Stewart, même si on retrouve la densité du son et le potentiel de se briser en mille morceaux pour virer vers de l’adrénaline pure (« So What ») avec une certaine langueur. Vocalement d’ailleurs, on lorgne plutôt du côté de la sensualité désabusée d’une Anita Lane qui déconstruirait sa voix à coups de cuts engagés.
Comme attendu, ce sont les chemins de traverse du rock et de l’électronique qui sont abordés ici, mais ce qu’on aime surtout ce sont ces morceaux en perpétuelle recherche et perte d’équilibre. C’est cette beauté métastable qu’on retiendra de ce brillant premier album, une envie d’impressionner plus que de faire peur.
« Forget » est certes prometteur, intrigant dans son montage en couche, avec une sensualité et un peu de malaise, mais on ne sait pas encore qu’on est encore en surface, que les émotions fortes sont pour plus tard. Et elles ne passeront pas par des éructations, mais une adjonction de percussions sur « Are You OK », avant qu’elle ne lâche les gros beats sans oublier toutes les sous-couches qui rendent ce morceau assez addictif. On retrouve cette puissance et cette densité sur « «Womanized » qui pourrait se présenter comme une actualisation des poussées de fièvre de Crystal Castles.
On enchaîne les titres puissants sans jamais user des mêmes procédés, et cet album marque par cette alternance de climats.
Après l’écoute, on a envie de retrouver les gimmicks simples et percussions complexes sur Psycho Lover qui propose quelques sons de basse énormes, on veut goûter à la distorsion qui amène une fameuse intensité à « Messing With You », nous faisant pendre la mâchoire malgré nous. Et on est même prêts à se frotter de nouveau au plus rude « Walt Deathney ».
À tous ceux qui pensent que tout a été dit et que c’était mieux avant qu’en 2019 (et ça en fait du monde…), on devrait imposer l’écoute de ce premier album de Camilla Sparksss. Outre son caractère exemplatif, c’est surtout un des albums les plus puissants que vous entendrez cette année.