Le scénario est creux, vu et revu, dénué de la moindre prise de risque. Michael Mann place « Public Enemies » sur des rails et ne fait que s’assurer de temps à autres que le film n’a pas changé de trajectoire. Les dialogues sont inexistants, et l’émotion est loin de passer par le silence. Qui a envie d’entendre Johnny Depp demander à une Marion Cotillard nue dans son bain, si cette dernière souhaite qu’il la rejoigne avec son gros calibre ? Un peu de sérieux tout de même ! Même Fred Copula écrit de bien meilleures répliques ! Ainsi les acteurs ont l’air de s’ennuyer autant que les spectateurs. Eux aussi, enchaînent les casses de banque, les passages en prison et les fusillades avec l’inévitable monotonie de ceux qui savent qui sont condamner à aller jusqu’au bout du film. Christian Bale fait ici l’acteur secondaire totalement sous exploité tandis que Johnny Depp est inexpressif comme pour donner une aura à un personnage qui n’en a aucune. Michael Mann dira sûrement qu’il a voulu montrer la face sombre de l’acteur, mais combien l’on fait avant lui avec tellement plus de talents (Jim Jarmush / Tim Burton) ?
Malgré l’apathie qui envahit le spectateur, Michael Mann sauve évidemment son film du désastre via une réalisation qui, comme toujours chez lui, prend les rênes. C’est simple, réaliser un joli plan a toujours l’air plus important que de donner du corps à un personnage. Ainsi visuellement parlant ce « Public Enemies » est un pur régal. On sent les longues heures de réflexions derrière chaque image, et on savoure en vrac : la scène de l’extradition avec sa colorimétrie si particulière, les guns fight filmés en DV, Johnny Depp marchant seul dans le commissariat, contemplant les photos de ses collègues décédés, et puis surtout la séquence dans le cinéma où la légende hollywoodienne crée un inévitable parallèle avec la réalité, via une jolie mise en abyme.
Mais surtout, et c’est peut être la seule chose à retenir de « Public Enemies », les morts des personnages sont sublimées, c’est le seul moment où on entrevoie leur regard, c’est le seul sujet que John Dillinger et Melvin Purvis aborderont lorsqu’ils se croiseront furtivement quelques secondes. Avant leur mort, les personnages ne sont que des marionnettes anonymes qui courent partout le fusil à la main : la mort leur donne la vie et leur confère une identité, une place dans le film.
Dommage que la caméra ne serve pas aussi de machine à écrire… Car sorti de ça le film enchaîne les faux pas, les moments de non émotion, les cassures de rythmes liées à une utilisation accrue de la DV qui rend fade les autres passages (comme la rencontre John Dillinger / Billie Frechette). A la fin, lorsqu’on apprend lors de l’épilogue textuel que Melvin Purvis finira par se suicider, on n’est presque étonné de ne pas l’avoir deviné nous même tant le personnage a été bien développé dans le film (sic).
Donc maintenant ça suffit, il faut arrêter de se mentir. Ok Michael Mann est un technicien hors-pair, ok « Heat » a donné un sacré coup de jeune aux duels flics vs bandits, mais à part ça, hein ? « Le Sixième Sens » n’a pas très bien vieilli, « Révélations » peine à s’imposer comme un thriller économique, « Ali » n’est rien de plus qu’un un honnête biopic calibré cérémonie des oscars, « Collateral » est plombé par un dénouement ridicule et tellement prévisible et « Miami Vice » est une grosse bouse américaine qui comme ce « Public Enemies » n’est sauvée que pas sa réalisation à l’avenant.
Au jeu du « je mise tout sur l’esthétique visuelle » je préfère cent fois le dernier David Fincher. Michael Mann n’est pas des réalisateurs qui comptent, il serait temps de l’officialiser.
Note : 3/10