01. Superbravo – “Fous reflets” (Arbobo)
Extrait de Sentinelle – 2020 – Pop moderne
Armelle Pioline est un des trésors de la pop française. Ses paroles, son phrasé, son timbre nous reviennent trop rarement avec de nouveaux titres. Le label Fraca est épatant. Superbravo est une super prise. “Chanteur” évoque une lointaine parenté avec les albums solo de JP Nataf, autre orfèvre caresseur d’oreilles. Avec Superbravo, c’est tantôt la voix tantôt l’instrumentation qui structure le morceau. Ce n’est pas commun. Et ça fait du bien.
02. Blood Orange ft. Nelly Furtado – “Hadron Collider” (Guillaume Augias)
Extrait de Freetown Sound – 2016 – so(u)listique
Il est de ces morceaux qu’on a hâte de retrouver, dont l’écoute en boucle est une évidence tant ils semblent nous réconcilier avec nos souvenirs et faire de l’esquive des contingences un art de vivre.
On se tient devant eux, comme ici face à cette ballade haut perchée en hommage à mille halos célestes, telles autant de rimes se frayant un chemin :
« De la musique avant toute chose / Sans rien en lui qui pèse ou pose »
Des bribes de Verlaine ou des fuites en Corail.
03. La Roux – “Do You Feel” (Erwan Desbois)
Extrait de Supervision – 2020 – George Michael Jackson (au féminin)
Elly Jackson, alias La Roux (duo à l’époque du premier album, devenu numéro en solo pour les deux suivants), continue à tracer sa route comme elle l’entend, versant outsider freak qui compose ce qui lui chante plutôt que machine à tubes calibrés – le chemin qui semblait s’ouvrir à elle (ou plutôt : le piège qui semblait pouvoir se refermer sur elle) après son premier disque. Trois courts albums en un peu plus d’une décennie, et sur le dernier d’entre eux son mélange électro-pop-disco ajoute la corde du funk à son arc, entre autres sur le très beau “Do You Feel” qui ranime des souvenirs musicaux de Michael Jackson et George Michael.
04. Of Montreal – “Get god’s Attention by Bing an Atheist” (Marc Mineur)
Extrait de UR FUN – 2020 – Pop Synthétique
Cela fait près de 15 ans que les albums d’of Montreal sont les carnets intimes de Kevin Barnes. Parfois c’est d’une vie fantasmée via quelques avatars pas piqués des vers, souvent c’est sa vie réelle qui est mise en scène et c’est encore le cas ici. Depuis l’excellent Lousy With Sylvianbriar, il a aussi compris qu’en faisant dévier se morceaux toutes les 30 secondes, il risquait de perdre l’auditeur. Cet album-ci reprend donc cette veine plus resserrée et convaincante, avec quelques surgissements à la clé. Rien que le titre est plus percutant que quelques discographies. On en redemande donc.
05. Mura Masa feat. slowthai – “Deal Wiv It” (Christophe Gauthier)
Extrait de R.Y.C. – 2019 – Néo-post-punk
Mura Masa (Alex Crossan à la ville) prend tout le monde à contre-pied avec son deuxième LP, R.Y.C. (Raw Youth Collage). Après s’être fait connaître par ses productions électroniques un brin pétées, il ressort les instruments acoustiques de sa jeunesse pour enrichir sa palette sonore. Au milieu de morceaux électropop, Greenday-esques ou méditatifs surgit le furieux “Deal Wiv It” avec sa basse en avant, ses riffs mordants et la diatribe de slowthai, rappeur de Northampton à l’accent à trancher au lapidaire. Ce titre est un digne descendant de “Parklife” de Blur et de “Peaches” des Stranglers. Et si 2020 était une année punk ?
06. Arthur Russell – “Words of Love” (Nathan)
Extrait de Iowa Dream – 2019 – Folk
Je ne sais pas trop d’où c’est sorti (en fait, si, ce sont des démos de 1979 compilées et rééditées), je ne sais pas pourquoi je ne connaissais pas ce pan d’Arthur Russell (en fait, si, parce que pour moi ce n’était qu’un nom liée aux edits de Larry Levan et David Mancuso, et aux années disco et début de la house). Mais c’est le truc le plus beau que j’ai entendu depuis des mois et que cette simplicité désarmante, cette élégante naiveté me laissera toujours bouche bée.
07. Shopping – “Initiative” (Benjamin Fogel)
Extrait de All Or Nothing – 2020 – Post Punk
En huit ans et quatre albums, le groupe anglais Shopping, composé de Rachel Aggs (guitare et voix), Billy Easter (basse et voix) et Andrew Milk (batterie et voix), est passé du statut de groupe typique du revival post-punk – option Gang of Four – à celui de fer de lance de la scène post punk mondiale. Grâce à sa rythmique chaude et excitante, son trio de voix et ses mélodies évidentes, Shopping arrive à produire une musique très cohérente, où tout se ressemble sans se ressembler, et où l’ensemble forme un bloc monolithique complexe, rappelant la musique de The Fall.
08. Isobel Campbell & Mark Lanegan – “Something to believe” (Thomas Messias)
Extrait de Sunday at Devil Dirt – 2008 – refuge
Les envies de suicide, très peu pour moi. En revanche, des envies de disparaître, oui. Ou de n’exister qu’un jour sur deux, comme dans la nouvelle de Marcel Aymé qui a donné le film Les jours où je n’existe pas. Comme ça n’est apparemment pas possible, j’hiberne au sens propre comme au sens figuré, en écoutant des chansons qui réchauffent. Les mois d’avril sont meurtriers, disait le film avec Jean-Pierre Marielle. Dans le genre, février n’est mal non plus.