Des nobles français s’enorgueillissent de leur art de la guerre, alors qu’ils viennent juste participer à un massacre. Ils paradent comme s’ils allaient combatte à mains nues un ennemi sur un ring, alors qu’ils ressemblent à des chasseurs suréquipés s’apprêtant à traquer du gibier apeuré. Ils refusent de tuer l’ennemi de nuit, car ce ne serait pas chevaleresque, mais sont fiers à l’idée de l’anéantir à 10 contre 1, faisant du terme « chevaleresque » une facétie à mille lieues du code d’honneur revendiqué. Ils appellent « amour » des actes qui relèvent du viol. Ils sont idiots, ignobles et persuadés d’écraser les Anglais à Azincourt en 1415. Fleur de Lys, prostituée exploitée sur le champ de bataille, souligne le trop de confiance en soi des Français : en retour, ces derniers la juge rabat-joie, donneuse de leçons, castratrice de la tradition ancestrale de la chevalerie – pour un peu, on la qualifierait de gauchiste ou de woke. Elle agit comme l’ingénu de Voltaire : son bon sens ridiculise à l’expertise présomptueuse des chefs.
Dans Azincourt par temps de pluie, Jean Teulé raconte le grotesque de la guerre, au travers d’une farce jubilatoire, dont la seule limite est – mais c’est le principe de l’exercice – de se réjouir du sang qui coule, de se désintéresser de la souffrance et de l’humiliation des puissants et des pauvres, des Français et des Anglais, des hommes et des femmes. Nerveux, porté par un style moderne qui joue habilement avec les anachronismes sans en abuser, Azincourt par temps de pluie condamne la bêtise sans concession ; une bêtise qui n’a pas été cantonnée au XVe siècle, mais qui sait encore rugir de nos jours.