Adam et sa sœur, Lauren, tous deux adolescents, vivent à l’Eden, une tour de la banlieue de Londres, classée monument historique pour son architecture significative, malgré son état vétuste. Prisonniers de cet immeuble, foyer de misère et violence, Adam et Lauren luttent au quotidien contre un père alcoolique et dangereux, qui reporte sa haine sur son fils aîné depuis la disparition de sa femme. Épaulé par ses amis d’enfance, Ben, un Somalien, et Pawel, un Polonais, Adam cherche une voie de sortie pour se construire un avenir, qui pourrait passer par deux femmes : Claire, une dame aveugle à qui il fait la lecture, et Eva, une jeune fille, rencontrée fugacement à la station de Clapham Junction. Sur ce pitch de parcours initiatique, où le héros réussit à sortir de son milieu grâce à son intelligence et à un mentor qui le prend sous son aile (comme dans les classiques Will Hunting et À la rencontre de Forrester de Gus Van Sant), Olivier Dorchamps offre un roman déstabilisant, où le passage de l’adolescence à l’âge adulte est plombé par des traumatismes, mais soutenu par de brefs éclairs lumineux, à l’image de la réflexion sur l’équilibre entre angoisse et espoir, au cœur du livre.
Une des forces de Fuir l’Eden, au-delà du style et de la langue qui font mouche chaque fois, est l’affection que l’auteur porte à ses personnages. Sans jamais masquer la dureté de la réalité, il déleste le trio amical composé d’Adam, Ben et Pawel des clichés et du misérabilisme pour se focaliser sur leur désir de s’en sortir en restant dans le droit chemin – soit l’idée de s’extraire de sa classe sociale sans blesser autrui. Sauf que, et c’est là que réside la tragédie du texte, le héros est confronté à une impossibilité de se détacher de ses origines, au sein d’un monde qui le ramène toujours à d’où il vient.
Un texte poignant et parfaitement construit.