Dans ce roman autobiographique, Lisa Balavoine se remémore la vie avec sa mère, récemment décédée, et tisse naturellement des liens avec la mère qu’elle est elle-même devenue. Elle raconte le deuil avec deux approches antagonistes, comme si elle était la première sur terre à expérimenter le décès de sa génitrice, tout en s’appuyant sur les textes et œuvres phares, qui ont déjà exploré l’angoisse de la perte (Journal du deuil de Rolland Barthes, Que faites-vous de vos morts de Sophie Calle…). Par ce double mouvement, Ceux qui s’aiment se laissent partir est un texte aussi intime qu’universel, animé par des questions nécessaires : comment sommes-nous constitués et comment constituons-nous les autres ? Quelle est notre identité, que transmettons-nous ? Sommes-nous condamnés à reproduire les mêmes erreurs, de génération en génération, à porter le poids des mêmes traumatismes, ou sommes-nous maîtres de nos propres histoires ?
C’est un roman composé de fragments, non par effet de style, mais parce que la mémoire de ceux qu’on a aimés est nativement fragmentée, sans que l’on puisse déterminer pourquoi tels souvenirs, heureux ou malheureux, ont supplanté les autres. Malgré ces fragments, il n’y a ici nul égarement, Ceux qui s’aiment se laissent partir est un texte vif, qui, sans opter pour l’économie de mots – il comporte beaucoup de très belles tournures étoffées –, sait ne conserver que l’essentiel. Chaque phrase sonne juste. Il n’y a aucune maladresse, que des failles et des fissures.