Aa
X
Taille de la police
A
A
A
Largeur du texte
-
+
Alignement
Police
Lucinda
Georgia
Couleurs
Mise en page
Portrait
Paysage

La déliquescence du monde et les impacts concrets de la crise écologique étudiés sur 33 ans. Jusqu’à son dernier épisode, Extrapolations, la série de Scott Z. Burns, scénariste de Contagion de Steven Soderbergh (2011), aura maintenu sa ligne de conduite et cherché cet équilibre précaire entre essai anticipatoire, tract politique volontairement dénué d’ambiguïté, et fiction soucieuse de créer sa propre comédie humaine. Aucun de ces trois pôles ne prendra le dessus. La série ne cache pas ses ambitions et n’hésite pas à sacrifier sa narration au profit de son message.

Extrapolations décrit la lente dégradation du monde et l’incapacité des hommes à y réagir

Prenant le contre-pied des œuvres catastrophes et des séries apocalyptiques, Extrapolations décrit la lente dégradation du monde et l’incapacité des hommes à y réagir. Elle s’attache aux signaux faibles, aux destructions tolérées par l’humanité – la disparition des autres espèces –, pour montrer combien la fin du monde est un système en soi. Chaque épisode, situé un peu plus loin dans le futur, présente un monde qui est toujours vivable, où les riches peuvent maintenir l’illusion rassurante que la société tient encore debout. Mais chaque saut dans le temps montre deux choses : un niveau de vivabilité qui s’est encore dégradé et une vivabilité réservée à une caste dont sont exclus de plus en plus de gens. La série se focalise sur l’étau qui se resserre, écrasant d’abord les pays du Sud, puis les pauvres en Occident, et enfin les classes populaires et moyennes partout, ne préservant bientôt que les ultra riches, aux commandes d’une planète dont ils sont les seuls à ne pas subir les tragédies.

Le cynisme et l’impuissance ne sont ici que des symptômes du capitalisme, voire de la nature humaine. Les évolutions technologiques suivent une courbe inverse à celle du dérèglement climatique : par petits à coup, elles s’immiscent dans le quotidien. Mais malgré leur aspect SF, elles restent à la périphérie. Tels de faux prophètes, elles permettent de détourner l’attention, sans jamais apporter une alternative à la narration, et donc au réchauffement climatique.

Les défauts que l’on peut reprocher à la série sont exactement les mêmes que l’on reproche à la réalité et aux gouvernements

Au final, les défauts que l’on peut reprocher à la série – ses personnages obsédés par le pouvoir quand tout s’effondre ; ses héros persuadés que la technologie peut nous sauver ou à l’inverse qu’elle ne peut rien pour nous ; et son désir de rester optimiste malgré tout pour qu’on ne baisse pas les bras (intention noble, mais qui laisse croire qu’on finira bien par trouver un moyen de sauver la planète, et qu’on peut toujours repousser les changements drastiques)  – sont exactement les mêmes que l’on reproche à la réalité et aux gouvernements. Extrapolations embrasse les scènes explicatives, ne recherche pas la subtilité, ne possède pas de personnages complexes, à même de changer et de se remettre en question, et s’adonne facilement à la caricature. Mais comment le lui reprocher ? Vivons-nous dans un monde subtil ?

Le message d’Extrapolations peut se résumer à ce constat schizophrénique : “Le capitalisme est la cause de la destruction de la Terre, mais, au point où on en est, il est également notre dernier espoir, grâce à sa force de frappe technologique”. En écho à cette schizophrénie, proche du syndrome de Stockholm, la série est à retrouver sur Apple TV.